Durant l’année 2017/2018, l’équipe de Roquefort-les-Pins (06) a réfléchi à la façon dont mettre plus de vie et de mixité sociale au cœur de la ville de Grasse. Ci-dessous, le récit épique et joyeux de cette action collective humanisante.
LE CONTEXTE
Était proposé aux participants de la form’action Cap 360° saison 3 la réalisation d’une action collective visant plusieurs objectifs : lutter contre l’isolement, agir à proximité avec délicatesse, travailler à pacifier et apaiser les relations entre les personnes et les communautés et rencontrer plusieurs personnes ressources, des médiateurs, pour construire l’action de façon pertinente. Le tout étant à inscrire dans une perspective de bien commun, harmonisant le bien de chacun et le bien de tous.
UNE IDÉE NÉE
Lors d’une promenade automnale sur la place aux herbes, dans le centre-ville de Grasse, Martine (responsable de l’équipe de Roquefort les Pins), est frappée du manque de mixité sociale que subit ce quartier historique. Seuls des hommes, d’origine maghrébine, sont attablés dans les bistros attenants. Où sont les femmes, les enfants, les autres nationalités qui forment la communauté grassoise ? C’est alors qu’une idée née.
« Avec Jeannette, on se dit que ce serait intéressant d’orienter l’action de notre groupe vers un rapprochement de cette communauté. » raconte Martine.
RENCONTRE DES MÉDIATEURS
Pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée, l’équipe souhaite d’abord prendre le temps de découvrir les actions menées en ce sens. Une façon de ne pas réinventer la roue : autant proposer de se mettre au service d’un projet en cours, si ce dernier existe. Elle se rend donc à la mairie de Grasse où elle a l’heureuse surprise de tomber nez-à-nez avec le maire de la ville. Ce dernier montre beaucoup d’enthousiasme devant le projet présenté et assure l’équipe de tout son soutien.
L’enthousiasme est communicatif : l’équipe est confortée dans son ambition. Si plusieurs initiatives existent, rien ne semble correspondre exactement aux objectifs fixés. Il va donc falloir monter l’action de toute pièce.
Deuxième étape : prendre la température. Martine décide d’enquêter : quel état d’esprit règne sur la place aux herbes ? Elle rencontre des habitants de Grasse qui avouent ne pas se sentir à l’aise à l’idée de fréquenter cet endroit. Un nouvel indice qui démontre qu’une action favorisant la mixité sociale serait la bienvenue.
Retour à la mairie. L’équipe de Martine rencontre cette fois la directrice des services généraux. Cette dernière fournit beaucoup d’informations sur ce quartier de la ville basse : la place aux herbes et ses deux cafés sont remplis de chibani, ce qui signifie en arabe “vieux aux cheveux blancs”. Ce sont d’anciens ouvriers des parfumeries qui seraient prêts à discuter si seulement quelqu’un s’arrêtait boire un thé à la menthe avec eux. Quant à la sécurité de l’endroit, il n’y a rien à craindre. La propre fille de cette directrice traverse la place tous les soirs vers 18h sans le moindre embarras.
Au fil des jours, l’équipe prend le temps de découvrir d’autres associations qui essaient d’apporter du changement à cette place, en motivant, notamment, les femmes et les enfants à la fréquenter. Par exemple, d’une rive à l’autre propose aux mamans de venir avec leurs enfants y jouer. Est également organisé début mars un carnaval pour les enfants du quartier ; un repas partagé est proposé où chaque maman amène un plat.
LE PROJET INITIAL
Après la rencontre de ces médiateurs, le projet s’affine. L’idée initiale est de se rendre pour un moment gourmand et festif dans l’un de ces deux cafés où seuls les hommes maghrébins sont attablés. Mais l’une des femmes porteuses du projet et habitante du quartier frémit ; sa peur semble si grande que l’équipe renonce à cette première idée et s’oriente vers l’organisation d’un goûter sur la place, avec des femmes d’origine portugaise et cap-verdienne du quartier.
LE JOUR J…
Principe de réalité oblige : ce qui a été longuement préparé ressemble rarement à ce qui voit effectivement le jour ! Tout ne commence pas comme prévu le jour j. Premier problème à gérer : en arrivant sur la place, l’équipe découvre que la restauratrice qui devait accueillir ce moment festif a fermé. Heureusement, l’une des médiatrices rencontrées habite le quartier. Elle propose aussi sec d’aller chercher une table chez elle et de faire le goûter au milieu de la place, parmi les personnes qui s’y trouvent.
Ces dernières, petit à petit, s’intéressent à cette festivité inopinée. Autour de gâteaux faits maison, les habitués de la place, prenant le frais autour de la fontaine, osent se parler et se mélanger le plus simplement du monde. Quelques hommes viennent boire une bière et les enfants, heureux, se ruent sur les bonnes choses proposées et profitent comme jamais de cette grande place où la circulation a été interdite quelques heures durant.
Pour Martine, c’est mission accomplie : « J’ai trouvé très sympa de pouvoir s’installer sur une place publique sans que personne ne vienne nous déloger ni nous demander quoi que ce soit ! Nous avons rempli notre mission jusqu’au bout, même si elle a pris une forme que nous n’avions pas envisagée initialement. Si, quelques mois plus tôt, j’avais ressenti un peu de crainte en traversant cette place où j’avais eu l’impression d’être une intruse, j’ai eu le sentiment que, par notre action, nous l’avions reconquise. Ce ressenti m’appartenait totalement et les habitants de cet endroit ne voyaient aucun inconvénient à ce que nous nous mélangions à leur vie, chacun à sa place il est vrai : les hommes arabes dans leur café, les autres autour de la fontaine, les enfants jouant sur toute la place . J’ai vécu cela comme une sorte d’apprivoisement mutuel qu’il faudra approfondir. En fait, un courant d’humanité s’était installé ! ».
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