En décembre, l’artiste butineuse Raphaèle Bernard Bacot invite à découvrir – plutôt qu’un légume en particulier – un potager dans son ensemble : l’Ermitage à Versailles, “tiers-lieu engagé pour l’humain et la Terre”.
Raphaèle Bernard Bacot : « Oui, mais un potager en hiver, cela ne ressemble pas à grand-chose ! » me direz-vous. Sauf que ce jardin-là offre au regard une forme bien particulière : il s’agit d’un potager en forme de cercle, appelé aussi, « jardin mandala ». Il se situe dans un ancien domaine des sœurs auxiliatrices, géré aujourd’hui par Fondacio.
Au fait, qu’est-ce qu’un mandala ? Ce nom est familier aux voyageurs qui ont contemplé en Inde ces grands dessins de craie dessinés sur chaque seuil de maison, une manière de souhaiter la bienvenue. Ce cercle d’accueil et de méditation est très prisé par la nouvelle génération de jardiniers permaculteurs, qui en a fait le symbole de l’écologie intégrale. Il est lié aux quatre éléments : l’eau au Nord symbolisée par les légumes feuilles, le feu au Sud par les légumes fruits, l’air à l’Est par les légumes fleurs et la terre à l’ouest avec les légumes racines.
Ce genre de jardin contraste beaucoup avec les potagers traditionnels qui alignent les rangées de monoculture. En effet, chaque rayon autour du cercle est composé de plantes différentes, savamment intercalées qui s’entraident avec leur qualité et fragilité qui leurs sont propres. Ce foisonnement est typique de la permaculture. Elle développe, d’une part, la biodiversité et, d’autre part, évite aux nuisibles de s’installer durablement.
La mouche de la carotte, par exemple, sera contenue si sa plante voisine est un poireau et inversement. Le fait de concentrer les cultures dans une forme ronde semble favoriser les synergies entre les plantes et les interactions positives.
Ceci nous mène à un autre principe de la permaculture : prendre soin des hommes comme des plantes et des animaux pour obtenir une harmonie, source de fertilité. Un jardin mandala peut être une grande source de bien-être. En effet, les jardiniers qui pratiquent la permaculture définissent un jardin par une succession de zones concentriques, en commençant par la plus éloignée, la zone 4 ou 5 – que constitue un éventuel poulailler ou un point d’eau – jusqu’à la zone 1, avec le coin des aromatiques proche de l’habitation, pour terminer avec la zone 00 qui n’est autre que le jardinier lui-même.
C’est ainsi que l’on s’achemine de l’extérieur vers l’intérieur dans une démarche cohérente appelée aussi écologie intégrale. L’homme prend soin de lui-même et de sa maison commune. Il peut se poser la question : comment donner plus de sens à sa vie dans une société de consommation souvent déconnectée de sa vie intérieure ?
L’Ermitage, qui héberge une trentaine de personnes en précarité avec cinq salariées, relève aussi le défi de mettre en lien les habitants du quartier. Avec les pousses de Versailles, il invite à déposer ses déchets organiques pour fabriquer un compost bénéfique au jardin. Autre exemple : le chef Gilles Daveau est venu donner une formation sur la cuisine alternative à laquelle le cuisinier de l’Ermitage a assisté. Pas facile de changer ses habitudes après 15 ans de travail ! Un pas de plus vers la résilience alimentaire, déjà bien établie. On privilégie les produits durables et les légumes, certains issus du potager, tout en étant conscients qu’ils ne pourront l’être entièrement.
Autre mission de l’Ermitage : sensibiliser aux enjeux environnementaux et sociaux, en proposant des ateliers Zéro déchet, Ciné-partage, permaculture…
Telle est son ambition : limiter notre empreinte sur terre et développer notre humanité dans ses quatre champs d’action : le social, la formation, la transition écologique et la vie spirituelle. Un projet à méditer en ramassant les feuilles !”