80% d’énergies fossiles : potion magique ou potion amère ?

12 Sep, 2013 | DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, ÉCONOMIE

Energies fossilesLe consommateur a-t-il conscience du fait que de l’utilisation quotidienne qu’il fait de l’énergie, dépendent les stocks d’énergie pour les années futures ? Il s’agit d’un véritable défi posé à la société ; celui d’avoir recours à un usage toujours plus raisonnable et juste de l’énergie.

La dépendance aux énergies fossiles (80% de l’énergie consommée mondialement) est une donnée structurelle qui a marqué le XXème siècle et va continuer de marquer le XXIème siècle. Les alternatives possibles s’accompagnent de contraintes en volumes ou de par leurs coûts. Déjà au moment du choc pétrolier de 1973, la presse abondait en articles vantant les perspectives offertes par le solaire ou la géothermie. 40 ans plus tard, les « nouvelles » énergies renouvelables[i] représentent cependant toujours moins de 1% de l’énergie mondiale en équivalent primaire.[ii]

QUELLES SONT AU JUSTE LES LIMITES PHYSIQUES EN JEU ?

Si le problème énergétique est d’abord fossile, il s’agit alors d’un problème de stocks limités. Le graphique ci-dessous en fournit l’état des lieux actuel.

Réserves et ressources[iii] mondiales 2011 de pétrole/gaz/charbon (milliards (mds) de tonnes équivalent pétrole (TEP))[iv] :

energiesfossiles1

Source: German Federal Institute for Geosciences and Natural Resources (BGR)

Or, les limites des stocks actuels sont très contraignantes.   D’une part car les niveaux de consommation sont élevés par rapport aux réserves, d’une autre parce que la consommation mondiale continue d’augmenter, tirée notamment par la demande de pays émergents encore bien éloignés du niveau de vie des pays développés.

« Dans tous les cas, le plafonnement de la production de chaque énergie fossile comporte des risques sociaux et économiques importants, auxquels il faut se préparer. »

On a produit environ 4,4 mds tonnes primaires de pétrole en 2011 dans le monde (40% de l’énergie totale), 3,7 mds tonnes de charbon (33%) et 3,0 mds tonnes de gaz (27%). Pour donner un ordre de grandeur, cela signifie que les réserves de pétrole (215 mds TEP) représentent seulement 50 années de consommation à ce rythme. Il s’agit de  60 années pour le gaz et 140  pour le charbon.  Si on rajoute la totalité des ressources (la partie non prouvée ou actuellement non exploitable des stocks estimés), on parvient  seulement à 150 années pour le pétrole et un peu moins de 300  pour le gaz, ce qui reste en outre, un maximum peu probable.

Bien entendu, cela ne signifie pas que la consommation des réserves va rester stable jusqu’à chuter brutalement à zéro la dernière année. Un plateau suivi d’une baisse progressive est un scénario bien plus réaliste. Dans tous les cas, le plafonnement de la production de chaque énergie fossile comporte des risques sociaux et économiques importants, auxquels il faut se préparer.

LES CONTRAINTES LES PLUS IMPORTANTES CONCERNENT LE PÉTROLE

Le problème le plus aigu concerne le pétrole qui représente 40% de l’énergie mondiale et près de 100% dans les transports par exemple, alors que c’est aussi l’énergie fossile la plus fortement sous contrainte. Le pétrole déjà produit en 2011 représentait 160 mds TEP (1200 mds barils). Les réserves prouvées atteignent 215 mds TEP (1600 mds barils) et les ressources 465 mds TEP au maximum (3400 mds bl).  Cela équivaut à des réserves ultimes entre 2800 et 6200 mds/bl grand maximum ! Les scénarios de plateaux possibles se présentent alors de la manière décrite par le graphique ci-dessous.

Scénarios de plateaux possibles dans la production de pétrole pour des réserves ultimes situées entre 2800 et 5200 mds de barils :

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Source : The Shift Project

« Le problème le plus aigu concerne le pétrole qui représente 40% de l’énergie mondiale et près de 100% dans les transports par exemple, alors que c’est aussi l’énergie fossile la plus fortement sous contrainte. »

UN DÉFI TECHNIQUE ET SOCIAL MAIS SURTOUT UN DÉFI POSÉ A NOTRE LIBERTÉ

Les stocks d’énergies fossiles sont donc suffisants pour permettre une grande variété de choix de société et de choix individuels, sans être toutefois présents en quantités suffisantes pour nous rendre tout-puissants. Nous avons par exemple la possibilité de détruire le climat ou de le préserver, mais pas celle de le détruire puis de le restaurer. Nous avons aussi la possibilité de gaspiller l’énergie sans que ce mode de vie ne soit pour autant généralisable.

L’abondance énergétique peut alors exercer sur nous un pouvoir de fascination trompeur. En réalité, nous sommes face à une véritable alternative entre le matérialisme et son dépassement sur le plan culturel, philosophique et spirituel. A la différence du Docteur Faust, sommes-nous capables de reconnaître que tout ne doit pas être soumis au monde matériel,  les finalités de la vie humaine plus particulièrement?

Ni potion magique, ni potion amère « en soi » (au contraire), l’accès aux énergies fossiles  s’avère  donc  en premier lieu être  un défi posé à notre liberté : celui de choisir librement de faire ou non un usage raisonnable et juste de l’énergie, que ce soit sur un plan personnel comme sociétal.



[i] Energies comprenant notamment la géothermie, le solaire ou l’hydroélectricité, et qualifiées de « nouvelles » par opposition aux énergies renouvelables plus significatives que sont la biomasse (à savoir surtout le bois) et l’hydroélectricité (respectivement 10% et 2,5% de l’énergie mondiale en 2010 en incluant les déchets).

[iii] A la différence des réserves prouvées les ressources sont :

– Prouvées mais non exploitables pour des raisons économiques et/ou techniques.

– Non prouvées mais possibles (Géologie) et potentiellementexploitablesà l’avenir.

[iv] Totalité des pétroles et gaz conventionnels et non conventionnels. Les pétroles non conventionnels comprennent les sables bitumineux, le pétrole extra-lourd, l’huile de schiste et les schistes bitumineux. Les gaz non conventionnels comprennent le gaz de schiste, le gaz de réservoir étanche, le méthane de houille, le gaz en aquifère et les hydrates de gaz. Concernant les réserves prouvées de gaz de schiste, seuls les États-Unis sont pris en compte.

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