Le climat a toujours varié naturellement sous l’influence de facteurs externes, notamment astronomiques, alors le sujet vaut-il qu’on s’y arrête ? Sans hésitation, la réponse est oui. Il faudra encore plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’années avant que les conditions ne soient réunies pour la prochaine période glaciaire que connaîtra la planète. En revanche, nous vivons dès aujourd’hui dans une période de changement climatique lié à nos activités et dont les risques humains potentiels sont très loin d’être négligeables. La communauté scientifique représentée par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a ainsi estimé récemment à plus de 95% la probabilité que le réchauffement observé depuis le milieu du XXème siècle soit principalement dû aux activités humaines.[i] Il n’y a donc rien d’inéluctable à condition que nous sachions adapter nos activités.
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QUELQUES DONNÉES SCIENTIFIQUES
Entre 1880 et 2012, la température mondiale moyenne a augmenté de 0,85°C[ii]. Par ailleurs les dernières décennies se sont placées nettement au-dessus des décennies antérieures.
Classement mondial par ordre décroissant des années en fonction de leur température moyenne entre 1850 et 2012 (les barres correspondent à la marge d’incertitude) (OMM, 2013)
Source : Organisation météorologique mondiale (2013), Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2012
L’impact des activités humaines sur le climat vient surtout des émissions de gaz à effet de serre. Les gaz à effet de serre (GES) ont toujours été présents dans l’atmosphère, principalement sous la forme de vapeur d’eau (H2O), dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O) et d’ozone (O3). En 2010, 70% des émissions de GES liées aux activités humaines venaient du CO2, 20% du méthane, 8% du protoxyde d’azote et 3% d’autres gaz comprenant les gaz fluorés[iii].
Le soleil nous envoie environ 10% d’UV, 40% de lumière visible et 50% d’infrarouges proches. Les GES sont relativement transparents à la lumière visible mais fortement opaques aux infrarouges, piégeant la chaleur près du sol. Or, lorsque la Terre est chauffée par le soleil, elle émet des infrarouges lointains qui sont alors interceptés en grande partie par les GES. Cela chauffe l’atmosphère qui émet à son tour des infrarouges, dont une large partie retourne chauffer le sol. Sans les gaz à effet de serre, la température moyenne à la surface de la Terre serait de -18°C au lieu de 15°C actuellement.[iv]
Les gaz à effet de serre sont donc très utiles quand ils sont présents dans de justes proportions, mais c’est la hausse de leur concentration dans l’atmosphère du fait des activités humaines qui est problématique. La responsabilité de l’homme est par ailleurs très bien documentée et fait l’objet d’un solide consensus scientifique, malgré quelques voix dissonantes par endroits.
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DES RISQUES ÉCONOMIQUES ET HUMAINES PORTÉS EN PARTICULIER PAR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
« Avec le changement climatique, il ne s’agit donc clairement pas seulement de températures plus élevées et d’augmentation du niveau de la mer, même si ces tendances restent elles-mêmes porteuses de risques […], mais bel et bien de risques qui concernent l’homme de très près et ses conditions de développement. »
Les impacts négatifs prévisibles liés au changement climatique sont multiples : augmentation du nombre de personnes exposées au stress hydrique dans certaines régions, détérioration de certains écosystèmes, baisse du rendement de certaines cultures céréalières, fréquence plus élevée des évènements climatiques extrêmes (canicules, précipitations intenses, sécheresses, etc.), migration de vecteurs pathogènes qui risquerait de favoriser le développement de certaines maladies comme le paludisme ou la fièvre jaune, etc. Qui plus est, une large part d’incertitude demeure quant à la manière dont nos sociétés réagiraient face à un changement climatique fortement déstabilisateur. Nous pourrions alors devoir gérer des mouvements migratoires massifs et des risques accrus de conflits armés.
L’étude du climat ne nous dit pas si des évènements extrêmes comme l’ouragan Sandy fin octobre 2012 (62 millions de personnes touchées et 70 milliards de dollars de pertes), ou la sécheresse connue par les Etats-Unis la même année (164 millions de personnes touchées et plusieurs milliards de dollars de pertes) peuvent être imputés ou non au changement climatique, dans la mesure où il s’agit d’évènement isolés[v]. L’augmentation de la fréquence de tels évènements est cependant tout à fait cohérente avec le changement climatique constaté aujourd’hui.[vi]
Avec le changement climatique, il ne s’agit donc clairement pas seulement de températures plus élevées et d’augmentation du niveau de la mer, même si ces tendances restent elles-mêmes porteuses de risques. Il ne s’agit pas non plus d’abord de risques pour « la planète », mais bel et bien de risques qui concernent l’homme de très près et ses conditions de développement.
Déjà pour l’année 2004, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) avait estimé à 140 000 le nombre de décès additionnels par an dus au changement climatique intervenu depuis les années 1970[vii]. Un rapport de DARA[viii]publié en 2012 a par ailleurs évalué la mortalité liée au changement climatique à 400 000 personnes, chiffre qui pourrait atteindre près de 650 000 d’ici 2030. Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) a quant à lui souligné le fait que 600 millions de personnes additionnelles pourraient souffrir de la faim directement à cause du changement climatique d’ici 2080.[ix] De son côté, sur le plan économique, le rapport Stern avait évalué le coût du changement climatique à une perte d’au moins 5% du PIB mondial en cas d’inaction, et ce de manière irréversible.[x]
Enfin, force est de constater que les pays les plus exposés aux risques du changement climatique sont surtout les pays les plus pauvres, alors même que ce sont ceux qui ont le moins contribué historiquement aux émissions de gaz à effet de serre. Ces pays en développement disposent par ailleurs d’un potentiel d’adaptation bien moins élevé au changement climatique, notamment sur le plan financier. En 2011 HSBC avait ainsi identifié l’Inde ou l’Indonésie comme particulièrement vulnérables face aux risques du changement climatique[xi]. Il s’agit aussi de pays très peuplés.
Indice Maplecroft 2013 de vulnérabilité au changement climatique (risques les plus faibles en vert)
Source : © Maplecroft, 2012
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LE JUSTE RAPPORT À LA SCIENCE
Après deux guerres mondiales, le communisme, et l’influence du nihilisme et de la philosophie postmoderne, la pensée occidentale se retrouve particulièrement marquée par le scepticisme et le relativisme, y compris sur le plan scientifique et plus particulièrement climatique. Dans le même temps pourtant, jamais notre dépendance de la technique et notre passion pour ses réalisations n’ont été aussi grandes. Peut-être cette évolution profonde dans le monde des idées explique-t-elle le rapport paradoxal que nous entretenons aujourd’hui avec la science selon qu’il s’agit de prouesses techniques ou de climat. Comment ne pas voir alors un aléa moral et un paradoxe, dans l’accueil très inégal que nous faisons aux faits scientifiques dans l’un et l’autre cas : confiance voire même vénération de la technique et des objets qu’elle produit dans nos sociétés séduites par le consumérisme, mais scepticisme et inconséquence face aux risques climatiques là où il faudrait prendre à bras-le-corps la transition énergétique ?
Il y a lieu ici de nous questionner sur notre rapport actuel à l’obscurantisme, à la science et plus largement à la vérité. Alors même que nous continuons d’entretenir souvent l’idée d’un passé noir « obscurantiste » dont nous nous serions extraits, nous sommes aujourd’hui bien peu enclins à prendre en compte ce que la science dit sur le changement climatique. Et ce malgré même l’existence d’un solide consensus de la communauté scientifique au sein du GIEC. Il est vrai que la transition énergétique nécessite un effort collectif et individuel massif sur tous les plans : nos lieux de vie et leurs consommations énergétiques (en particulier en chauffage), notre manière de nous déplacer, notre alimentation, nos biens de consommation, etc. Attention à ne pas nous laisser tenter par une ignorance indifférente ou de bonnes excuses pour « ne pas croire ce que nous savons »[xii].
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Que puis-je entreprendre à mon niveau, à travers mon mode de vie et de consommation ou dans mon engagement citoyen, face à l’évolution climatique actuelle ?
[i] GIEC, AR5, Résumé aux décideurs politiques, 2013
[ii] GIEC, AR5, Résumé aux décideurs politiques, 2013
[vi]Bulletin de l’OMM 61 (2), 2012
[vii] OMS, Aide-mémoire N°266, 2012
[viii] DARA, Climate Vulnerability Monitor, 2012
[ix] Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain 2007/08 − La lutte contre le changement climatique: un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, New York, 2007, p. 90. Cité dans “Agro-ecology and the Right to Food”, UN HRC, 2011
[xii]Jean-Pierre Dupuy, D’Ivan Illich aux nanotechnologies. Prévenir la catastrophe?, Esprit, 2007