L’année 2021 va être marquée par plusieurs grands événements internationaux sur les sujets biodiversité et climat. Antoine Cadi, expert biodiversité et économie, les présente et en décrypte les enjeux.
« Après les multiples report qu’a connu 2020 à cause de la pandémie, l’année 2021 doit être une année particulière en ce qui concerne les enjeux de transition environnementale. Elle va notamment voir se tenir plusieurs grands rendez-vous internationaux, concentrés sur le deuxième trimestre de l’année 2021 sur les sujets biodiversité et climat. Parmi ces rendez-vous :
3-11 septembre 2021 : congrès mondial de la nature (UICN), à Marseille (France)
Cela commencera en septembre par le Congrès de l’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature), une ONG internationale qui se rassemble tous les quatre ans. Cette fois-ci, la France est le pays hôte, à Marseille.
Ce rassemblement de nombreux experts du monde entier permettra de faire le point sur la liste rouge – la liste des espèces menacées -, le statut des aires protégées, etc. Et plus largement, cet événement permettra de faire le point l’avancement des négociations internationales en perspective de la COP 15 Biodiversité, et ainsi commencer à mobiliser les citoyens pour répondre aux appels répétés de l’IPBES (plateforme intergouvernementale de scientifiques qui travaillent pour la biodiversité – l’équivalent du GIEC pour le climat).
1-24 octobre 2021 : Cop 15 biodiversité (ONU), à Kunming (Chine)
L’étape d’après sera la COP15 biodiversité. Elle devait avoir lieu l’an dernier mais va finalement se dérouler durant la deuxième quinzaine d’octobre en Chine, à Kunming.
Nous attendons tous de cette COP15 biodiversité qu’elle soit à peu près l’équivalent de la COP21 en 2015 – la COP21 étant une COP climat.
Ce rendez-vous à Kunming doit véritablement être, au sortir de la pandémie, un changement dans la prise en compte des sujets biodiversité à tous les niveaux : gouvernance, économie, relations nord-sud, etc.
Les négociations entre les États ont commencé depuis plusieurs mois sur la base d’une proposition des Nations Unies. Un document draft zéro, sert de base de travail et circule, à l’initiative des Nations Unies depuis le 13 janvier 2020. Ce document doit être entériné par les États ou les représentants des États – la France est représentée par l’Europe sur ce type de rendez-vous – et doit formaliser un certain nombre de constats et d’engagements.
Des constats extrêmement forts et alarmants : on connaît environ deux millions d’espèces et il y a environ un million d’espèces qui risque de disparaître dans les dix à vingt prochaines années, et, via cette disparition ou en parallèle, les services écosystémiques, la pollinisation, la fertilité des sols, la qualité de l’air et de l’eau sont en train de s’effondrer. On n’est donc plus sur un sujet de protection du gorille, de la baleine ou des éléphants, par exemple, mais bien un sujet de maintien de la capacité de l’humanité à vivre sur cette planète – nous n’avons pas de plan B !
Parallèlement, un autre constat tout aussi douloureux, cela a été rappelé par la Commission Européenne et par les Nations Unies : les engagements pris en 2010 et 2012, lors des derniers grands rendez-vous pour la biodiversité, n’ont pas été tenus. Des vingt engagements des Accords de Nagoya, visant à freiner le rythme alarmant de disparition des espèces, aucun n’a finalement été concrétisé.
Ce rendez-vous à Kunming ne peut pas être un nouvel échec, la situation s’est aggravée entre temps et il nous faut avancer, trouver des solutions concrètes et rapidement les mettre en oeuvre.
1-12 novembre 2021 : Cop 26 climat (ONU), à Glasgow (Royaume-Uni)
Juste après cette grande COP biodiversité, il y aura la COP climat à Glasgow qui sera la n°26. C’est d’ailleurs assez intéressant de constater que l’agenda de la biodiversité est considérablement en retard comparé à l’agenda climat : COP15 d’un côté, COP26 de l’autre… Cela montre que le sujet n’est pas encore arrivé au même niveau de maturité.
Concernant la COP26 climat à Glasgow, qui se déroulera début novembre, les choses sont beaucoup plus avancées. L’Accord de Paris a fixé un certain nombre d’objectifs, notamment ce fameux scénario “2°C”. L’idée est désormais de faire le point chaque année sur la capacité des acteurs à suivre ces engagements, à travers leur plan d’action.
Cette fois-ci, cinq défis seront particulièrement suivis, à savoir :
- Capacité des plans de relance – et notamment de la relance verte – d’être véritablement sur la voie de la neutralité carbone. C’est valable tant au niveau des pays qu’à celui des entreprises et des collectivités locales.
- Accélération des changements sectoriels, c’est-à-dire la capacité des politiques et des secteurs d’activité à se prendre en main pour pouvoir répondre à ces enjeux en se positionnant sur des scénarii “zéro émission”. Cela fait écho à de nombreux sujets : Green New Deal, taxonomie verte, etc. On sent que le monde économique est accompagné par les investisseurs et par la réglementation dans cette ambition forte. Néanmoins, beaucoup reste encore à faire, il faudra donc qu’à l’occasion de la COP26, un point puisse être fait.
- Accéder au financement climatique ; c’est un vrai sujet puisque depuis six ans désormais, le fameux fonds de transition en faveur de l’adaptation des territoires au changement climatique et de la lutte contre le changement climatique – un fonds de cent milliards de dollars – n’a toujours pas été constitué. Il va falloir rapidement apporter des réponses, trouver ces moyens financiers, notamment parce qu’ils doivent permettre d’apporter aux pays du Sud des solutions qui leur évitent de passer par les mêmes itinéraires énergétiques que les pays occidentaux et donc d’éviter qu’ils soient eux-mêmes émetteurs d’autant de tonnes de CO2 ou équivalent CO2, s’agissant ponctuellement d’autres gaz.
Le sujet sous-jacent à ce troisième défi est celui de l’allègement des dettes, notamment celles des pays du sud, de manière à ce qu’ils puissent vivre pleinement cette transition environnementale sans être asphyxiés par des emprunts et un endettement trop lourds. - Solidarité, justice et résilience : il est important que le sujet de la neutralité carbone puisse coïncider avec ces trois mots-clés. Le monde doit réussir à définir, un peu comme le Pape François l’appelait dans Laudato Si’, à trouver des itinéraires techniques compatibles avec la situation de fragilité, de guerre, de rareté des ressources, de faiblesse économique… de l’ensemble des pays du monde.
Il n’y a pas de sens à envisager une transition écologique pour tel et tel pays sans que cette approche soit mondiale. - Coordonner les ambitions en matière de climat et de biodiversité. Le constat est aujourd’hui partagé par les scientifiques, et de plus en plus par les États, que nous ne pourrons pas adresser séparément les sujets de lutte contre le changement climatique et de perte de la biodiversité. Il faut donc véritablement faire converger les objectifs de ces deux COP, de manière à ce que l’on puisse relever ce double défi.
Troisième stratégie nationale pour la biodiversité (France)
En parallèle, en France, il y aura la présentation cet automne par le gouvernement de la troisième stratégie nationale de la biodiversité afin de préciser les priorités nationales pour la biodiversité et comment le pays s’organise pour déployer une politique biodiversité ambitieuse.
Avec, toujours, un certain nombre d’appels à mobilisation des territoires, à travers les initiatives Territoires engagés pour la nature et Entreprises engagées pour la nature ; ces deux dispositifs sont animés par l’Office français de la biodiversité qui est l’établissement public en charge de la politique biodiversité au niveau national. Ces dispositifs appellent les entreprises et les élus de tout bord et de toute taille, à prendre des engagements : ce travail, cette ambition, ces défis, ne pourront se porter que conjointement, au niveau international, national et local.”