Les services offerts par la nature : problématique de la pollinisation

21 Juin, 2021 | ÉCONOMIE, ENVIRONNEMENT

Les services écosystémiques sont un cadeau fourni gratuitement par la nature ; cadeau sans lequel nous ne pourrions survivre. Antoine Cadi, expert biodiversité et économie, explicite cette notion à travers l’exemple de la pollinisation.

Services écosystémiques : kesako ?

Les services écosystémiques – dits également services écologiques – désignent ce que les milieux naturels et les écosystèmes génèrent comme bien commun par leur simple fonctionnement.

Pour illustrer ce phénomène, on évoque souvent la filtration de l’eau, la photosynthèse qui remet de l’oxygène dans l’air que nous respirons, etc.

Un exemple facile à aborder – et très explicite – est celui de la pollinisation.

Une illustration : la pollinisation

Comme chacun sait, la pollinisation est réalisée naturellement par les insectes et par un certain nombre d’oiseaux ou de mammifères volants, telles que les chauve-souris.

On oublie souvent que ces insectes ne sont pas seulement les abeilles domestiques que l’on retrouve dans les ruches ; ainsi ce sont plusieurs milliers d’espèces d’insectes pollinisateurs que l’on retrouve rien qu’en France. Ces insectes souffrent notamment de certaines pratiques agricoles – utilisation massive d’insecticides en particulier.
Plus largement, on observe à travers le monde que la diminution – et parfois même, la disparition – des insectes pollinisateurs a des conséquences extrêmement graves, voire définitives, sur un certain nombre de modèles économiques.

Deux situations ont défrayé la chronique ces dernières années : une en Chine et l’autre aux États-Unis, deux modèles très différents de société et de situations économiques, qui ont déclenchés deux réactions aux antipodes pour répondre au même besoin.

La réponse de la Chine

En Chine, dans des vergers (amandiers et fruitiers), où l’absence de pollinisateurs a généré une baisse très importante du nombre de fleurs pollinisées – et donc de fruits que ces arbres peuvent apporter – la réponse a été apportée par la mobilisation de minorités ethniques. Perchés sur des escabeaux et à coups de pinceaux, des femmes, notamment, ont été “invitées” à polliniser à la main les fleurs de ces vergers. Une par une. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer ce que ça représente, quand vous êtes face à votre cerisier ou à votre prunier, d’envisager de polliniser les fleurs une par une…

Quoi qu’il en soit, la Chine l’a mis en place. Je ne crois pas que cette méthode puisse se traduire par un vrai gain que ce soit sur la qualité de vie ou sur la productivité.

La réponse des États-Unis

Aux États-Unis, le modèle économique a apporté ses propres réponses en deux temps.La première réponse a consisté à mettre en place un service de location de ruches. Des apiculteurs, spécialisés dans la production de miel, ont orienté leur business vers une offre de sous-traitance de ce service de pollinisation. Avec de gros camions, ils transportent des centaines de ruches – et donc des dizaines de millions d’abeilles domestiques – qui, pendant quelques semaines, sont louées à des agriculteurs qui souhaitent polliniser leurs champs.

La Silicon Valley, quant à elle, travaille à une réponse « high-tech »  : on voit désormais sortir des mini drones qui auront cette mission de se déplacer de fleurs en fleurs pour assurer une nouvelle forme de pollinisation

Pour conclure

Je crois que ces deux exemples doivent nous questionner : est-ce qu’il est utile, productif et éthique de continuer à aller dans cette perspective d’utilisation de produits phytosanitaires, insecticides et autres, qui ont un impact important sur la biodiversité, et notamment sur ces insectes pollinisateurs, alors même que ces insectes nous fournissent ce service gratuit dont la majorité des plantes ont besoin ? Et par extension l’homme, dont l’alimentation repose pour une grande partie sur les fruits et légumes issus de la pollinisation ?

S’il n’y a plus d’insectes pollinisateurs et si nous n’avons pas une aide humaine ou un modèle économique techniciste – qui lui-même montrera un jour ou l’autre ses limites – nous n’aurons plus de plantes à fleurs. Notre situation sera extrêmement difficile.

J’énonce donc cet exemple pour dire que la réponse “tout humain” ou “tout tech” n’est certainement pas la bonne. Gardons cette humilité, cette juste compréhension, cette acceptation de notre lien étroit, qui est parfois de la dépendance, à la nature, pour faire les bons choix et trouver les bonnes stratégies à venir, en particulier en renforçant notre recours aux « solutions fondées sur la nature ».

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