Depuis fin 2021, nous pouvons observer le phénomène de “la Grande Démission”. Cet accroissement remarquable des démissions de salariés est semblable à celui constaté lors des grandes crises de 2008 et 1974. Cette instabilité du personnel a des conséquences lourdes pour les entreprises et tout le secteur économique. Explications de Pierre-Yves Gomez, économiste et co-initiateur du Courant pour une écologie humaine.
La grande démission : un nid à opportunités
Du point de vue macroéconomique, cette grande démission est synonyme d’opportunités. Les employés, profitant de la reprise, mettent en concurrence les entreprises dans l’objectif d’obtenir une rémunération plus élevée. Toutes les compétences étant touchées par ce phénomène, les 7 % de personnes au chômage ne constituent pas “une armée de réserve” pour calmer le jeu.
Mais pourquoi ces salariés ne négocient-ils pas directement ces avantages en restant dans leur entreprise ? Pour répondre à cette question, une analyse microéconomique est nécessaire.
Diminution de l’esprit collectif
De bonnes conditions de travail ne se limitent évidemment pas à l’aspect financier. De bonnes relations avec la hiérarchie et ses collègues entraînent un climat d’entraide et de solidarité. Ce climat, à salaires similaires, fait l’effet de conditions bien meilleures.
Une gestion individualisée des performances et du bien-être des employés a mené à considérer la communauté de travail comme un plateforme neutre à laquelle on se connecte le temps de réaliser des tâches.
La guerre des clones
Appauvries sans cette notion de communauté, les entreprises se ressemblent toutes. On y trouve les mêmes outils de gestion et les mêmes politiques de développement personnel. De cette façon, le collaborateur n’a aucun attachement affectif pour l’entreprise et calcule simplement les gains qu’il peut tirer de cette compétition.
Pour l’entreprise, le coût d’une telle instabilité du personnel devient exorbitant : tel est l’effet boomerang de décennies d’individualisation du travail.
Version originale de l’article publié le 27/09/2022 dans Le Monde
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