Propos sur la responsabilité dans notre époque moderne

1 Mar, 2023 | SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN

Éric Hubler, auteur-conférencier, créateur de la méthode Aïkido Management, évoque l’importance de la responsabilité, au quotidien, dans tous les aspects de notre vie.

Être centré, c’est d’abord être pleinement responsable de soi-même.

Éric Hubler

Équilibre et responsabilité : deux faces d’une même pièce

Éric Hubler auteur-conférencier, créateur de la méthode Aïkido Management : “En Aïkido, on parle beaucoup de centrage. Cette notion peut être prise au sens propre (centrage de notre corps, de notre esprit, de notre énergie…) comme au figuré car elle fait référence à de nombreux aspects. Qu’est-ce qu’implique le fait d’être centré ? D’abord l’acceptation pleine et entière de notre responsabilité : être centré, c’est d’abord être pleinement responsable de soi-même, de ses attitudes et d’agir en conscience. On n’est pas toujours responsable de ce qui nous arrive, bien entendu, mais on est toujours responsable de la manière de répondre à ce qui nous arrive. Il faut pour cela apprendre à se diriger, donc à se centrer.

Les événements extérieurs, plaisants ou non, sont ce qu’ils sont et il y a une multitude d’événements sur lesquels nous n’avons pas la moindre prise, il est important d’en avoir conscience et de faire la part des choses. Comment imaginer pouvoir agir sur ce sur quoi nous n’avons aucune prise ? Rappelez-vous la célèbre réflexion de Marc Aurèle sur l’acceptation nécessaire de ce que nous ne pouvons changer et le courage de changer ce qui peut l’être.

Certains ont le sentiment de toujours subir les événements et basculent invariablement dans la victimisation : “je n’ai vraiment pas de chance, c’est la faute des autres…”. Voilà des postures terriblement perverses qui laissent peu de chances justement…

Nous sommes donc toujours responsables de la réponse que nous apportons aux événements et cela nous donne en réalité beaucoup de pouvoir. En outre, c’est la clé de notre liberté, la vraie liberté, pas celle que l’on entend trop souvent dans les bouches et qui n’a aucun sens. On ne peut être libre qu’en étant responsable, la liberté est un droit mais elle est tout autant un devoir. Voilà pourquoi je donne une grande importance à cette notion de responsabilité qui est au cœur de nos vies.

On devrait aussi réfléchir à cette notion dans la prise de parole. Tout le monde a bien sûr le droit de s’exprimer librement sur la plupart des sujets, mais la façon de le faire est essentielle. Parler pour parler est vide de sens, parler pour détruire est nocif. Il convient donc, avant de s’exprimer, de réfléchir au fond et aux conséquences de nos propos. Et plus l’auditoire d’une personne est vaste, plus cette responsabilité des propos est importante. La question à se poser est donc : ce que j’ai à dire est-il juste ? Est-ce ainsi que je le ressens au plus profond de moi, sans me mentir à moi-même ? C’est une belle introspection qui fait grandir. On découvrira alors l’intérêt de parler moins mais mieux, ce qui est généralement un signe de maturité.

responsabilité

Responsabilité et respect, les deux alliés

Le respect devrait toujours s’enseigner dès le plus jeune âge, avant que soient prises les mauvaises habitudes plus difficiles à changer…

Je communique beaucoup sur ce que j’appelle « l’esprit du Dojo », « Dojo » signifiant en japonais, le « Lieu où l’on pratique / étudie la voie ». Ce lieu solennel est par définition un lieu de responsabilité, indissociable d’une pratique saine des arts martiaux car l’absence de responsabilité peut avoir des conséquences immédiates et dangereuses. Le respect traduisant la responsabilité se décline de maintes façons, en commençant par : l’état d’esprit avec lequel on vient pratiquer, le fait d’arriver propre, avec un kimono propre, des ongles coupés pour ne pas blesser ses partenaires lors de la pratique, le fait d’arriver à l’heure (le retard, sauf exceptions, pouvant révéler une forme de désinvolture et perturber le bon déroulement du cours…). Le respect se traduit également par le calme et par le salut du lieu, du professeur, de chaque partenaire de pratique. Ces saluts codifiés sont une manière de créer un continuum qui maintient notre conscience éveillée, notre niveau de présence et la qualité de cette présence.

La pratique du respect peut se décliner de nombreuses manières au quotidien. Il est intéressant d’observer qu’au Japon, le respect est profondément culturel et collectif, il n’y a qu’à observer l’état des rues ou du métro ou le faible niveau de bruit pour s’en convaincre. Il est générateur de cohésion et clarifie beaucoup de choses.

Assumer nos choix

Être responsable, c’est se dire que nous avons le choix de faire ou de ne pas faire. En fonction du choix que nous posons, nous obtenons les résultats correspondants. Si ces résultats sont positifs, nous en bénéficions dans nos vies à tous les niveaux.

Si nous ne nous sentons pas responsables de ces choix, alors nous laissons à d’autres la possibilité de prendre cette responsabilité à notre place, ce qui n’est jamais anodin. C’est une forme de dépossession et on ne peut plus alors se plaindre des conséquences qui résultent de ce choix.

La responsabilité est intrinsèquement épanouissante car elle est libératrice. C’est la voie de la vraie liberté – pas celle, une fois de plus, qui voudrait que l’on puisse tout dire ou faire sans tenir compte des conséquences – mais celle de pouvoir choisir, en conscience, ce que l’on fait et la manière de le faire, ce que l’on dit et la manière de le dire, ce que l’on pense. C’est une façon d’assumer notre part en tant que citoyen, en tant qu’être humain tout simplement. Tout ce que nous concevons et faisons exige cet esprit de responsabilité, peut-être aujourd’hui plus qu’à certaines périodes de l’humanité compte tenu des enjeux de notre époque qui apparaît comme un véritable carrefour. Si l’on veut transformer le monde, il faut commencer par soi-même. Gandhi l’a dit mieux que quiconque : « sois le changement que tu veux voir dans le monde ».”


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