Recentrer son attention : comment faire ?

30 Mai, 2023 | ÉDUCATION & ENSEIGNEMENT, SCIENCES & TECHNOLOGIES

En avril 2023, le Courant pour une écologie humaine a organisé un forum à la Roche-sur-Yon intitulé De quel numérique l’humanité a-t-elle besoin ? Anne de Pomereu, auteur, formatrice et coach, propose quelques solutions pratiques pour réussir à focaliser son attention et à apprendre, en profondeur.

Des contenus en pagaille

Anne de Pomereu, auteur, formatrice et coach : “Nous sommes perpétuellement abreuvés d’informations, ce qui est problématique pour l’attention. Nous subissons une surenchère de contenus alors que notre capacité à être reliés à ces contenus n’augmente pas. Que ce soit depuis 20 ans ou 200 ans, notre cerveau n’a pas beaucoup changé. Il n’évolue pas si vite ! Il y a donc une sorte de pénurie du côté du “récepteur” : notre attention.

L’attention, ce papillon virevoltant

Partons de la compréhension du fonctionnement de l’attention ; l’attention est comme un papillon. Elle est naturellement attirée par ce qui est nouveau, facile, court, plaisant et ce qui ne demande aucun effort.
Notre système attentionnel est donc construit pour réagir vis-à-vis d’une alerte externe.

Or, quand on est à l’école et que l’on doit apprendre, il faut quitter la surface pour emprunter un chemin de profondeur. C’est là où réside la complication : car l’abondance de biens de consommation culturels actuels et la possibilité d’aller vers eux sans aucun effort grâce aux merveilleux smartphones que nous avons sans cesse en main devient irrésistible pour l’attention ; sans arrêt, nous sommes happés par la nouveauté. Or, la surconsommation d’écran va dérégler notre système attentionnel et rendre difficile la déconnexion pour aller vers un travail en profondeur.

D’autant que ce travail en profondeur n’est pas très ludique : lorsque l’on est devant une feuille et que l’on doit rédiger un texte, la feuille ne propose aucune stimulation interactive !
Il va donc falloir faire un effort et tenir bon jusqu’à ce que l’on arrive à produire ce texte.
Voilà ce qui est en jeu, aujourd’hui : trouver des moments d’attention soutenue pour obtenir un travail en profondeur. Et c’est ce à quoi l’école est censée nous former…

Se déconnecter à l’école : rêve ou réalité ?

Que se passe-t-il aujourd’hui à l’école ? Je crois que le chemin pris par l’éducation nationale ne va pas tellement dans le sens d’une déconnexion.

Laissez-moi vous raconter l’anecdote de Louise, élève en seconde dans une école parisienne où deux règles pédagogiques s’appliquent : ne pas donner trop de devoirs à la maison, quitte à donner plus d’heures de cours et demander aux élèves de déposer leurs smartphones dans des casiers installés devant chaque classe. Deux règles que l’on pourrait juger adaptées et intelligentes.

Sauf que cette même école a installé les manuels scolaires sur des tablettes. Ces iPad sont censés être totalement bloqués. Mais Louise et ses camarades ont évidemment réussi à contourner les limitations d’usage. Ce qui fait que dès que Louise s’ennuie en cours, elle switch sur Netflix ou Insta. Elle est dans l’incapacité d’écouter trop longtemps quelque chose qui lui demande un effort prolongé de concentration.

Voilà donc ce qui se passe aujourd’hui à l’école : beaucoup d’actions mises en place pour permettre aux élèves de focaliser leur attention et, en parallèle, une contradiction totale, notamment sur cette manière d’enlever les livres scolaires. Les élèves ne savent plus feuilleter et n’ont plus la vue d’ensemble sur un sujet. C’est très compliqué d’apprendre dans ces conditions.

Alors ? Comment recentrer son attention ?

Anne de pomereu : comment recentrer son attention ?

Recentrer son attention en travaillant sur l’environnement

Une chose très importante à comprendre : la volonté seule ne suffit pas. Tous – plus ou moins – addicts, nous avons beau vouloir déconnecter, arrêter de surfer sur les réseaux sociaux pour travailler, ça ne fonctionne pas. La volonté, il faut l’engager, bien sûr, mais ne pas compter sur elle. Alors que peut-on faire ?

La seule chose à faire est de travailler sur l’environnement ; un endroit qui va nous rendre capable de donner des heures de travail en profondeur.

Demander à un jeune après une journée d’école de rentrer chez lui, d’être dans sa chambre et de travailler, c’est très compliqué parce que dans sa chambre, il y a toutes les tentations. Peut-être même que la maison entière n’est pas le bon endroit pour travailler et qu’il vaut mieux rester à l’école ou aller à la bibliothèque.

Peut-être est-il aussi préférable d’être à deux pour étudier, ça peut permettre de se motiver, de s’imposer un travail plus studieux.

Recentrer son attention en bloquant l’accès à son smartphone

Sur le temps de travail en profondeur que l’on souhaite s’allouer, il faut faire en sorte de boucler son écran de façon irréversible. Le mettre en mode avion ne suffit pas : mon attention cherche sans cesse la distraction !

Pour ce faire, il existe des boites à portables. On y insert le téléphone et on programme un temps d’arrêt ; une fois le bouton appuyé, le conteneur se ferme et il n’y a pas de retour en arrière. Voilà une solution radicale qui fonctionne vraiment.

Autre idée : confier son téléphone à ses parents mais ça risque de créer de la tension (et il y en a déjà bien suffisamment dans les familles ! Inutile d’en rajouter).

Apprendre à travailler : boost du plaisir et de l’estime de soi

Il s’agit aussi de savoir comment apprendre pour que la connaissance ne reste pas à la surface. Apprendre en profondeur rend heureux et rebooste l’estime de soi.

C’est un vrai plaisir d’apprendre à faire des choses difficiles : mémoriser de longues poésies par cœur, par exemple, ou tout ce qui demande une concentration soutenue. Pourquoi ? Parce que, justement, grâce à cela, on arrive à déconnecter, en faisant des choses de plus intéressantes. Une fois que l’on a trouvé ce plaisir-là, on ne revient pas en arrière !

Quid des loisirs pour recentrer l’attention ?

Aborder le sujet du loisir en termes d’attention est très intéressant. Que faisons-nous de notre temps libre ? Il est aussitôt dépensé dans des urgences qui n’en sont pas !

On n’a jamais été aussi affamé de temps alors qu’on n’a jamais eu autant de temps libre à dépenser en loisirs. C’est assez paradoxal.

Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, parle d’aliénation temporelle. Le remède, selon lui, est de trouver des moments où l’on entre en raisonnance avec le monde, des moments où le monde nous parle, nous enseigne. Ca peut passer par des choses très simples : marcher dans la forêt au printemps (sans portable), par exemple !

Alors pour bien faire, privilégions les loisirs qui recentrent l’attention : le golf, la musique, la marche, toutes les activités d’équipe, le bricolage…
Tout cela est excellent car ça développe cette attention soutenue dont on a tellement besoin pour faire des choses qui vont nous nourrir en profondeur et qui nous rendent heureux, pour mieux vivre dans ce monde de connexion perpétuelle.”


Aller plus loin avec Anne de Pomereu : quel avenir pour la mémoire humaine ?

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