Par Jean-Philippe Lajambe Président du Courant pour une écologie humaine.
“L’usage du numérique dans nos sociétés est un véritable enjeu d’écologie humaine. Nous avons déjà évoqué les problématiques d’extractions des matériaux, l’extraction des données et la société de contrôle, l’extraction des cerveaux avec la perte d’attention, de concentration et phénomènes d’addictions. Une tendance forte du commerce émerge. Pour les curieux, rendez-vous sur le site www.selfiewrld.com qui illustre parfaitement ce phénomène.
Cela illustre l’individualisme qui déferle et qui fait de nous le propre scénariste, metteur en scène, caméraman et acteur de notre vie. Il nous faut être Instagrammable !
Les dangers sont réels :
- Dangers physiques, de la sédentarisation qu’impose l’écran aux chutes mortelles, comme à Étretat, par des personnes se prenant en selfie.
- Dangers psychiques : ce monde virtuel que nous mettons en scène pour les partager à nos proches et amis sur les réseaux créent une véritable injonction au bonheur et un sentiment de compétition. Je dois être plus bronzé, souriant, heureux, explorateur, sportif que les autres. Et surtout interdiction de montrer sa vulnérabilité, ses faiblesses. Bref c’est « Me, myself and I ». Notre vie est celle qui se voit ; voilà la fiction de ma vie.
Cette vie romancée, filtrée, ne nous permet pas de créer des relations authentiques. La contrainte du bonheur devient anxiogène. Je dois faire telle ville, tel lieu, prendre la photo unique. Croire que nos vies n’ont de sens que dans ce bonheur virtuel nous fait risquer de passer à coté de la relation avec l’autre, en refusant la fragilité.
Paradoxalement, en nous montrant forts, nous devenons faibles et vulnérables. Et quelle solitude lorsque nous voyons que le monde parfait n’existe pas ! Car nos vies ne sont pas parfaites, ne sont pas intenses, ne ressemblent pas à la vie de Truman. Au cœur de nos vies, il y a les liens, la relation vraie, nos fragilités. Les liens avec le reste du vivant, aussi, nous sont essentiels ; à nous de les renforcer avant qu’ils ne disparaissent.”