Docteur en philosophie, Pierre d’Elbée intervient depuis plus de 20 ans dans les organisation professionnelles et associatives. Il cherche à établir des ponts entre le monde du travail et la philosophie, trop souvent cantonnée à un domaine académique. Ci-dessous, à l’occasion de la sortie de son livre Affronter les coups du sort, petit traité de résilience qui paraitra aux éditions Artège, le 7 février 2024, il donne quelques billes sur ce concept.
La résilience de la Nature
La résilience n’est pas seulement le fait de l’homme, mais un phénomène universel qu’on retrouve dans la Nature et tout particulièrement dans la vie. On connaît les plantes du désert d’Atacama au Chili, le plus chaud du monde, dont les graines sont capables de survivre dans des conditions de chaleur extrême pendant des années et d’opérer une floraison spectaculaire, dès qu’elles reçoivent un peu de pluie. Que dire des tardigrades, ces « marcheurs lents », petites bestioles ne dépassant que rarement le millimètre, qualifiées d’extrêmophiles, parce qu’elles peuvent survivre dans des températures extrêmes (-272 et + 150), et qu’elles supportent l’absence totale de nourriture pendant plusieurs dizaines d’années ! Ce sont des champions de résilience.
La résilience humaine
Introduite en France par l’incontournable Boris Cyrulnik, comment aborder la résilience sans ânonner sur son savoir au demeurant précieux ? J’ai choisi un angle philosophique, en puisant à plusieurs sources : la sagesse des stoïciens sur le problème du mal, si bien expliquée par Pierre Hadot, la puissance la Consolation de Boèce à laquelle j’ai fait semblant de croire, la mélancolie de Don Quichotte sous le regard acéré de René Girard, les témoignages de Primo Lévi, de Christian et Marie-France des Pallières… Cette approche multidisciplinaire donne aux savoirs psychologiques sur les stress une dimension humaine vaste où chacun peut se reconnaître.
La résilience morale
Enfin, j’aborde un sujet qui me tient à cœur, tant il constitue une énigme humaine : la question du pardon. Il existe des témoignages sidérants de pardons accordés qui défient l’entendement. Je cite Nelson Mandela qui pardonne à ses geôliers qui lui ont fait subir des peines dégradantes. Après 27 ans d’emprisonnement et 70 années d’oppression dans son pays, il prône le pardon comme fondation d’une nouvelle ère et y réussit au moins partiellement. Maïti Girtanner arrive à pardonner à son bourreau nazi… Il s’agit bien là de résiliences exceptionnelles, morales, où victimes et bourreaux arrivent à dépasser le comportement de vengeance ou de déni.
La nature souffre, le monde souffre. La résilience est une réflexion nécessaire pour ceux qui sont particulièrement accablés. Ma conviction est que le mal n’est pas le point culminant de notre histoire. C’est la raison pour laquelle, même dans les coups du sort, il y a des raisons d’espérer.
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