Créer une grande infrastructure en 2024 : l’exemple du Canal Seine-Nord Europe

7 Fév, 2024 | DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, TERRITOIRES VIVANTS

Le Canal Seine-Nord Europe, qui devrait être mis en service en 2030, reliera Compiègne dans l’Oise à Aubencheul-au-Bac dans le Nord. Son objectif ? Décarboner le transport de marchandises. Jérôme Dezobry, président du directoire de la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE), maître d’ouvrage du projet, en présente les grandes lignes, avec deux focales : les retombées pour les habitants du territoire et ce qui est mis en place pour limiter les impacts environnementaux.

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Le canal Seine-Nord Europe : décarboner le transport en France

Jérôme Dezobry, président de la SCSNE : “On recroit enfin au fluvial ! À mon sens, c’est un mode de transport du futur ; il répond à des enjeux de fiabilité, de sécurité et de décarbonation.

La SCSNE est un établissement public local qui a pour mission de construire le Canal Seine-Nord Europe, un canal pour les bateaux à grand gabarit, entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac. Ce nouveau canal est un maillon essentiel du réseau fluvial européen appelé Seine-Escaut, projet majeur pour l’Europe. En effet, l’objectif de ce grand réseau est la décarbonation des transports avec 1100km de voies navigables à grand gabarit. De fait, ce mode de transport émet 4 à 5 fois moins de gaz à effet de serre à la tonne transportée que le transport routier.

Aujourd’hui, il existe dans les Hauts-de-France le Canal du Nord, conçu avant la 1ère guerre mondiale, et achevé en 1965, soit 70 ans après sa conception. À peine inauguré, il était déjà dépassé. Et c’est problématique aujourd’hui : le Canal du Nord n’est pas dimensionné pour accueillir des péniches à grand gabarit. Les marchandises qui circulent sur les canaux entre les pays du nord de l’Europe et le bassin parisien, le font sur des péniches plus compétitives, dont le gabarit est trop grand pour l’infrastructure actuelle. Ces bateaux se retrouvent donc face à un goulet d’étranglement, et les marchandises n’ont d’autre choix que de passer par la route pour rejoindre leur destination. Le Canal du Nord représente donc un frein pour le développement du transport fluvial.

L’idée a donc très vite été de créer une nouvelle voie fluviale permettant de répondre aux enjeux environnementaux et logistiques de notre époque : le Canal Seine-Nord Europe.

Canal Seine-Nord Europe : le tracé
Carte du Canal Seine-Nord Europe © SCSNE

Canal Seine-Nord Europe : les usages

Une infrastructure fluviale est toujours particulière car elle sert principalement et avant tout au fret, mais c’est aussi une opportunité pour développer plaisance, tourisme et croisières ; la région étant très belle, on peut tout à fait imaginer des croisières qui partent de la Seine et qui arrivent à Compiègne pour visiter des lieux exceptionnels tels que le Château de Pierrefonds ou bien la Clairière de l’Armistice

Les balades pourront également s’y faire tant à pied qu’à vélo : pistes cyclables et chemins de randonnée existeront le long du canal.

Sur l’eau seront essentiellement transportés des pondéreux – matériaux denses et peu périssables comme les matériaux de construction, sable ou ciment. Il y aura également des céréales – la production de la région, les terres traversées étant riches et productives.

Rescindement de la rivière Oise ©JCHecquet-SCSNE

Canal Seine-Nord Europe : l’agenda

En 2019, l’Europe a fixé un cadre général avec la décision d’exécution du réseau Seine-Escaut qui a défini à la fois le périmètre géographique de l’ensemble du projet et les dates clés.

Pour le canal Seine-Nord Europe, les premiers travaux ont commencé dès 2017, avec la mise en place de mesures compensatoires, pour anticiper – et donc limiter – les impacts environnementaux inhérents à ce type de projets : planter des arbres, créer des mares…

Le chantier et les travaux publics ont commencé une fois l’autorisation environnementale donnée, en 2021, avec la mise en place de quais travaux, utilisés pour approvisionner le chantier par voie fluviale. En 2022, ont commencé les travaux des premiers ouvrages du canal : 4 ponts dans l’Oise, le déplacement de la rivière Oise pour faire de la place au Canal Seine-Nord, etc.

L’objectif est d’être prêt pour le rendez-vous fixé par l’Europe : bénéficier d’un réseau à grand gabarit, à horizon 2030, et réaliser l’engagement pris envers un transport décarboné, adapté aux défis économiques et écologiques à venir.

Exploration architecturale sur le Canal Seine-Nord Europe. © TeamO+

Canal Seine-Nord Europe : le financement

La règlementation est très claire : elle impose à tout maître d’ouvrage d’assurer une étude socio-économique pour démontrer la rentabilité globale du projet. Il se trouve que pour le Canal Seine-Nord Europe, elle indique – pour le périmètre français exclusivement – qu’un million de poids lourds par an en France seront évités.

Quant au financement, il a fait l’objet d’une convention signée le 22 novembre 2019 par l’ensemble des financeurs : l’Europe, l’État français, les régions Haut-de-France et Île-de-France et les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Oise. Le coût estimé global était de 5,118 milliards en 2019.

Construction du premier pont sur le Canal Seine-Nord Europe © JCHecquet-SCSNE

Canal Seine-Nord Europe : dynamiser les territoires traversés

Nous avons organisé, avec le territoire et les acteurs institutionnels, la démarche Grand Chantier. Elle vise à maximiser les opportunités de développement pour les territoires, autour du projet. Cela passe notamment par l’emploi, la formation, l’insertion. Par exemple, le dispositif Canal Solidaire repose sur un système de clauses d’insertion par l’activité économique (CIAE), dans les marchés d’études (ce qui est très innovant) et de travaux, pour embaucher des personnes éloignées de l’emploi (personnes au chômage ou au RSA, jeunes en apprentissage…).

Depuis 2018, 130 personnes sont passées dans ce dispositif, dont plus de la moitié a retrouvé un emploi pérenne.

Un autre exemple est le dispositif Canal Emploi, en partenariat avec France Travail (anciennement Pôle emploi). Nous avons développé des kits des compétences avec France Travail et la Fédération régionale des travaux publics (FRTP) qui permettent aux référents France Travail d’orienter les demandeurs d’emploi vers les métiers qui seront en tension pour les chantiers du Canal Seine-Nord Europe, pour qu’ils puissent se former. Ainsi, ces personnes gagnent en expertise et en confiance en s’impliquant dans de grands projets.

Canal Seine-Nord Europe : impliquer les territoires dans le projet

Ce projet est mené par les collectivités locales : c’est unique pour un chantier de cette envergure !

Par ailleurs, dans la phase d’études et de conception du projet, nous avons animé de nombreuses réunions publiques et conduit des démarches participatives, de co-construction.

L’objectif du Canal Seine-Nord Europe est de participer à ladécarbonation des transports de marchandises pour les générations à venir. Il s’agit d’une infrastructure qui va traverser de nombreux territoires, et il est important d’être au plus près des besoins des acteurs locaux, et des entreprises dès aujourd’hui.

Renseigner au mieux les personnes du territoire sur un projet de cette ampleur requiert énormément de dialogue et d’échanges. Nous tenons en moyenne une réunion par jour ouvré depuis la fin du confinement avec des associations, des fédérations… C’est essentiel d’écouter chacun car c’est un projet d’intérêt général !

Création d’une mare à Chiry-Ourscamp dans le cadre des aménagements environnementaux © SCSNE

Canal Seine-Nord Europe : préserver l’environnement

La sécurité des chantiers et le respect de l’environnement sont les priorités essentielles de la Société du Canal. Aujourd’hui, les procédures réglementaires sont très exigeantes ; pour un tel projet, il faut un “permis de construire” environnemental : l’autorisation environnementale, qui présente l’ensemble des mesures environnementales autour du projet. Ces mesuresrépondent à la démarche « ERC » : Éviter, Réduire, Compenser.

  • Éviter : le premier objectif est d’éviter au maximum les impacts environnementaux du projet. Cela passe notamment par le choix du tracé. L’exemple le plus significatif est celui du Pont-Canal de la Somme, qui fait partie des grandes mesures d’évitement : il a été décidé de faire ce Pont-Canal pour éviter de passer dans les milieux naturels de la vallée de la Somme.
  • Réduire : pour les impacts qui n’ont pu être évités, il faut les réduire, comme par exemple l’arrêt des chantiers de déboisement pendant les périodes de nidification des oiseaux, de mars à septembre, ou encore la capture d’amphibiens en amont des travaux pour les relâcher dans un autre milieu.
  • Compenser : des mesures de compensation environnementale sont mises en œuvre à chaque fois que nécessaire. Ainsi près de Chiry-Ourscamp, nous avons recréé des bras d’une rivière qui était totalement ensablée, et à Bienville, 5 ans avant le début des travaux, nous avons planté des arbres et créé un mare pédagogique.

Sur le chantier en cours, une écologue est présente chaque jour pour veiller au respect des autorisations environnementales et en réduire – autant que faire se peut – les impacts.

Aucun projet de cette envergure n’est véritablement neutre d’un point de vue environnemental, il implique forcément de perturber la biodiversité. Cependant, nous faisons tout notre possible pour diminuer son impact afin de maximiser ses bénéfices à long terme.

Canal Seine-Nord Europe : gestion de l’eau

L’eau est l’un des enjeux les plus étudiés du projet.

L’alimentation du canal repose sur trois points importants :

  1. Le prélèvement d’eau ne s’effectue pas dans les nappes phréatiques mais dans la rivière Oise dont le débit est très important. Nous sommes particulièrement vigilants à ce que les niveaux d’eau de l’Oise permettent d’en prélever sans porter préjudice à la faune et la flore qui en dépendent.
  2. Le canal est étanche. La mise en place d’une double étanchéité – rigoureusement testée – permet de préserver au maximum l’eau du canal.
  3. Les parties du canal qui comportent le plus grand risque de pertes d’eau sont les écluses. Elles ont donc été conçues avec des bassins d’épargne pour recycler l’eau de chaque éclusée.
Bassins d’épargne de l’écluse de Noyon © SCSNE-ONE-AEI

Canal Seine-Nord Europe : un exemple vertueux de grande infrastructure

Nous montrons qu’il est possible de réaliser, aujourd’hui, de manière moderne et décarbonée, de grandes infrastructures, en respectant les territoires et l’environnement. Cela requiert une vigilance du quotidien.

L’équipe, qui porte des valeurs humaines fortes ainsi qu’un fort attachement au territoire, est mobilisée pour rendre ce défi réalisable !”


Pour découvrir un autre chantier dans la région de l’Oise : Rénover écologiquement un monument historique classé : l’exemple de l’abbaye d’Ourscamp

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