Le lys du feu est la première plante à apparaître 4 jours à peine après un incendie. Elle représente la réponse la plus inattendue de la vie à l’un des pires traumatismes de la Nature : le feu. Cette fleur d’Afrique du Sud constitue une excellente introduction à 5 questions clés sur la résilience que propose Pierre d’Elbée, docteur en philosophie.
“Nulle pierre ne peut être polie sans friction, nul homme ne peut parfaire son expérience sans épreuve.”
Confucius
Quelle différence entre la résilience et la résistance ?
Pierre d’Elbée, philosophe : “La résistance se situe avant et pendant le traumatisme. Il ne faut jamais oublier que la résilience n’est pas une formule magique grâce à laquelle toute personne pourrait s’en sortir, quel que soit son traumatisme.
Certains détruisent notre vie ou notre humanité. On ne s’en remet pas. La résilience commence lorsqu’une nouvelle vie s’annonce possible. La résilience est postérieure au traumatisme.
Le désert d’Atacama au Chili est le plus chaud et le plus sec du monde. Tous les 5 ans, il offre le spectacle de la floraison exceptionnelle de 200 espèces, dont les graines ont jusque-là résisté en restant en dormance. La résistance précède et permet la résilience, ce saut qui rend la vie possible et transforme une survie en floraison.
Qu’est-ce qu’un traumatisme et quelle différence avec une épreuve ?
On distingue généralement le traumatisme de l’épreuve. Boris Cyrulnik dit : « Dans l’épreuve, lors de la perte d’un grand-parent par exemple, l’enfant est chamboulé, mais parvient à maintenir l’équilibre. Lors du trauma cependant, abus sexuels ou violences répétées par exemple, son cerveau déraille. »
Dans mon livre, j’ai tout de même admis que l’épreuve, autant que le traumatisme, a besoin d’une résilience pour une raison simple : nous réagissons aux événements cruciaux de l’existence avec notre subjectivité qui est plus ou moins sensible. Certains supportent avec une relative facilité des événements objectivement graves, d’autres sont durablement affectés par des événements jugés mineurs. L’expérience des tranchées est toujours jugée traumatisante, la perte de son job peut s’approcher d’un traumatisme, en fonction de la situation et de sa personnalité.
Quelle différence entre psychologie et philosophie dans l’approche de la résilience ?
Sur le contenu, les deux approches peuvent se rejoindre : le philosophe Aristote a écrit un Traité de l’âme (psyché en grec signifie âme et a donné le mot Psychologie) et, plus près de nous, le psychologue Victor Frankl a développé une approche psychologique existentielle fondée sur le sens de la vie, termes éminemment philosophiques.
Mais :
- Historiquement, la philosophie moderne s’est surtout consacrée à la recherche alors que la psychologie se veut un accompagnement thérapeutique.
- Sur le plan de la méthode, la psychologie dépend essentiellement des sciences humaines qui se veulent anormatives, alors que la philosophie intègre une réflexion anthropologique et éthique.
Que peut-on espérer d’un processus de résilience ?
On croit souvent que la résilience est la capacité de « vivre comme avant ». En fait, un traumatisme ou une grande épreuve ne s’oublient pas. On garde toujours une trace de cet événement, d’autant plus qu’il a fallu se battre pour s’en sortir. Mais justement, cet effort (le plus souvent accompagné) enclenche un nouveau rapport à la vie ; on sollicite en soi des forces qu’on ne se connaissait pas et qui peuvent se révéler fécondes. Trois niveaux de résilience sont possibles :
- Le niveau de survie : on a surmonté un traumatisme, on continue de vivre, mais mal. La vie est pénible, les séquelles sont lourdes à porter.
- Le niveau « correct » : on a retrouvé une vie à peu près comme tout le monde, on peut continuer une activité professionnelle, sociale, amicale, sans être perçu comme une victime.
- Le niveau exceptionnel : la personne répond à un traumatisme par une action de surabondance étonnante. Situation rare, mais possible : Henri Dunant, traumatisé par la bataille de Solférino va créer la Croix-Rouge, Maïti Gitanner, torturée par un médecin de la Gestapo va finir par lui pardonner.
La résilience : un concept pertinent dans le monde du travail ?
Prenez un Jean-Michel Frixon, auteur du livre Michelin, matricule F276710. Il a mené toute sa carrière dans cette illustre société, du plus bas échelon au niveau “chef d’équipe”. Il est « stupéfait par le manque de respect » de certains managers, de leurs « propos blessants », de « pratiques profondément injustes », de « souffrances morales ». Pas tous certes, et il donne de beaux exemples de managers vertueux, mais suffisamment pour témoigner des humiliations qu’il a subies.
Alors oui, on peut comprendre que certaines expériences dans le monde du travail et de l’entreprise sont de véritables épreuves, morales, psychiques, et même des traumatismes dont on peut espérer qu’ils donneront lieu à une résilience.”
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