Qu’est-ce qu’un syndicat de rivière ? À quoi sert-il ? – Estelle Fleury

27 Mai, 2024 | ENVIRONNEMENT, NATURE & ENVIRONNEMENT

Depuis 12 ans, Estelle Fleury dirige l’Établissement Public d’Aménagement et de Gestion des Eaux Huveaune, Côtiers, Aygalades, appelé plus simplement EPAGE HuCA. Elle raconte cette aventure à la fois personnelle et collective, où l’un des objectifs est de reconnecter les habitants à leur environnement naturel et, en l’espèce, aux rivières de leur territoire.

À propos de l’intervenante

Estelle Fleury est originaire de Touraine. Des vacances familiales entre la Bretagne et Nice font naître très jeune chez elle un intérêt pour la mer.

En 2001, à 20 ans, elle pose ses valises à Marseille pour poursuivre des études de sciences de la vie et de la terre. Durant ce cycle, elle se spécialise sur la mer et les océans et se prend de passion pour le fonctionnement complexe des écosystèmes et pour les mécanismes qui relient l’atmosphère aux océans et qui régissent le climat. À cette période, elle découvre aussi les altérations de ces processus naturels liés à la façon de vivre de l’Homme moderne… 

Après diverses expériences humaines et professionnelles – au Canada, autour de cours d’eaux alpins et en de multiples lieux du littoral méditerranéen – elle décide de se concentrer sur le territoire marseillais et prend aujourd’hui soin de l’Huveaune et des autres cours d’eau qui rejoignent le littoral de la Métropole Aix-Marseille-Provence, via son syndicat, qui a déjà 60 ans d’existence et qui ne cesse de se réinventer.

Naissance d’un attachement à la rivière Huveaune

Estelle Fleury, Directrice de l’EPAGE HuCA : “le 1ᵉʳ décembre 2003, je me suis retrouvée sous un orage puissant, à Marseille, sur la corniche, transformée en rivière pleine de cascades. Le lendemain, je découvrais avec stupeur l’Huveaune noire, charriant bouteilles de gaz et autres déchets douteux.

J’ignorais, à cette époque, que toute cette eau provenait des 520 kilomètres carrés de territoire des 27 communes constituant le bassin versant du fleuve – l’échelle cohérente pour gérer l’eau : quand une goutte d’eau tombe sur ce territoire, elle finit en général dans la mer.

Après cette date, j’ai poursuivi mes études, ai adhéré à des associations dans le domaine de l’environnement et me suis investie pendant 6 ans dans un bureau d’études en aménagement du littoral. Mais une volonté croissante de maximiser mon action et son utilité me taraudait ; l’échelle de l’association ou de l’entreprise ne me suffisait plus…

En 2012, une annonce pour un poste de chargé de mission au Syndicat intercommunal de l’Huveaune paraissait. Il s’agissait de mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau – directive européenne en faveur d’une amélioration de la qualité des milieux aquatiques – à l’échelle du bassin versant. Il m’a paru évident d’y postuler !

L’Huveaune. Source : EPAGE HuCA

Un syndicat de rivière qui se met à la page de l’écologie

Quand le syndicat de l’Huveaune a été créé, il y a 61 ans, la motivation première était loin d’être l’écologie. Au fond, les rivières nous embêtaient – elles débordaient, inondaient nos terrains – l’objectif premier était donc de lutter contre les inondations en s’en protégeant, en faisant en sorte que l’eau arrive le plus vite possible vers l’aval. La tendance était à l’enrochement, la canalisation, la bétonisation.

Une prise de conscience écologique s’est produite dans les années 2000 ; là, on s’est dit que la meilleure façon de gérer une rivière pouvait être autre, et qu’il y avait une vraie opportunité à s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature, avec, par exemple, l’usage du système racinaire des plantes pour consolider les berges (bien plus résilient qu’un mur en béton !).

En douze ans, le syndicat a étoffé ses compétences et son champ d’action : il est passé de 6 à 40 communes membres (depuis 2019, les communes étant représentées par leurs groupements), agissant de ce fait sur 300 kilomètres de cours d’eau – et donc plus exclusivement l’Huveaune.

Et de chargée de mission, je suis devenue directrice, ce qui est une épopée à part entière !

Définition et actions de l’EPAGE HuCA

Un syndicat de rivière est un établissement public – à l’instar d’un groupement de communes. C’est un établissement administré par des élus – maires, adjoints et conseillers métropolitains et/ou municipaux – et qui porte des missions institutionnelles approuvées par le préfet. Il travaille d’ailleurs main dans la main avec tout type de partenaires institutionnels, tels que l’État, les agences de l’eau, etc. desquels il bénéficie également de financements.

En l’espèce, les membres de l’EPAGE HuCA sont la métropole Aix-Marseille-Provence et l‘agglomération Provence verte. Et son équipe technique compte 22 salariés.

Sur le terrain, au quotidien, l’EPAGE met en œuvre des travaux d’entretien, conçoit et réalise des aménagements pour restaurer les milieux aquatiques et rivulaires, créer des zones de reconnexion de l’eau avec les nappes (des zones humides), tout en réduisant autant que possible le risque inondation et en améliorant le cadre de vie. Il sensibilise, mobilise et anime des concertations entre parties prenantes, conseille, accompagne des projets d’aménagement du territoire. Très important également : il construit une vision à moyen et long terme pour le territoire. Des missions très diverses s’il en est !

Globalement, un syndicat de rivière a pour objectif de travailler sur les divers enjeux de l’eau en vue d’un accès harmonieusement partagé entre les divers acteurs du territoire.

Les particularités de l’Huveaune

Sur le territoire marseillais, comme sur l’ensemble du bassin versant de l’Huveaune, nous devons composer avec de forts contrastes climatiques ; parfois, au même endroit, d’une année sur l’autre, à la même saison, on peut avoir une inondation ou une rivière complètement à sec. C’est l’un des gros défis de notre pays que la gestion durable des nappes souterraines et la répartition dans le temps de la disponibilité de la ressource. Là, par exemple, nous sortons de deux grosses années de déficit en termes d’apports en eau de pluie. Les eaux souterraines sont donc dans un état très insatisfaisant… même si la situation tend à nettement s’améliorer avec les pluies significatives printanières.

Par ailleurs, ce sont plus de 3000 points de rejets d’eaux pluviales qui rejoignent l’Huveaune. C’est à dire que tout ce que vous jetez dans la rue – que ce soit liquide ou solide – finit potentiellement par rejoindre le cours d’eau et in fine, la mer, allègrement transporté par les eaux de pluie. Cela fait émerger l’épineuse question de la gestion des déchets…

Fort heureusement, l’EPAGE peut compter sur les institutions partenaires et les différents publics investis pour faire face à ces problématiques : merci à tous les habitants qui ont le courage de participer aux actions engagées, et également qui prennent le temps d’exprimer leur avis à l’occasion des rencontres dédiées !”


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