Devenir colporteur d’espoir, comme Vieux Néon #ChroniqueDuMycelium

8 Juin, 2024 | PHILOSOPHIE

Gérard Langlois-Meurinne, psychiatre, psychothérapeute, propose régulièrement une chronique du Mycelium, réflexion axée sur l’écologie humaine. Il propose ci-dessous la piste n°24 de réenchantement du monde : comment passer de l’angoisse à la joie.

“Si on veut vraiment répondre à tous les défis et les problèmes qui s’imposent à nous, c’est dans la joie et la créativité qu’on y arrivera, et tous ensemble.”

Vieux Néon

Piste n°24 : comment passer de l’angoisse à la joie

Nous avons tous fait l’expérience de retrouver la joie que nous avions perdue mais nous oublions souvent la précieuse clé de cette expérience. Alors pourquoi ne pas nous laisser inspirer par “Vieux Néon”, ce troubadour des temps modernes ?

J’ai découvert l’histoire de ce marcheur original il y a deux semaines, lisant, au fond de ma province périgourdine, un article du quotidien Sud-Ouest dont voici le titre étonnant :

Le périple pas si fou de Vieux Néon contre les peurs qu’on nous inflige

La Dordogne, pays de l’Homme ?

Tout peut arriver décidément dans notre beau pays de Dordogne ! Alors, permettez-moi un petit détour pour vous conter notre contexte local. Ce pays, dit pays de l’homme, semble en effet avoir été de tous temps fort attractif : après les Néandertaliens, puis les hommes de Cro-Magnon installés au bord de la Vézère, sont arrivés en masse les Celtes, devenus nos ancêtres les Gaulois, qui ont peuplé et défriché ce pays, colonisé peu après par les Romains, avant d’être envahi par les Wisigoths, sans compter les incursions des Sarazins et même des Vikings remontant les cours d’eau ; plus tard, au Moyen Âge, les Anglais prennent le relais jusqu’à la fin de la guerre de 100 ans en 1453. Enfin, à l’époque moderne, n’oublions pas les migrations touristiques (plus pacifiques !) et généralement bien accueillies.

Bien différent, je souhaite en fait vous parler d’un phénomène moins connu : depuis presque soixante ans que j’ai posé un pied dans ce pays attachant, je constate un afflux, petit mais significatif, de gens venus d’ailleurs pour s’y installer. Il s’agit soit de jeunes de moins de 40 ans qui y font ou refont leur vie et créent souvent une nouvelle activité, soit de retraités actifs venus enrichir le tissu local. Beau pays d’accueil, la Dordogne est réputée par sa douceur de vivre proverbiale sans être toutefois un pays de cocagne, car, en réalité, relativement pauvre. Plutôt que pays de l’homme je dirais : pays d’invasion, pays de visitation, devenu pays d’invitation et d’inspiration !

Revenons au Vieux Néon

Revenons au périple de Vieux Néon : ce sympathique barbu a choisi de parcourir à pied plus de 200 km séparant le village d’Angoisse en Dordogne au lieu-dit La Joie en Charente Maritime. Tout un programme ! Cet homme doté d’un bel humour voyage avec une brouette sur laquelle il transporte ses bagages, qu’il a tout simplement nommée du Guesclin. Derrière la façade humoristique, je comprends vite qu’il met ses dons au service de tous, passant dans nos campagnes isolées pour tâcher de réveiller les consciences et surtout de nous redonner courage.

En effet, celui qui s’est donné avec humilité le pseudonyme de Vieux Néon (un vieux néon, cela éclaire assez mal), s’appelle Lionel Epaillard, comédien, auteur et musicien breton. Vieux Néon nous propose de quitter nos peurs pour aller à la rencontre les uns des autres, d’échanger et agir, toujours ensemble. Sur le terrain et mouillant sa chemise, il invite chacun à faire un brin de route avec lui, dormant chez ceux qui l’accueillent et proposant dans les salles municipales un spectacle-causerie qu’il intitule drôlement “Cabaret sanitaire”.

Ce qu’il essaye d’éclairer, le Vieux Néon

Son message est simple et fort actuel : il a à cœur de nous apprendre à lutter contre la rikikite, cette épidémie de peur qui, dit-il, fait des ravages dans nos sociétés. Ainsi, il affirme avec conviction : “Si on veut vraiment répondre à tous les défis et les problèmes qui s’imposent à nous, c’est dans la joie et la créativité qu’on y arrivera, et tous ensemble”.
Il colporte cette bonne parole avec grâce et légèreté à chacune de ses étapes. J’ai encore une fois admiré son audace et sa foi en I’humain, me réjouissant de lui voir faire sa part de colibri et d’en entrainer d’autres avec lui.

Et puis j’ai été frappé par l’analogie de son message avec celui de Pierre Rabhi quand il écrivait : “avant que d’être changé, le monde n’a-t-il pas besoin d’être réenchanté ? N’avons-nous pas besoin de l’aimer et de le contempler pour retrouver l’énergie d’en prendre soin ?”. Propos en écho également avec ceux de l’américaine Johanna Macy qui, dans ses démarches éco-pédagogiques, nous incite dans un premier temps à nous émerveiller devant notre planète Terre, dans un deuxième temps, à nous permettre de vivre notre peine devant les dommages que nous lui avons causés… avant, dans un troisième temps, de nous mobiliser pour la soigner.

Au fond, l’écologie du cœur et de l’esprit ne doit-elle pas précéder l’écologie de la raison et de l’action ? Parions aussi qu’une écologie du courage et de la foi en l’humanité sera plus forte que l’éco-anxiété. Devenons, comme Vieux Néon, là où nous sommes, chacun à notre façon, avec nos moyens, qu’ils soient petits ou grands, des “colporteurs d’espoir”.

Piège n°11 : “Agir sans aimer” ou “Aimer sans agir”

Certaines fausses pistes sont autant de pièges sur notre route. Aujourd’hui, prêtons attention à ce piège à deux faces dans lequel nous pouvons facilement tomber : agir sans aimer (nous connaissons tous le mauvais goût de recevoir des gens à contrecœur ou de donner un cadeau sans amour), aimer sans agir (nous connaissons ces sensations de manque et d’impuissance lorsque nous aimons quelqu’un sans l’aider ou chérissons une cause sans y participer).

Cherchons plutôt quand c’est possible à pratiquer ensemble “Aimer et agir” ou “Agir et aimer” ou bien encore ce que certains appellent “Être méditant-militant”. Et puis gardons dans notre cœur et notre esprit cet élan de fond et laissons-le avec confiance faire son chemin en nous : quel neuf va-t-il apporter dans notre vie ?


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