Élever des plantes : le quotidien d’une pépiniériste – Dáša Bardet

7 Oct, 2024 | AGRICULTURE

Dáša Bardet, créatrice de la Pépinière pour après (Creuse), raconte ce qui l’a motivée à se lancer dans ce métier de pépiniériste. Son objectif ? Permettre à son territoire de bénéficier de plantes résilientes et bienfaisantes.

Dáša Bardet, quel est votre parcours ? Comment en êtes-vous arrivée à créerla Pépinière pour après ?

Dáša Bardet, pépiniériste : “Je m’appelle Dáša, je viens de Slovaquie et je vis dans la Creuse depuis 2009. Je suis arrivée en France par le biais d’un service européen volontaire. Et je suis finalement restée parce que j’ai rencontré mon mari !

Mon diplôme universitaire n’était pas reconnu comme diplôme d’État français, alors j’ai fait une formation d’aide-soignante. J’ai travaillé trois ans en EHPAD, mais je ne me voyais pas faire que ça jusqu’à la fin de ma vie. J’ai donc repris les études : un BTS en lycée agricole, en développement et animation de territoires ruraux avec, en vue, un projet touristique. Ça m’a permis de voir la réalité du monde agricole.

Par la suite, j’ai trouvé un travail qui m’a beaucoup plu, où je suis restée six ans. C’était dans une ressourcerie à Felletin. Dans nos missions, le lien social était primordial. En plus du travail sur la valorisation des objets d’occasion, je me suis occupée des activités liées à l’agrément de la CAF – Espace de vie sociale et coordination des bénévoles et de l’animation d’ateliers partagés. On organisait notamment des “goûters jardin“, moments conviviaux pendant lesquels on visitait de beaux jardins et potagers privés.

À ce moment-là, avec mon mari, on a eu la chance d’acquérir un grand terrain ; il m’est clairement apparu qu’en travaillant à la ressourcerie, je n’aurais jamais le temps de développer des projets sur ce terrain-là. J’ai donc démissionné pour lancer la Pépinière pour après ! Je me suis formée à travers des stages et une formation sur la culture de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (CS PPAM), et je me suis installée comme cotisante solidaire en 2022, puis agricultrice en 2023.

Comment fonctionne votre pépinière ? Qu’y cultivez-vous ?

Une pépinière peut avoir plusieurs formes. Il y a des personnes qui élèvent les plantules ou les plantes achetées, d’autres qui se spécialisent dans les arbres ou les fruitiers. Moi, j’ai décidé de faire une pépinière où je fais pousser presque tout. Je ne fais pas d’achat-révente.

Parfois, des clients ont trop de plantes ressemées dans leur jardin ; ils ont de la peine à les jeter et préfèrent me les proposer. J’accepte avec plaisir ; c’est la seule exception à ma production. C’est un peu l’esprit de ressourcerie qui me reste !

J’ai eu envie de faire plusieurs choses dans ma pépinière – on peut se spécialiser sur certains types de plantes. Je produis surtout des plantes médicinales et des plantes résistantes à la sécheresse – il me semble que c’est particulièrement adapté étant donné qu’il y a de plus en plus de canicules et de restrictions d’arrosage en Creuse.

Les méthodes qui me plaisent le plus pour multiplier mes plantes sont le semis et la bouture. Avec le semis, il y a vraiment un moment magique, c’est le moment où la plante sort son nez de la terre ! Quant au bouturage, certains sont plus ou moins rapides, mais la bouture d’été est souvent d’une rapidité extraordinaire.

Quelles sont les difficultés de votre métier ?

Me lever très tôt pour aller au marché parfois loin, n’est pas facile pour moi !

Comme c’est surtout une pratique saisonnière, la vraie difficulté du métier émerge au printemps. Il y a tout à faire en même temps : de nombreuses plantes à semer, à rempoter, à commercialiser. Comment prioriser ? La première année était très compliquée de ce point de vue : si je ne rempotais pas les plantes, elles ne poussaient pas, si je ne faisais pas le marché, elles ne se vendaient pas, et si je ne rempotais pas, je n’avais rien à vendre ! Et en même temps – histoire d’en rajouter une couche – il fallait aussi faire du marketing…

Parfois, on me pose la question de la solitude : ne te sens-tu pas seule ? En fait, pas du tout parce que je rentre en contact avec beaucoup d’autres agriculteurs de la région. Ce métier m’a vraiment ouvert un autre monde et de nouvelles amitiés. On se croise au marché, on se donne un coup de main et on est d’ailleurs sur le point de créer un collectif d’entraide avec d’autres producteurs de plantes, pour ne pas se faire concurrence et travailler intelligemment ensemble. Par ailleurs, il y a aussi des stagiaires qui passent. Je ne trouve donc pas que ce soit un métier de solitude. Après, j’aime bien ça, la solitude, donc ça ne me pèse pas particulièrement.

Vous transformez certaines de vos plantes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je sèche les plantes dans un tout petit séchoir que j’ai construit avec un déshumidificateur dans une armoire. Je vends quelques mélanges de tisanes, et j’ai commencé à faire du chocolat aux plantes, pour Noël et Pâques.

Je fais aussi du sirop aux plantes ; en Slovaquie, on fait pas mal de sirop de sureau, notamment. Comme je le fais goûter aux visiteurs, et qu’ils apprécient beaucoup, c’est une mission à ajouter à la longue to-do liste du printemps !

Je fait quelques mélanges d’épices aussi et beaucoup de produits à base d’orties : des graines d’ortie, de la poudre, etc. J’aimerais faire aussi des biscuits, mais il va me falloir encore un peu de temps pour mettre cela en place !

J’aime beaucoup les produits à base de plante. Ne serait-ce que pour faciliter leur inclusion dans notre alimentation. Souvent, on a envie de manger les plantes sauvages, mais on ne sait pas trop comment s’y prendre. Moi j’essaie de prendre ce temps-là pour les autres. Ces plantes sont souvent beaucoup plus nutritives que celles que l’on cultive. Et d’un point de vue purement commercial, c’est intéressant de pouvoir proposer des produit quand ce n’est plus vraiment la saison de vente des plantes.

Quels sont vos projets, Dáša Bardet ?

J’ai vraiment envie de proposer, à l’échelle locale, des plantes adaptées au territoire, pour permettre aux habitants de pas culpabiliser en achetant des plantes – on sait bien que l’horticulture n’est pas toujours très écologique…

J’aimerais que ces personnes puissent en apprendre toujours plus sur les plantes, les connaître et reconnaître et avoir des remèdes dans leur jardin.

Pour le moment, mon plus grand souhait, c’est qu’une partie de la maison à venir soit dédiée à des moments conviviaux : boire un thé, organiser des après-midi tisane-papote, etc. De plus, comme il y a un GR (Sentier de grande randonnée), et une traversée à vélo qui passent à côté, j’aimerais pouvoir proposer un dortoir où l’on pourrait accueillir des touristes…

Voilà, j’ai en tête de mettre en place un lieu ouvert et accueillant pour partager ma passion et mon émerveillement devant la nature.

Si vous aviez un message à transmettre, quel serait-il ?

Alors si j’avais un message à passer, ce serait peut-être de créer des mares.

Si c’est possible, si vous avez un jardin, vous pouvez créer, à votre échelle, une petite mare ou un petit point d’eau pour attirer la biodiversité, c’est tellement magique ! Qu’est-ce que ça apporte, un point d’eau, comme vie dans un jardin !”


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