Idée révolutionnaire : permettre aux publics fragiles, bénéficiaires d’associations, de devenir eux-mêmes bénévoles. Parce que le bénévolat, ça fait du bien. Amandine Viau, directrice adjointe de l’association lyonnaise Adopte une Asso, raconte.
Pouvez-vous nous présenter l’association Adopte une Asso ?
Amandine Viau, directrice adjointe de l’association Adopte une Asso : “Adopte une Asso est une organisation lyonnaise fondée en mai 2021 par Ségolène Frandon.
Nous sommes parties d’un constat simple et largement partagé par les bénévoles : si le bénévolat, ça fait du bien aux autres, ça en fait également à soi-même. Et ce, pour de multiples raisons : on sort de chez soi, on apprend des choses, on se sent utile, on rencontre des gens…
L’idée de départ, donc, a été la suivante : pourquoi ne proposerait-on pas à des personnes qui sont d’habitude bénéficiaires d’associations et qui n’ont pas l’occasion d’aider d’autres personnes, de se sentir elles-mêmes utiles à travers le bénévolat ?
C’est comme cela qu’est née Adopte une Asso. Pour accompagner des personnes qui sont en situation de fragilité et leur permettre de devenir bénévoles à leur tour pour s’insérer socialement.
Et ça tombe bien parce qu’en face, les associations ont de plus en plus de mal à trouver des bénévoles !
Qui accompagnez-vous au sein d’Adopte une Asso ?
Nous avons quatre programmes d’accompagnement principaux :
- Les personnes en situation de handicap (quel qu’il soit) car le bénévolat est un outil formidable de réhabilitation sociale.
- Les migrants ou nouveaux arrivants, souvent en attente de droits au travail et désireux de s’insérer. Ces publics sont motivés, avec souvent beaucoup de temps libre et une grande soif de pratiquer le français.
- Les personnes éloignées de l’emploi – chômeurs de longue durée ou bénéficiaires du RSA – pour qui le bénévolat peut être un tremplin vers l’emploi.
- Les jeunes issus de quartiers prioritaires, avec un programme de sensibilisation à l’engagement citoyen et au rôle des associations.
Aujourd’hui, on accompagne autour de 250 personnes par an.
Quelles sont les étapes d’accompagnement pour le bénévole ?
Première étape : la rencontre.
Nous commençons par un atelier de sensibilisation dans des structures lyonnaises qui accueillent des publics en situation de fragilité. Nous y présentons le bénévolat et ses bienfaits, ainsi que l’étendu des possibles à Lyon, dans l’espoir de susciter des vocations et de montrer que le bénévolat est accessible à tous !
Deuxième étape : vérification de la motivations et des besoins de la personne.
Pour les personnes intéressées, nous proposons un entretien individuel qui nous permet de mieux cerner les motivations, envies et besoins des personnes, pour trouver, in fine, des missions adaptées.
Troisième étape : trouver la mission.
Nous contactons ensuite les associations partenaires – ou en découvrons de nouvelles dont les missions pourraient correspondre aux envies des futurs bénévoles. On joue là un rôle de filtre afin que le match entre l’association et le bénévole soit le plus harmonieux possible !
Certaines associations, comme l’Oasis de Gerland, prennent cette proposition comme un beau challenge et trouvent très intéressant d’imaginer la façon dont adapter leurs missions pour des bénévoles aux besoins spécifiques. Elles sont aussi rassurées de savoir que nous les soutenons dans l’accueil de nos bénévoles.
Quand toutes les parties prenantes sont partantes, nous organisons une première rencontre tous ensemble pour faire connaissance.
Quatrième étape : accompagnement sur une ou plusieurs missions
Quand l’association est trouvée, nous accompagnons le bénévole sur une – ou plusieurs selon les profils et les besoins – mission d’essai, jusqu’à ce que la personne se sente suffisamment à l’aise et autonome. Une fois qu’elle se sent capable de se rendre seule sur le lieu de mission et que le lien avec l’association est bien créé, elle continuera son engagement de manière indépendante.
Cinquième étape : entretien de fin d’accompagnement et remise des diplômes
Une fois la mission bien installée, quelques semaines plus tard, nous faisons un bilan avec le bénévole et l’association. Nous organisons aussi un temps de valorisation : une “remise des diplômes du bénévolat” pour remercier le bénévole, souvent en présence de l’association qui l’a accueilli.
Avez-vous une histoire particulière qui illustre l’impact d’Adopte une Asso ?
Oui, celle de Farid me vient à l’esprit.
Farid est une personne accompagnée par une structure spécialisée dans le handicap psychique. Lors d’un atelier de sensibilisation, il a exprimé combien il souffrait de sa maladie et de la stigmatisation qu’elle générait. Son témoignage m’avait beaucoup touchée.
Après cet atelier, il a confirmé sa motivation à devenir bénévole et nous l’avons donc accompagné.
Il est aujourd’hui bénévole régulier à la Banque Alimentaire du Rhône. Un indice qui montre à quel point il s’y épanouit : jusqu’à présent, il y allait une fois par semaine et il est en train de faire en sorte de multiplier par deux cet engagement hebdomadaire ! Et la Banque alimentaire nous a récemment dit que c’était devenu un pilier au sein des bénévoles !
Son histoire a aussi été très jolie parce que la mission s’est construite avec lui. Au début, il a fallu réajuster des choses. Il n’était pas forcément à l’aise pour rester une journée entière, etc. Mais à la fin du parcours d’accompagnement, il était très épanoui. Au point que lors d’une cérémonie de remise de diplômes à l’Hôtel de Ville de Lyon, il a témoigné, avec beaucoup d’émotion, de l’impact positif du bénévolat dans sa vie.
Comme il le dit lui-même :
“J’avais besoin de redonner un sens à ma vie.
Farid, bénévole à la banque alimentaire
Je me suis dit qu’il fallait que je serve à quelque chose, que ma vie ait un sens (…) Ce bénévolat, c’est rendre un service à quelqu’un, mais c’est en même temps se rendre service à soi-même, parce que toutes rencontres sont enrichissantes.
Ce bénévolat me permet d’oublier mon quotidien. Je suis très timide ; le bénévolat est une occasion de développer la confiance et l’estime de soi.
Le bénévolat bénévolat peut également donner un sentiment de fierté et d’identité… quelque chose qui peut être difficile à trouver pour les gens ayant un diagnostic de santé mentale.”
Un dernier message ?
Le projet d’Adopte une Asso est une façon de changer les étiquettes, de voir au-delà des apparences et de découvrir le potentiel de chacun. Nous croyons que chacun a quelque chose à apporter, peu importe son parcours.
Pour ma part, je n’étais jamais allée dans des foyers d’hébergement d’urgence, je n’avais jamais travaillé avec des associations qui accueillent des personnes vivant dans la rue. On fait face à de grandes fragilités de vie. Et, d’un coup, grâce à Adopte une Asso, ce ne sont plus des femmes qui sont dans des foyers d’hébergement d’urgence face à nous, mais des bénévoles qui font des collectes pour Les restos du cœur ! C’est incroyable ! On n’imagine pas ces personnes dans des situations si précaires, donner ainsi de leur temps pour rendre service, pour faire du bien autour d’elles… Changer de regard sur les personnes fragiles, sortir de nos préjugés, voilà ce qu’apporte Adopte une Asso à la société entière.
Découvrez, vous aussi, les personnes fragiles autour de vous : quand on se rencontre, on n’a plus peur. C’est une belle aventure humaine, je peux en témoigner !”