Éric Lemaître est l’un des initiateurs du jardin partagé « l’îlot Saint Gilles », à Reims. Il nous raconte l’histoire de cet îlot urbain, inséré dans un quartier de la ville, qui porte des fruits lumineux, à consommer avec la bouche… et le cœur !
L’origine du jardin partagé
« En 2010, une balade urbaine est organisée à Reims pour découvrir le quartier. En tant que socio-économiste, je suis sensible aux questions de l’habitat et la vie de quartier. J’ai donc participé à cet événement et c’est là que j’ai eu un coup de cœur !
Il y avait ce lieu, au milieu du quartier, qui était à l’abandon – et pourtant rescapé des bombardements de la Première Guerre mondiale, alors que Reims a été détruite en grande partie ! Des éléments d’urbanisme, intacts, ajoutaient un charme certain à l’endroit : de belles maisons à pans de bois…
Au cœur de l’îlot, ce jardin était un dépotoir alimenté par le voisinage. Choqué, j’ai proposé d’en faire quelque chose, en m’inspirant d’Ivan Ilitch, et envisager ainsi une solution pour faire bouger les choses. »
Et puis…
« Sauvegarder, valoriser, entretenir le jardin : il a fallu élaborer et conceptualiser le projet et surtout lui donner une empreinte écologique. Pour ce faire, j’ai pris la présidence d’une commission sur le patrimoine. L’idée a très vite conquis les habitants, et mon épouse – à la main plus verte que la mienne – les a entraînés dans l’aventure. Au départ, nous étions dix. Aujourd’hui, nous sommes une trentaine d’habitants zélés et décidés !
L’îlot Saint-Gilles est une initiative des habitants et non une directive de la ville ou d’ailleurs ! C’est à la fois l’originalité du projet, et ce qui redonne confiance ! Et puis, la vie de l’îlot évolue. Aujourd’hui, c’est un artiste musicien qui est à la présidence. Il donne une nouvelle impulsion, de nouvelles initiatives, des événements auxquels participent tous les Rémois !
« Partager » est peut-être une notion clé pour l’îlot Saint Gilles. C’est un havre qui participe à la construction d’une société conviviale. Depuis, la colocation intergénérationnelle « Frat Habitat » a émergé. Nous partageons la même vision d’écologie humaine et urbaine. Nous portons également ensemble un projet commun de démocratie participative : les élus se sont déplacés ! Les projets se multiplient et engendre toujours de nouvelles idées… »
Une fierté
« Nous avons réussi à mettre en relation des personnes idéologiquement opposées. Un monde commun nous relie et l’on discute en souriant de nos de nos différences et nos convictions. Nos relations sont enracinées dans la bienveillance qui est la matrice de nos relations. »
“Nous voulons donner du plaisir aux gens de se rencontrer sur leurs hobbies, les arts, les jardins, la culture, d’échanger et de partager des instants de vie, facteurs d’émulation et de motivation à vivre les relations et le lien social.” Josiane, de L’ilot Saint-Gilles
Ensemble, c’est tout !
« La bienveillance est la clé pour se lancer dans un tel projet. J’ai eu la volonté de trouver des personnes qui partagent le même souci de l’autre. Il suffit d’être deux ou trois ! Mais on ne peut rien faire seul, il faut se mettre en réseau.
Il faut aussi avoir des convictions fortes. À l’îlot Saint-Gilles, au départ, quelques riverains manifestaient de l’hostilité. Il y a eu quelques dégradations, des intimidations mais, petit-à-petit, ils se sont pris au jeu. La persévérance a porté ses fruits : ces mêmes personnes nous ont écrit une lettre d’excuses.
Une belle solidarité se déploie entre nous, et se manifeste de façon concrète. Nous sommes devenus amis, soucieux les uns des autres, soucieux de notre environnement humain et urbain. »
En savoir plus : article médiapart