Au-delà de la loi française ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, le problème est aujourd’hui européen – sinon international. C’est dans un dialogue avec les institutions européennes et les juges européens, de la Cour de justice de l’Union européenne comme de la Cour européenne, qu’il faut s’engager.
COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Les positions de la Cour européenne des droits de l’homme sont aujourd’hui connues sur l’homoparentalité : dans les arrêts Shalk et Kopf c. Autriche du 24 juin 2010 et Gas et Dubois c. France du 15 mars 2012, la Cour européenne avait semblé marquer une certaine réserve, hésitant à s’immiscer trop avant dans un domaine qui relèverait pour une large part de la souveraineté des Etats. Elle avait ainsi dit d’un côté que le “droit au mariage” (article 12 CESDH) n’imposait pas aux Etats de reconnaître le mariage homosexuel et d’un autre que le refus de la France de permettre à une femme l’adoption simple de l’enfant, attendu par insémination artificielle et mis au monde par sa compagne, ne constituait pas une discrimination au regard du respect de la vie privée de ces personnes (article 14 et 8 CESDH). Le dernier arrêt , X. et autres c. Autriche du 19 février 2013, rendu en Grande Chambre, marque au contraire une volonté plus affirmée de se saisir de ces questions puisque la Cour européenne a retenu qu’était discriminatoire le refus de l’Etat autrichien d’autoriser l’adoption plénière par la compagne de la mère, dont l’enfant attendu “naturellement” était reconnu par le père biologique, dès lors que, dans la même situation, l’adoption aurait pu être permise pour un couple non marié hétérosexuel. Dans une telle situation, en droit autrichien, une convention d’adoption conclue avec le parent biologique doit être homologuée mais en cas de refus de sa part, les juges peuvent être saisis et passer outre le refus si celui-ci n’est pas légitime. Dans cette espèce, le père avait refusé la convention et les juges n’avaient pas voulu passer outre, non en examinant s’il existait ou non des causes légitimes au refus, mais au seul motif qu’un enfant ne pouvait avoir deux mères. La Cour européenne fait application du principe «à situations égales, droits égaux »: le juge autrichien a le devoir d’examiner, comme pour les adoptions coparentales de couples hétérosexuels, si le refus est légitime. Marquant sa volonté d’intervenir, la Cour considère que « l’Etat doit choisir les mesures à prendre au titre de l’article 8 pour protéger la famille et garantir le respect de la vie familiale en tenant compte de l’évolution de la société ainsi que des changements qui se font jour dans la manière de percevoir les questions de société, d’état civil et celles d’ordre relationnel, notamment de l’idée selon laquelle il y a plus d’une voie ou d’un choix possibles en ce qui concerne la façon de mener sa vie privée et familiale ».
OUVRIR UNE RÉFLEXION EUROPÉENNE
Le droit de l’Union est à cet égard moins connu, puisque ces questions ne relèvent pas de son champ de compétence. Pourtant, contrairement à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union pose directement comme critère de discrimination « l’orientation sexuelle » (article 21 ; v. ég. Dir. 2000/78 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail) et la Cour de justice a déjà pu dire, en se fondant sur le principe d’égalité des rémunérations, qu’était contraire au droit de l’Union le droit d’un Etat qui n’autorisait pas la modification de l’état civil d’une personne transsexuelle et, partant, privait celle-ci de la possibilité de se marier et donc de bénéficier de la pension de réversion après le décès de son partenaire (CJCE 7 janvier 2004, C-117/01).
Les conséquences de la loi dite “mariage pour tous” ne seront peut être pas immédiatement l’ouverture de la procréation médicalement assistée – et au-delà, de la gestation pour autrui – aux couples homosexuels. De moins en moins cependant les Etats seront libres de se prononcer, le juge national ayant de surcroît le devoir de donner aux normes de la Convention telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme leur plein effet (7 février 2013 Fabris c/France)
Le réflexe pourrait être de sortir de l’Europe, de dénoncer la convention, et de se recroqueviller. Il me semble préférable d’ouvrir une réflexion véritablement européenne pour faire entendre en Europe la voix de l’Ecologie humaine.