Gérard Langlois-Meurinne est un ami de longue date du Courant pour une écologie humaine. Il a notamment cofondé l’alvéole Oasis, qui se réunit régulièrement pour parler d’humanisme et d’écologie humaine. Il a écrit un texte poétique qu’il accepte de partager avec vous.
“Chers amis du Courant pour une écologie humaine, marcheurs en humanité, je vous offre ce texte qui m’est venu récemment et qui peut-être vous rejoindra, vous parlera, vous fera vous sentir reliés les uns aux autres.
Recevez-le comme un texte imagé, non comme une leçon, non comme une explication mais comme une vision, je l’espère, inspirante… et si vous en avez le goût, donnez-moi quelques échos. Je prendrai le temps de vous répondre.
Ne les entendez-vous pas ?
Tendez bien l’oreille, ils avancent …
On ne les voit pas encore, enveloppés de brouillard… le jour est encore jeune…
Entendez cette rumeur, une drôle de rumeur, comme des pas encore assourdis, des pas innombrables…
La terre bouge, la terre porte leurs pas…
Déjà ils sont passés là, déjà ils ont cherché… ils reviennent, enfin ils ont trouvé le passage, la forêt s’est ouverte, ils vont aborder vallées et collines, le vent les attend, le vent et le soleil doux du matin, le vent et la chaleur torride de l’après-midi.
On dirait que rien ne les arrête et pourtant tout est obstacle :
les rivières infranchissables, les mêmes rivières où s’abreuver,
les déserts arides et pourtant les déserts ouverts de dune en oasis,
les vallées où se perdre mais aussi où se retrouver à l’abri,
les bêtes sauvages et pourtant nourriture bienvenues,
les gorges profondes occasion d’inventer des ponts,
…
Ils sont comme innombrables, avançant là en foule, là en petits groupes, d’autres seuls, ou encore en famille, en tribu, en communauté. Certains s’arrêtent, ils ont faim, soif, ils sont malades et même ils accouchent. Ils s’attendent, ils s’entraident, ils se regardent, ils se consultent du regard, de la voix.
Ils se chamaillent et puis se rabibochent. Parfois cela tourne mal… le malheur les guette bien souvent. Mais le rire des petits et le sourire des anciens les font repartir. Certains disent que le malheur est un prix à payer pour la vie, que la vie est risque et qu’elle ne serait pas la vie sans cela.
Certains vont méditer aujourd’hui autour de cela : sagesse ou bêtise, foi ou naïveté, pessimisme ou optimisme ? La journée ne suffira pas. Heureusement le voyage est long, très long, sans doute éternel. On a le temps de réfléchir, d’essayer, de se tromper, de recommencer, de se plaindre, de se détester puis de se réconcilier, y compris avec soi-même !
Il y en a qui aiment marcher devant. Ils prétendent même savoir où la caravane devrait passer. Certains disent que ce sont des fous, d’autres des visionnaires ou les deux peut-être. Qui vivra verra !
D’autres marchent derrière tout le monde. Certains les appellent des suiveurs mais d’autres disent que ce sont des bienfaiteurs qui attendent les malades et enterrent les morts.
Certains trouvent de l’eau en plein désert. On dit qu’ils sont fous mais certains les appellent sourciers.
D’autres lèchent les plaies des malades. Ils sont sans doute fous mais certains les appellent guérisseurs.
Et certains savent même écouter ceux qui pleurent et ceux qui se réjouissent. Sont-ils fous ? Certains les appellent thérapeutes.
Qui vivra verra !
L’autre jour un homme que personne ne connaissait et qui se faisait appeler Paul ou Saül a réuni quelques-uns d’entre nous et nous a raconté une drôle d’histoire : d’après lui, nous étions tous doués, l’un avait bon œil, l’autre bon pied, une langue bien pendue, la main leste ou parlait plusieurs langues…jusque-là tout allait bien ; mais il s’est mis à nous dire ce que nous savions mais que nous oublions trop souvent : nous étions un seul corps, mon œil a besoin de ton pied et de sa bouche, etc. Depuis nous marchons autrement, nous marchons même en nous regardant : eh oui, nous sommes étonnés de marcher enfin « ensemble », chacun joue de son instrument mais cela sonne comme un orchestre… les jours où c’est réussi !
Ainsi presque chaque jour nous avons de nouveaux prophètes, il y en a des mauvais et parfois des bons : à nous de distinguer.
Et chaque jour, beaucoup de chiens aboient et … notre caravane passe !
Qui leur dira où aller ? Peu importe, ils le « savent », parfois mieux que leurs chefs, vrais chefs, bons chefs ou mauvais chefs trompeurs. Il y en a qui sont leurs propres chefs. Ils savent, ils sentent au fond d’eux où leur vie, où la vie les amène.
Le chemin fait est leur passé, le chemin devant eux est leur avenir, la caravane est leur pays, la marche est leur VIE.”