L’éducation a un rôle décisif dans l’accompagnement d’une personne à s’accomplir et à trouver le bonheur. Mais pas que. Nos actes, nos facultés et l’acquisition de vertus nous permettent également de nous accomplir – et d’atteindre la forme de bonheur qui nous conviendra. Ce texte est tiré du mémoire dédié à la paternité de Cyrille Krebs, responsable de l’alvéole Éducation.
Dans ce qui m’apparaît comme bien, je dois discerner ce qui est un bien apparent et ce qui est un bien en soi, adéquat pour moi. Si les biens apparaissent différemment aux uns et aux autres, c’est en raison de leurs dispositions respectives. « Puisque le bonheur est une certaine activité de l’âme en accord avec une vertu parfaite, c’est la nature de la vertu qu’il nous faut examiner : car peut-être ainsi pourrons-nous mieux considérer la nature du bonheur lui-même ». Le bonheur du musicien, c’est d’être musicien en acte et non pas seulement en puissance. Le bonheur, pour celui qui veut être musicien, apparaît comme cet état dans lequel le musicien parvient à un certain achèvement dans le domaine musical. Il suppose la mise en œuvre de nos facultés en rapport avec le bien recherché, en l’occurrence « être musicien ». Pour y parvenir, il faut acquérir des habitus. Les vertus permettent à l’homme de s’accomplir en s’élevant par lui-même.
Le bonheur est une réponse à une aspiration fondamentale en nous. Il est lié au bien. Quel bien me donnera le bonheur ? Quel bien me convient absolument ? Et l’homme vertueux est celui qui se dispose de telle manière qu’il est attiré par son vrai bien [1]. L’homme n’est pas rien, il n’est pas une page blanche. Mais il n’est pas non plus complètement déterminé. L’actuation de mes facultés suppose mon libre consentement. Si par mes actes répétés, je respecte l’orientation de mes facultés, alors j’acquiers des vertus et ainsi je me détermine dans le respect de ma nature et je m’accomplis moi même. Dans le même mouvement, j’actualise en moi mon bonheur. Ainsi l’homme qui acquiert les vertus permet à ses facultés humaines de s’accomplir [2]. En pratiquant des actions justes, nous devenons justes, et de même pour les autres vertus cardinales : force, tempérance et prudence.
Nos facultés sont aptes à recevoir telle disposition comme le courage ou son contraire la lâcheté. Ces dispositions acquises vont déterminer mon agir pour le meilleur ou pour le pire. Je ne nais pas vertueux mais je ne nais pas vicieux J’étais dans une relative indétermination. Qu’est ce qui m’a fait passer à l’acte ? Un premier acte puis un autre et beaucoup d’autres encore … Par conséquent si l’éducation n’est pas absolument déterminante, elle va jouer un rôle décisif. Au départ, je vais me disposer sous l’influence des dispositions sociales. Ainsi, le père et la mère jouent un rôle décisif et sont investis d’une responsabilité qui est à cette mesure.
Nos actes révèlent la droiture de nos intentions et nos dispositions à un instant donné. Une intention se noue à l’intérieur de mon cœur dans un discernement. Ainsi apparaît la dimension intimement personnelle de l’intention, ce par quoi l’amour devient personnel. Dans l’intention je coopère à cet amour et je l’oriente. Avec l’intention on entre dans la vie morale grâce à l’intelligence qui mesure le bien et nous y ordonne dès lors qu’elle saisit le bien comme fin. L’intelligence et la raison donnent à l’homme cette capacité de connaissance critique, cette aptitude à la délibération, centrale dans la détermination du bien et des choix à poser. Au fur et à mesure que je me prends en charge, je peux discerner les lacunes, les blessures et dans ce moment de réappropriation et de relecture il me faut une raison la plus éveillée possible pour faire un travail de confrontation, de vérification … La vertu de prudence, si je l’ai, va me permettre d’enraciner l’intention que je porte dans les actes du quotidien [3].
[1] « Cette notion de disposition, reprise d’Aristote, va apparaître déterminante dans notre aptitude à nous accomplir conformément à notre nature. La disposition est ce qui va éduquer la faculté. La disposition va déterminer une capacité à agir en vue du bien et nous ouvre vers la distinction de la vertu et du vice. La vertu permet à la disposition d’agir dans conformité à ce que nous sommes ». Extrait d’un cours de Thibaud Colin, IPC.
[2] « Ce n’est ni par nature ni contrairement à la nature que naissent en nous les vertus mais cette nature nous a donné la capacité de recevoir et cette capacité est amené à la maturité par l’habitude … » Ethique à Nicomaque1130a
[3] Ainsi la prudence apparaît comme une vertu à la fois morale et spéculative