Dans le cadre du parcours de form’action Cap 360°, le thème “réparer” est évoqué. Voici ce qu’en dit Gilles Hériard Dubreuil, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, d’un point de vue sociétal.
“Étape 1 : observer. Quel est l’état de notre société ? Les activités qui s’y mènent concourent-elles au bien de tout l’Homme et de tous les Hommes ? Est-ce la préoccupation première ?
Triste constat : tout est à reprendre ; toutes ces activités sont à recentrer. Il y a un travail considérable devant nous, une tâche immense, vertigineuse, voire décourageante.
Étape 2 : se situer. Quelle est ma position ? Comment, individuellement et collectivement, pouvons-nous aider à reconstruire une Société de Bien Commun ? N’est-il pas préférable de partir, de fuir ? L’humanité n’est pas hors-sol. L’humanité est rattachée à une terre, à un lieu, à une histoire. Elle est liée à un peuple. C’est à travers ces racines que notre décision pour la suite peut être prise.
Il est évident que nous ne devons pas rêver d’un passé magnifié ; point de “c’était mieux avant” : c’est quelque chose de nouveau que nous devons construire. Après Tchernobyl, les habitants des territoires contaminés que j’ai rencontré me disaient : « On ne peut pas uniquement regarder le niveau de radioactivité pour savoir si nous allons revenir ou non sur nos terres. Il faut que nous nous posions en profondeur la question de savoir pourquoi nous sommes là. Qu’est-ce qui est à l’origine du fait que notre peuple s’est installé là ? Pourquoi notre famille est ici ? C’est à partir de ces éléments que nous prenons en considération la possibilité de revenir – ou pas ».
Premier acte à poser, si votre réflexion vous a mené à cela, dire : « Oui, je m’installe ici. Je suis bien dans le pays de mes Pères. Et c’est à partir de là que je vais reconstruire une vie ».
Reste maintenant à savoir comment et quoi rebâtir. Devons-nous rebâtir à côté de l’existant ? Ou allons-nous essayer de réparer les brèches et reconstruire ce qui existe déjà ? Pour cette dernière option, il s’agit de partir du principe que notre civilisation a les bonnes bases, les bons fondements. Ce sont fondements que nous devons retrouver, ce roc sur lequel nous pouvons construire quelque chose de solide. Il est donc nécessaire de nous réconcilier avec notre héritage, alors même qu’il nous laisse peut-être parfois, sur quelques aspects, un certain malaise. Nous devons le reconsidérer, nous devons revoir là-dedans ce qui est bon, solide, important.
Étape 3 : agir. A partir de cet état des lieux sur ce qui est bon dans nos racines, nous pouvons déterminer ce que nous allons faire. Prenons l’exemple de l’architecte Lucien Kroll, qui, face à ces barres d’immeubles construites dans les années 70 refuse l’idée de tout détruire, pour favoriser celle de réparer. En mettant les habitants au centre du processus de réparation de leur quartier, parce que c’est comme cela qu’un paysage se construit. Un paysage est fait par les habitudes, par les lieux où l’on vit, où l’on produit, où l’on se rencontre et se retrouve.
Voilà le chemin qui se construit et qui va nous permettre de repartir de là où nous sommes aujourd’hui pour poser des pas. L’essentiel est de refaire un peuple. Il ne s’agit pas de couvrir tout l’espace, de créer des solutions victorieuses qui vont résoudre tous les problèmes. Il s’agit de s’inscrire dans le temps, de bâtir sur et avec les Hommes. L’Homme est digne de confiance. En lui faisant confiance, on peut créer des processus qui nous dépassent et qui vont ensuite, mûrir, croître dans le temps.”