Benoît Bréchignac, Directeur des Ressources Humaines (DRH) d’un groupe de distribution en région Rhône-Alpes, s’interroge : comment travailler toujours mieux à l’unification des membres de sa communauté de travail (= l’entreprise) dont il a la responsabilité ? Retour d’expériences.
Cet article est issu du livre « Société de Bien Commun, pour changer la donne à hauteur d’homme ».
“En qualité de DRH, ma préoccupation première est de travailler, au sein du comité de direction, à l’unité et à l’unification des membres de la communauté de travail (l’entreprise) dont j’ai la responsabilité.
Mon rôle au sein de ce collectif de dirigeants est de l’accompagner dans sa capacité à projeter l’entreprise dans une vision et une mission partagées, à définir ou soutenir les
stratégies qui permettront de réaliser cette ambition et enfin à engager les collaborateurs dans cette aventure collective.
Les mener « à bon port » dans le respect de leur personne et par le développement de leurs talents et de leurs compétences nourrit la fierté du DRH dans sa mission !
LIEN STRUCTURE DU CAPITAL-CULTURE D’ENTREPRISE
Mon parcours professionnel m’a amené à travailler dans des entreprises très différentes notamment du point de vue capitalistique. Je fais le constat que la structure du capital influence fortement la culture de l’entreprise, son mode de management, son rapport au temps, ou encore la stabilité de sa gouvernance. Les entreprises cotées en bourse, souvent mondiales, sont tributaires d’une obligation de performance quasi quotidienne, évaluée publiquement et sanctionnée par le cours de bourse, impliquant une capacité de réaction presque immédiate au détriment d’une permanence dans l’action. L’actionnaire est de fait souvent désincarné, volatile, exigeant et spéculatif. Il est perçu par les salariés (mais aussi par leurs dirigeants) comme une « puissance » lointaine, méconnue, attirée par le gain financier et rétive à la prise de risque pour le développement de l’entreprise. Les intérêts de l’actionnaire divergent de ceux des salariés. Ces entreprises vivent des tensions irréconciliables que la mondialisation exacerbe toujours plus. Le comité de direction peine à gouverner, le management se désengage, le cynisme se répand et le dialogue social ne peut plus fonctionner sereinement.
J’ai également travaillé dans des entreprises dans lesquelles l’actionnariat est familial et partagé avec les salariés permettant ainsi une indépendance vis-à-vis des marchés financiers et le développement d’une culture entrepreneuriale réelle. Ces entreprises restent généralement vigilantes à conserver un faible niveau d’endettement vis-à-vis des banques dans une logique de saine gestion. Ce modèle est exigeant car il développe la responsabilité, l’engagement personnel et le sens du résultat. Il développe une gouvernance plus apaisée entre l’actionnaire, les dirigeants et la communauté des salariés de l’entreprise.
TRAVAILLER À UNE VISION COMMUNE
Pour autant, cet équilibre est vite instable et il me paraît nécessaire que les dirigeants, avec l’aide de leur DRH, travaillent à maintenir une relation apaisée entre ces trois acteurs clés de l’entreprise par le développement d’une expérience apaisée de leur appartenance à une maison commune et une convergence de leurs intérêts à court et long terme.
Cette réconciliation a pour finalité de recréer du lien entre ces trois parties prenantes de l’entreprise par le développement d’une communauté d’intérêts et de création de valeur. Il est important de soutenir et d’encourager les entreprises à partager une vision commune avec leurs actionnaires et leurs salariés. Le développement au sein de l’entreprise d’une pédagogie efficace sur le rôle de chacun des acteurs permettra également de clarifier les rôles et les intentions. Cette vision co-construite sera le socle de la relation de confiance et de réciprocité nécessaire à la sérénité de toute organisation. Le développement de l’actionnariat des salariés est un moyen efficace de stimuler le sentiment d’appartenance et d’engagement dans la durée. Il permet également d’augmenter la responsabilisation de l’ensemble des parties prenantes.
PROMOUVOIR UN CAPITALISME D’ENTREPRISE
Le levier suivant est de soutenir la répartition et le partage de la richesse par le soutien aux démarches telles que l’intéressement et la participation qui permettront de nourrir les plans d’épargne salariale (PEE) et l’actionnariat. Il est nécessaire toutefois de redonner à ces dispositifs leur efficacité sociale et donc que l’État accepte une baisse du rendement fiscal actuel (ces dispositifs étaient jusqu’à présents exonérés de cotisations et d’imposition pour le salarié et pour l’entreprise : une nouvelle cotisation sociale de 20 % à la charge de l’employeur a été mis en place sur l’intégralité des montants de l’Intéressement et de la participation en l’espace de trois ans).
L’incitation sociale et fiscale aux dispositifs d’abondement par l’entreprise des sommes versées par les collaborateurs permettrait également de renforcer l’attractivité de ces dispositifs et la capacité d’épargne à long terme des salariés. Les récentes législations qui ont permis de rendre liquide et donc immédiatement disponible la participation (dans les limites de la formule légale) n’ont pas rendu service sur le long terme aux salariés. Elles ont privilégié l’illusion à court terme d’un meilleur pouvoir d’achat au détriment d’une épargne de long terme nécessaire à une acquisition immobilière ou à la constitution d’un capital retraite individuel.
Il serait également intéressant de favoriser par le crédit d’impôts formation le temps passé par les salariés à se former sur l’actionnariat de leur entreprise et à le promouvoir au sein de l’organisation par des actions internes de communication, de formation, de conseil… Dans certaines entreprises, le temps dédié à cette animation et le nombre d’acteurs impliqués peut être conséquent. La participation des salariés à la gouvernance des Fonds communs de placements doit être encouragée ainsi que leur présence dans les conseils de surveillance de leur entreprise et aux assemblées générales des actionnaires.
Un autre moyen de promouvoir une « maison commune » serait de développer chez les actionnaires majoritaires et/ou familiaux un changement de culture par la mise en place, à compter d’un certain seuil de part dans le capital, d’une obligation couplée à une incitation à la formation des actionnaires et de leurs futurs ayants droit à l’entreprenariat. Ce type de démarche, déjà existante dans certaines familles actionnaires, permet d’augmenter la pertinence des décisions prises par les actionnaires. Favoriser fiscalement ces programmes d’Affectio societatis pour les salariés ou pour les actionnaires permettrait également de redonner à chacun la conscience de développer un capitalisme d’entreprise plutôt qu’un capitalisme financier.
Il existe, par ailleurs, souvent trop d’écarts entre les niveaux de dividendes versés à l’actionnaire et les niveaux d’augmentations salariales au sein de l’entreprise. Une corrélation proportionnée permettrait de renforcer l’appartenance à une maison commune et apaiserait bien des tensions en complément du rôle de régulation joués par les comités de rémunération et de nominations.
Finalement, cette réconciliation entre l’entreprise et l’actionnaire devrait passer par d’avantage de formation sur l’économie d’entreprise : mieux comprendre la notion de capitaux investis et de rémunération du risque dans l’éducation des salariés et mieux reconnaître et partager le fruit du travail et de la performance dans l’éthique des actionnaires.
Il est urgent de tuer définitivement l’idée que la finalité première de l’entreprise est le profit alors que toute entreprise a d’abord une raison d’être sociale car fondée par une communauté humaine. Le profit reste un moyen au service de l’homme et non l’inverse.”
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Comment faire advenir une Société de Bien Commun ? Cette question passionne le Courant pour une écologie humaine, qui lance le premier volume d’une collection dédiée à la recherche des conditions et des moyens nécessaires pour faire émerger cette société. Pour changer la donne, à hauteur d’homme.