Dans le cadre de la dernière soirée de Form’action Cap 360° 2018, sur le thème “Choisir la vie !”, Pierre-Yves Gomez, économiste et co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, rappelle que le choix de la vie est une question politique et sociétale stratégique et que l’on peut commencer humblement, à sa hauteur, à faire ce choix au quotidien.
Pierre-Yves Gomez : “Lorsqu’on cherche le thème « Choisir la vie ! » sur Internet, il est frappant de constater que l’on tombe très souvent sur des sites spirituels, voire chrétiens. Comme s’il n’y avait plus qu’une catégorie de la population qui posait cette question politique sous cet angle-là : « choisir la vie… plutôt que la mort !».
C’est un peu dommage. De fait, c’est notre responsabilité que d’attirer l’attention de nos contemporains sur le fait que la question de la vie est sans doute la question politique la plus importante aujourd’hui. Non pas pour conserver ou protéger la vie dans une attitude de régression nostalgique. Reste que l’orsqu’on apprend que 50 % des espèces d’oiseaux ont disparu en France dans les quinze dernières années, se pose très concrètement la question de choisir la vie, ne serait-ce que dans notre consommation. Parfois, mon irresponsabilité de consommateur me conduit à utiliser des produits dont je sais qu’ils sont polluants et qu’ils ont un impact négatifs sur l’environnement mais… c’est plus facile ! Ma responsabilité est directement engagée : si je pense qu’il faut choisir la vie, c’est là qu’il va falloir la choisir !
Choisir la vie, c’est aussi choisir le respect de la vie, et en particulier de la vie humaine, dans des situations sociales graves. À toutes les étapes de la vie, par exemple ; personne n’a le droit de décider que la vie peut s’arrêter à ce moment-là ou doit commencer à ce moment-là. C’est une question politique : quelle société allons-nous construire s’il y a des experts qui décident de ce qu’est la vie, son cadre, sa qualité et son format ? Avec des non-experts qui doivent en subir les exigences ? Si je choisis la vie, je la choisis telle qu’elle est donnée. Et la société s’organise autour de la vie donnée ; elle n’est en aucun cas censée s’organiser puis découper et limiter la vie à ce qu’elle peut gérer. Choisir la vie, c’est donc choisir de privilégier avant tout la dignité de la vie sur toute chose et en particulier sur les considérations économiques : maintenir ou choisir la vie coûte cher, il faut donc savoir où l’on met nos ressources financières. À l’échelle d’un État ou à celle d’un homme, d’ailleurs. De fait, c’est aussi une question qui se pose à chacun d’entre nous. Nous sommes tous confrontés au fait d’avoir à accepter la vie dans ses difficultés et ses fragilités, celles des personnes avec un handicap, celles des personnes en fin de vie, celles des personnes dont la vie est difficile…
Choisir la vie est une question de regard porté sur le vivant. Regarder l’autre comme une personne qui a une vie à vivre : un travailleur est avant tout un être vivant. Réfléchissons quelques secondes : quelle est ma réaction, par exemple, lorsque j’achète un service ? Est-ce que je considère l’autre comme un être vivant ou comme un « fonctionnaire de la consommation » ? Est-ce que j’ai conservé ce regard d’un être vivant sur un être vivant ? Voilà une responsabilité simple et précise ! Chaque jour, on peut corriger notre regard : régulièrement, nous sommes entraînés à privilégier la technologie, l’efficacité, la rapidité. Et c’est alors une violence faite à la vie telle qu’elle se déroule avec son temps, sa durée, l’écoute attentive et humaine qu’elle nécessite…
Voilà ce que c’est que choisir la vie : privilégier le regard premier sur ce qui est vivant ; les oiseaux que l’on entend – et se dire que les espèces peuvent disparaître –, les plantes que l’on consomme – et se dire que je ne consomme pas des produits tout fait et qu’à l’origine, il y a du vivant – et, essentiellement, les êtres humains que nous sommes, appelés à devenir plus humains et vivants, ensemble.”