Pierre-Yves Gomez remercie Philippe, de lui avoir envoyé cette page sublime de Chesterton à la suite d’une discussion durant les Assises. Comment dire mieux la conviction qui nous anime dans le Courant pour une Ecologie humaine : c’est à partir de la prise en compte concrète, matérielle, sérieuse et exigeante de la réalité de chaque personne, que nous pouvons évaluer ce que peut être un monde juste.
« […], toutes ces pages, visent à démontrer que nous devons tout recommencer, à l’instant, et par l’autre bout. Je commencerai par les cheveux d’une petite fille. Ça je sais que c’est bon dans l’absolu. Si mauvais que soit le reste, la fierté d’une bonne mère pour la beauté de sa fille est chose saine. C’est l’une de ces tendresses inaltérables qui sont les pierres de touches de toutes les époques et de toutes les races. Tout ce qui ne va pas dans ce sens doit disparaître. Si les propriétaires, les lois et les sciences s’érigent là-contre, que les propriétaires, les lois et les sciences disparaissent. Avec les cheveux roux d’une gamine des rues, je mettrai le feu à toute la civilisation moderne. Puisqu’une fille doit avoir les cheveux longs, elle doit les avoir propres, elle ne doit pas avoir une maison mal tenue ; puisqu’elle ne doit pas avoir une maison ma tenue, elle doit avoir une mère libre et détendue ; puisqu’elle doit avoir une mère libre et détendue, elle ne doit pas avoir un propriétaire usurier, il doit y avoir une redistribution de la propriété ; puisqu’il doit y avoir redistribution de la propriété, il doit avoir une révolution.
Cette gamine aux cheveux d’or roux (que je viens de voir passer en trottinant devant chez moi), on ne l’élaguera pas, on ne l’estropiera pas, en rien on la modifiera ; on ne la tondra pas comme un forçat. Loin de là. Tous les royaumes de la terre seront découpés, mutilés à sa mesure. Les vents de ce monde s’apaiseront devant cet agneau qui n’a pas été tondu. Les couronnes qui ne vont pas à sa tête seront brisées. Les vêtements, les demeures qui ne conviennent pas à sa gloire s’en iront en poussière. Sa mère peut lui demander de nouer ses cheveux car c’est l’autorité naturelle, mais l’empereur de la planète ne saurait lui demander de les couper. Elle est l’image sacrée de l’humanité. Autour d’elle l’édifice social s’inclinera et se brisera en s’écroulant ; les colonnes de la société seront ébranlées, la voûte des siècles s’effondrera, mais pas un cheveu de sa tête ne sera touché.
G.K. Chesterton, Le monde comme il ne va pas, Editions l’Age d’homme, 1994, p.196,