Aller au bout de ses rêves, en musique

10 Oct, 2023 | ART & CULTURE, TÉMOIGNAGES

Victor Aragón est né au Chili, a passé son adolescence au Venezuela et vit aujourd’hui dans le sud de la France. Il laisse la vie lui tracer des chemins, guidé par sa passion première : la musique. Un témoignage qui met en joie !

Victor Aragón : entre Chili et Venezuela

Victor Aragón : “je suis né à Viña del Mar, au Chili, au bord de l’océan Pacifique, j’y ai vécu mes sept premières années. J’ai perdu mes parents très jeune. Un oncle m’a emmené vivre au Venezuela avec lui. J’ai vécu une dizaine d’années à Caracas puis 11 ans à Mérida dans la cordillère des Andes.

Face à l’adversité, la musique

Depuis tout petit, j’ai aimé la musique. Je me souviens du bonheur que j’avais à danser sur les musiques traditionnelles.

J’ai véritablement commencé la pratique d’un instrument à l’âge de 14 ans. Mon oncle avait commencé des cours de guitare. Mais il a rapidement lâché l’affaire, il a posé l’instrument dans un coin et est passé à autre chose. Un jour, j’ai pris cette guitare et j’ai commencé à l’étudier d’oreille et de manière autodidacte. Je ne l’ai plus lâchée, je passais des journées entières à jouer. Plus tard et en parallèle, toujours de façon empirique, je me suis intéressé aux percussions latino-américaines puis au violoncelle.

Quand Victor Aragón fabrique son premier instrument

J’étais alors employé dans le monde du cinéma. Je créais des décors pour les films. Dans mon temps libre, je jouais du violoncelle au sein de l’orchestre de Mérida. Malheureusement, il n’y avait que deux violoncelles à disposition pour pouvoir pratiquer à la maison ; bien souvent, je me suis retrouvé sans instrument et dans l’impossibilité de travailler comme j’aurais aimé.

Pour sortir de cette impasse, j’ai décidé de fabriquer mon propre instrument en m’appuyant sur les mesures des instruments de l’orchestre. Sans documentation et sans outils adaptés – j’ai dû les confectionner moi-même.

Un beau matin du monde, naissance d’une vocation

gravure issue d'un traité anglais du XVIIᵉ siècle dédié à la viole de Gambe.
Gravure issue d’un traité anglais du XVIIᵉ s.
dédié à la viole de Gambe

Un jour, j’ai découvert le film Tous les matins du monde et, à travers ce film, cet instrument au son envoûtant : la viole de gambe. La sonorité, la profondeur, la résonance de cet instrument inconnu de moi m’en ont fait littéralement tomber amoureux.

Le Venezuela – et l’Amérique du sud, par extension – n’a pas de culture de viole de gambe. C’est vraiment spécifique à l’Europe. Là où j’étais, personne n’était en mesure de m’en parler, de me faire découvrir l’instrument, ou de me montrer comment en jouer.

Dans une bibliothèque de l’université, j’ai trouvé un peu d’information dans un dictionnaire de musique, The New Grove. Là, sur une gravure issue d’un traité anglais du XVIIᵉ siècle dédié à la viole de Gambe, figurait un monsieur jouant de cet instrument. Ce dessin m’a permis de retrouver les proportions d’une viole de gambe : j’ai mesuré le corps, les jambes, les bras dans ce dessin. Puis, j’ai pris mes propres mensurations. À partir de ces données, j’ai calculé les proportions de l’instrument qui était représenté sur cette image…

Viole de gambe fabriquée par Victor Aragon.
Viole de Gambe fabriquée par Victor Aragón
dont il se sert toujours aujourd’hui.

La deuxième basse de viole que j’ai fabriquée, est celle avec laquelle j’ai fait mes études et qui m’accompagne encore aujourd’hui. Je l’ai conçue de la même manière, à partir d’une photographie. J’estime avoir eu beaucoup de chance parce qu’elle s’est avérée être un instrument d’une très belle sonorité, souvent apprécié par beaucoup de collègues, cela est très gratifiant.

Trouver des cordes dans des lieux improbables

Il était stipulé – dans le dictionnaire – que les cordes des instruments étaient en boyau : où trouver cela ? Je n’en avais aucune idée… une précision cependant allait beaucoup m’aider. Il était mentionné qu’à l’époque, les instruments étaient parfois montés avec des cordes métalliques ou avec des cordes faites en soie quelquefois.

J’avais un ami qui tenait une pharmacie. Un jour que je discutais avec lui, je regarde sa vitrine et repère une petite boîte de fil dentaire en soie. Avec ce fil (sans fluor), j’ai fabriqué les cordes. Ce n’était pas une mince affaire : j’ai mis un certain temps pour réussir à faire des cordes qui correspondaient à la tension et au son voulu. Les deux premières années, j’ai utilisé ces cordes-là ; il fallait un peu de temps pour qu’elles se stabilisent mais je pouvais enfin jouer de la viole.

Choisir la viole de gambe : Victor Aragón part en Europe

Après 21 ans au Venezuela, j’ai décidé de continuer mes études en Europe. J’ai eu la chance d’être admis au conservatoire royal de La Haye (Pays-Bas) et au conservatoire supérieur de Lyon.

Cela fait maintenant 24 ans que je suis en France, je joue et enseigne toujours avec la deuxième viole que j’ai fabriquée.

Aller au bout de ses rêves

Je me suis toujours dit que tout ce que l’on rêve de faire, tout ce que l’on peut imaginer, est possible à faire. C’est ce que j’ai toujours fait dans ma vie, avec enthousiasme, constance et persévérance.

Avec nos mains, nos sens, un peu de volonté et du sens pratique, on peut déjà faire beaucoup, et les difficultés que nous rencontrons peuvent être très stimulantes et source d’inspiration.


Pour aller plus loin, nous vous proposons une interview de Christophe Bichet : “osez l’audace !

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance