Fabrice de Chanceuil, journaliste indépendant, nous fait découvrir l’appel de Darwin, lancé par un collectif d’ONG, le 10 septembre 2016, pour lutter contre le réchauffement et l’injustice climatique. Nous reste à agir, à notre hauteur…
“Non, le célèbre naturaliste anglais n’a pas poussé un cri de l’Abbaye de Westminster où il repose depuis 1882 mais l’appel de Darwin qui vient d’être lancé doit son nom au groupement d’entreprises Darwin Écosystème installé à Bordeaux et qui se présente comme un lieu alternatif dédié à la coopération économique, à la transition écologique et à l’entrepreneuriat social. Le lieu et son nom étaient donc prédestinés pour cet appel qui a retenti le 10 septembre à l’occasion de l’éco-festival « Océan Climax » dédié à la protection du climat et des océans.
Cette manifestation a rassemblé pendant quatre jours 30 000 festivaliers invités par dix-sept organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans les secteurs de l’environnement et des droits de l’Homme. Moins d’un an après la conclusion de l’accord de Paris et quelques jours après l’annonce de sa ratification par la Chine et les États-Unis, les organisateurs souhaitaient poursuivre la mobilisation de la société civile afin d’accélérer la transition énergétique et appeler l’attention sur l’accueil des réfugiés climatiques, autant de sujets qu’ils voudraient voir en bonne place dans le programme des candidats à l’élection présidentielle de 2017.
Lu à plusieurs voix dont celle du philosophe Edgar Morin et de l’actrice Marion Cotillard, l’appel, qui se veut une alerte, rappelle tout d’abord que « depuis Charles Darwin, nous savons que la plupart des espèces naissent, vivent et disparaissent (…) aucune d’entre elles (n’ayant) eu le choix de changer sa destinée ». Or, poursuit l’appel, « nous l’avons, nous savons ce qui nous arrive (…) nous connaissons la cause principale de notre extinction probable : l’utilisation massive des énergies fossiles, premier facteur du réchauffement de l’atmosphère et de l’acidification des océans (…) Ce n’est plus une hypothèse, c’est une réalité scientifique dont nous mesurons déjà les effets ». L’appel fait ainsi mention de la multiplication des catastrophes naturelles, de l’augmentation du niveau de la mer et de l’extinction accélérée des espèces, sources de tensions sociales voire de conflits armés entraînant un exil forcé de populations vers des zones épargnées, du moins pour le moment.
« Agissons-nous ? » interroge encore l’appel qui, d’une façon désabusée, enchaîne en disant : « Nous nous réunissons, nous discutons, nous veillons à penser, à réfléchir » tout en faisant crédit à la COP 21 d’avoir fixé des objectifs afin de contenir le réchauffement de la planète. « Comment y parvenir, interroge-t-il encore ? », apportant lui-même la réponse constituée par la cessation de l’extraction des énergies fossiles et un choix résolu en faveur d’une société sobre et efficace à travers le développement des énergies renouvelables, faute de quoi « nous disparaîtrons, victimes d’un astéroïde pernicieux : celui de notre inaction ».
Pourtant, les signataires de l’appel reconnaissent l’effort que représente la loi de transition énergétique de 2015 dont les objectifs « vont dans le bon sens » mais de manière insuffisante à leurs yeux. « Le temps presse, il est urgent de passer à la vitesse supérieure », disent-ils, car, à la manière des réalisateurs du film Demain, ils pensent qu’« il n’est pas trop tard pour agir, pour s’adapter et survivre ensemble ». Pour cela, ils demandent de « planifier une réponse nationale, séquencée (afin d’) éviter une crise sociale et économique sans précédent », message spécialement destiné aux candidats à l’élection présidentielle qui seront en particulier jugés sur leur engagement à « initier un plan de sortie de l’exploration et de l’exploitation des énergies fossiles pendant leur mandat ».
Et les rédacteurs de l’appel de conclure : « Les dinosaures n’ont pas eu le choix, nous l’avons ».
L’alerte a été chaude et le restera si elle devait demeurer sans effet. Elle n’est pas contestable et elle doit être entendue pour que survive l’espèce humaine. Mais au regard de l’écologie intégrale à laquelle nous appelle le Pape François, la survie de notre humanité passe aussi, pour ne pas dire d’abord, par le respect de l’Homme et de la vie dans toutes ses dimensions.
Les dinosaures ne le savaient pas. Nous le savons.”