Chez “Demain”, on vend le pain de la veille #AntiGaspi

22 Oct, 2023 | CONSOMMATION, ENVIRONNEMENT

À Paris, deux jeunes entrepreneurs ont eu la succulente idée de lutter contre le gaspillage alimentaire. Comment ? En récupérant, la veille au soir, les invendus de boulangeries travaillant au levain, et en les revendant dans un seul et même lieu (133, rue Saint-Maur Paris 11), moins chers. Martin Herbelin, entrepreneur et co-fondateur de Demain, raconte.

Un constat de départ : trop de gaspillage en boulangerie

Martin Herbelin, entrepreneur et co-fondateur de Demain : “C’est en travaillant en vente en boulangerie que je me suis rendu compte de tout ce qui était jeté chaque jour. En moyenne, c’est 5 à 10 % de la production – soit, selon les boulangeries, entre 50 et 250 produits. Si les employés récupèrent quelques produits, ça ne suffit pas pour empêcher totalement le gaspillage.

On peut se demander pourquoi il y a si peu d’associations – à Paris, au moins – qui récupèrent ces produits. C’est tout simplement lié au challenge logistique que la récupération représente ; ce sont des produits sensibles qui doivent être distribués le lendemain, au plus tard. Il faut donc aller les récupérer le soir-même, après la fermeture des boulangeries, de nuit.

Trouver LA solution : inspiration Zurichoise

Avec mon associé, cette question du gaspillage nous remuait beaucoup. On s’est dit qu’il fallait trouver une solution qui permette aux boulangers d’écouler ces produits, encore parfaitement consommables à la fermeture des boutiques.

Alors, certes, le lendemain, ils ne sont peut-être pas aussi bons que la veille. Mais à -50 %, ils valent sans doute toujours le coup !

Et nous avons eu la chance de découvrir, en 2022, lors d’un voyage à Zurich, une boulangerie qui fonctionne sur ce modèle. On s’est dit que si eux y arrivait, il n’y avait pas de raison qu’on ne puisse pas le faire, nous aussi, en France !

Voilà comment est né Demain, en juin 2023.

Demain, un défi logistique

Demain est donc une sorte de dépôt de pains. Ce qui signifie que nous ne sommes pas boulangers mais plutôt logisticiens. Aujourd’hui, on travaille avec 17 boulangeries ; gros défi que d’apporter en un seul lieu tant de produits différents !

La journée commence la veille, de 22h30 à 5h du matin. On passe avec un camion réfrigéré auprès de nos partenaires boulangers. On fonctionne avec un système de caisses : les équipes n’ont plus qu’à remplir ces caisses d’invendus, plutôt que de les jeter.

Une fois rassemblés dans notre boutique du onzième arrondissement de Paris, un nouveau challenge apparait : trier et rassembler les produits par catégories afin de les valoriser dans leur nouvel écrin.

Que trouve-t-on chez Demain ?

Dans la boutique Demain, on trouve du pain au levain – c’est le seul qui se garde suffisamment longtemps – et des viennoiseries comme dans une boulangerie classique. On les propose tels quels ou revalorisés avec des recettes que l’on invente – une partie du projet qui nous met en joie ! – pour leur offrir une deuxième jeunesse.

On a une petite cuisine qui nous permet à la fois de revaloriser les produits qui ont du mal à trouver preneur tels quels et qui nous permet aussi de faire des sandwich avec du pain de la veille et des produits frais pour la garniture.

Nous sommes officiellement ouverts du lundi au samedi, de 8h à 20h, mais il arrive évidemment – notre modèle économique impose cela – que nos stocks soient épuisés plus tôt. Demain ferme alors ses portes pour la journée.

Le levain, bénéfices sans fin

C’est un critère pour nous que de travailler avec des boulangers qui font du pain au levain car – je le répète – c’est un pain qui se conserve bien.

Qu’est-ce que le levain ? Il s’agit d’une levure naturelle, une bactérie. C’est ce qui fait que les pains auront des saveurs multiples et variées, parfois un peu acidulées. Cette “tendance” du levain est un retour aux sources qui s’accompagne de la redécouverte des farines anciennes : petit épeautre, seigle, kamut, qui sont des farines que l’on réapprend à consommer pour leur aspect nutritif et qui, au final, travaillées avec du levain, font un pain beaucoup digeste.

C’est cette qualité des matières premières utilisées et ce savoir-faire qui ne s’apprend plus en CAP, malheureusement, qui explique aujourd’hui le prix des pains – qui vont parfois jusqu’ 9€ le kilo, voire plus. Et plus le pain est précieux, mieux il est fabriqué, plus c’est frustrant de le gâcher !

Que fait Demain de ses invendus ?

Il peut arriver que nous ayons des invendus en fin de journée ; or, si on se donne du mal pour sauver ces produits des poubelles la veille, ça n’est pas pour les y voir atterrir le lendemain ! Notre objectif est donc la revalorisation de nos propres invendus.

L’une des premières solutions, mise en place avec Les Alchimistes, est de transformer nos invendus en compost (achetable dans notre boutique).

Par ailleurs, on fait aussi de la chapelure de pain et on est en train de finaliser nos recettes pour proposer de délicieux croûtons.

Autre idée : fabriquer de la bière au pain. C’est un projet sur lequel nous travaillons actuellement avec le brasseur qui est juste en face de notre local ! Un jour, il est venu nous voir, en nous disant : “Ca fait des années que je cherche à faire de la bière au pain. Pourrait-on avancer ensemble sur ce projet ?”. C’est réjouissant de se rendre compte que lutter contre le gaspillage alimentaire génère aussi des relations humaines !

Notre objectif est d’être à zéro perte sur tout ce circuit. Il s’agit donc d’être créatif et innovant. Perspective enthousiasmante !

Lutter contre le gaspillage alimentaire en regardant la réalité en face

Adopter une attitude d’ouverture en se s’interrogeant, quand on va au restaurant ou dans n’importe quel commerce de bouche en général : comment ça fonctionne ? Quel est le savoir-faire qui se cache derrière ? Qu’est-ce qui justifie le coût d’un produit ?… Voilà ce qui va nous permettre, en conscience, de lutter, chacun à notre échelle, contre le gaspillage alimentaire.

Un exemple : s’intéresser à l’empreinte eau. Pour produire un pain (cultiver le blé nécessaire pour sa fabrication), 150 litres d’eau sont nécessaires. On sait que cette ressource est vitale et précieuse… Que fait-on exactement quand on jette du pain ?”


Une proposition d’article : Relocaliser : mission impossible ? Par Jérôme Cuny

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