Comment redonner un sens à l’agriculture ?

16 Fév, 2016 | Non classé

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Dans le cadre du parcours Cap 360°, nous avons approfondi le thème « Cultiver ». Thierry François, agriculteur, nous parle du contexte actuel de l’agriculture et des problématiques inhérentes à son métier, qu’il nomme “accompagnateur de vie”.  

 

“Au cours de la dernière session de formation 360°, un intervenant, Paul Clavier, s’est interrogé sur le sens du verbe « créer » : il a conclu que ce qu’on nomme création n’est en réalité qu’une transformation : à partir d’un matériau donné, nous faisons autre chose. Ainsi en va-t-il de l’agriculture, dans laquelle nous sommes totalement dépendants de ce qui nous est donné : la nature, le temps qu’il fait, le temps qu’il faut pour faire pousser du blé, ou faire grandir un veau ;

Nous sommes des accompagnateurs de la vie, nous essayons par exemple de favoriser une plante plutôt qu’une autre. Je sais qu’en disant cela, je vais m’opposer à la permaculture qui essaie de faire vivre toutes les plantes ensemble et de faire bénéficier chacune des apports de sa voisine ; Mais là n’est pas la question.

J’en veux pour preuve ce colloque organisé par l’EH, en collaboration avec d’autres organismes et associations,  en juin 2015  et dont le thème était la qualité de vie dans le territoire. Les territoires d’outre-mer y étaient présents, et qu’elle n’a pas été ma joie d’y entendre la confirmation que la problématique paysanne est finalement la même partout. Du Nord au Sud de la France, ou en outremer, entre un paysan en permaculture et un paysan qui cultive ses 1000 ha en conventionnel, le rapport à la terre peut être le même, pourvu qu’elle soit aimée et reconnue comme porteuse de vie.

Nous voyons donc qu’aujourd’hui les agricultures sont multiples, et aussi que tout le monde a son avis sur l’agriculture, car elle touche notre quotidien trois fois par jour au moins, au travers des repas. Le problème reste la liberté de manœuvre des 95% d’agriculteurs en conventionnel, ou en bio, qui sont enfermés dans un carcan de lois,  de normes, et d’aides qui malheureusement n’aident pas du tout à donner un nouvel élan à l’agriculture.

Les 5% restants étant de la production vivrière, ils ne sont pas reconnus juridiquement comme agriculteurs. Pourquoi ces contradictions dans une certaine forme d’unité de pensée ?

L’agriculture vit sur un contrat passé avec la société en 1962 pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire de sortie de guerre. Ce contrat n’a jamais été renouvelé depuis. Il ne fait qu’être amendé. Or, dès les années 1970, nous étions arrivés à l’autosuffisance alimentaire puisque l’on croulait sous les stocks de lait, de beurre et de blé.

Nous avons besoin aujourd’hui de renouveler ce contrat, en lui trouvant un objectif clair, compréhensible par tous les acteurs du monde agricole, 100% d’entre eux ! Je vois cet objectif en trois points :

  1. Réconcilier les agriculteurs avec la terre,
  2. Réconcilier les agriculteurs avec leur métier,
  3. Réconcilier les agriculteurs avec la société.

Pour illustrer cela, je voudrais vous lire un passage de Soljenitsyne, tiré de son discours de Harvard, intitulé le déclin du courage :

« Moi qui ai passé toute ma vie sous le communisme, j’affirme qu’une société où il n’existe pas de balance juridique impartiale est une chose horrible. Mais une société qui ne possède en tout et pour tout qu’une balance juridique n’est pas, elle non plus, vraiment digne de l’homme. Une société qui s’est installée sur le terrain de la loi, sans vouloir aller plus haut, n’utilise que faiblement les facultés les plus élevées de l’homme. Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme. »

Dans un climat de défiance et d’opposition, nous avons besoin de retrouver la confiance, et pour cela la subsidiarité, qui seule peut permettre de faire émerger le bien commun.”

 

>> Cultiver : la vidéo à voir et revoir !

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