La constitution de revenus complémentaires et la gestion du patrimoine d’une personne en situation de handicap doivent tenir compte des conditions particulières de cette personne, de son projet de vie et des problématiques spécifiques liées à sa situation. Les solutions standards peuvent avoir des conséquences contraires à l’objectif souhaité.
DES SPECIFICITES A PRENDRE EN COMPTE
Les familles ayant un enfant handicapé sont préoccupées par l’avenir de leur enfant, la charge qui pourrait revenir aux frères et sœurs à terme, les risques liés à la transmission de leur patrimoine. Plus elles se renseignent, plus elles réalisent à quel point la constitution d’une épargne et d’un patrimoine par, ou pour une personne en situation de handicap est complexe. Au-delà du choix des placements et de la compréhension de la fiscalité déjà compliqués pour tous, se posent les questions particulières de l’impact des revenus sur les aides sociales, des risques de récupération des aides par le Conseil Général, des contraintes de la mesure de protection juridique éventuelle.
Quelles seront les conséquences de revenus financiers ou fonciers sur l’Allocation Adulte Handicapé ou sur la Participation aux frais d’entretien et d’hébergement ? Quelles sont les aides sociales récupérables par le Conseil Général ? Quels actes de gestion nécessiteront l’accord du juge des tutelles pour les contrats de mon enfant ? Quels placements privilégier ? Comment organiser ma succession, pour éviter une trop grande déperdition du patrimoine ou pour privilégier tel ou tel enfant ? L’indemnisation perçue en réparation de dommages corporels doit-elle être déclarée à l’Administration fiscale?
Les familles peinent à trouver des réponses globales à ces questions auprès des professionnels, dont le champ de compétences est très large mais également généraliste.
La recommandation d’une solution appropriée dans un contexte standard, peut avoir des conséquences malheureuses dans le cadre d’une famille ayant un enfant en situation de handicap.
LES CONSEQUENCES IMPREVUES D’UNE STRATEGIE ORDINAIRE
Prenons l’exemple d’une famille avec trois enfants dont Laure, handicapée. Laure vit pour le moment de façon autonome, avec pour seuls revenus l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) à taux plein. Ses parents décident de lui donner un appartement mis en location pour lui procurer des revenus complémentaires. Cette stratégie, qui semble pertinente sur de nombreux points tant pour les parents que pour l’enfant, va s’avérer inadaptée dans le cas de Laure :
D’abord, la perception des revenus locatifs va avoir pour effet de diminuer, voire supprimer l’AAH. Dans un deuxième temps, lorsque Laure intégrera, comme c’est le cas fréquemment, un foyer d’hébergement, elle devra reverser de par la loi, 90% de ses ressources au titre de sa participation aux frais d’hébergement et d’entretien, en conservant toutefois un minimum. Enfin, si cette participation n’a pas été suffisante pour couvrir ces frais, le Conseil Général, ayant pris en charge la différence au titre de l’aide sociale, pourra légalement récupérer le montant de cette aide après le décès de Laure, sur la part d’héritage revenant aux frères et sœurs.
A la grande surprise des parents, la donation de l’appartement ne permettra pas à Laure de bénéficier de revenus complémentaires et entraînera à terme une déperdition du patrimoine familial.
De nombreuses solutions permettent d’organiser convenablement le patrimoine d’une personne handicapée et de sa famille.
De nombreuses solutions permettent d’organiser convenablement le patrimoine d’une personne handicapée et de sa famille. Mais toutes ne sont pas adaptées à l’ensemble des situations. Le choix de la stratégie à mettre en place nécessite de prendre en compte l’environnement spécifique de la personne et la situation patrimoniale et familiale (globale).
LE PROJET DE VIE ET LA SITUATION SPECIFIQUE DE LA PERSONNE AU CENTRE DE TOUTE REFLEXION
La base de toute réflexion devrait être le projet de vie de la personne handicapée.
La base de toute réflexion devrait être le projet de vie de la personne handicapée. A partir de ce projet, de l’évaluation des besoins futurs de la personne, de son degré d’autonomie, et compte tenu de l’environnement familial, le conseiller peut alors identifier les solutions les plus appropriées.
Ainsi, tout professionnel amené à conseiller une famille dont un enfant est handicapé, devrait prendre le temps nécessaire pour écouter, comprendre le projet de l’enfant, appréhender son environnement spécifique, étudier la situation familiale dans son ensemble. Chaque famille, chaque enfant a sa propre histoire. Chaque conseil devrait être parfaitement individualisé et documenté.
La mise en place de solutions tenant compte des besoins, spécificités et contraintes de la personne handicapée permettra alors de rassurer la famille pour l’avenir.
Et quel bonheur pour le conseiller de mettre son activité au service d’un projet de vie !