Fille de paysans solognots, Caroline Martin grandit avec le goût des légumes qui ont pris le temps de pousser au potager familial. Après 20 ans en Grande-Bretagne, l’envie de vivre différemment, près de la nature, la ramène dans sa région natale. Elle s’y installe avec son mari et décide de prendre le contrôle de son alimentation en faisant un jardin potager.
Jardiner et en éprouver une saine fierté
Caroline Martin : “Je suis adepte de la sobriété et j’essaie d’être principalement locavore et de tendre vers la résilience et la frugalité. Voilà pourquoi il était primordial à mes yeux que mon jardin s’inscrivent dans une démarche la plus naturelle possible. Je n’utilise donc pas d’engrais artificiels ou de pesticides ; tous les intrants sont locaux avec, entre autres, fumier de poules, compost, cendre de bois, feuilles des arbres qui nous entourent, etc.
Depuis notre installation en Sologne, il y a de cela 10 ans, le potager – qui est principalement mon domaine – a beaucoup évolué. Il est fait d’expériences et d’une grande acceptation des lois de la nature. Je ne dis pas que ce fut toujours facile, mais les résultats sont tellement extraordinaires qu’aujourd’hui, je passe beaucoup de temps, quand je ne suis pas au jardin, à faire la promotion du jardinage ! Pour moi, il n’y a rien de plus satisfaisant que de regarder ses légumes ou ses fruits pousser et d’éprouver cette fierté qui nait quand on peut enfin les ramasser, les préparer et les manger.
Conserver ses productions de multiples façons
Je fais aussi des conserves : quel plaisir quand on ouvre un bocal de légumes préparés maison !
Certains légumes, comme les panais, les carottes ou les poireaux, peuvent rester dans le jardin en hiver, en étant protégés avec du paillage. Les pommes de terre peuvent être stockées dans un endroit sombre et frais, une année entière (en enlevant les pousses régulièrement au printemps). Les oignons, les échalotes et les ails se conservent pendant de longs mois de la même manière que les pommes de terre ; les ails peuvent même se conserver durant une année entière, voire un peu plus. Les cucurbitacées se conservent pendant plusieurs mois, après avoir été cueillis. Il en est de même avec les pommes et certaines poires… Cependant, il y a des légumes et des fruits qu’on ne peut garder qu’en faisant des conserves.
Généralement, les méthodes de conservations les plus utilisées par les jardiniers sont la déshydratation, la lactofermentation, la stérilisation (ou plutôt la pasteurisation stérilisante, le nom correcte de la méthode principalement utilisée en Europe) et la congélation. On y rajoute les cuissons du type confitures et compotes pour les fruits.
Tendre vers l’autonomie alimentaire
Je dis souvent que, grâce à mon jardin, je pourrais vivre en indépendance alimentaire. En réalité, je ne le suis pas : il y a des choses que j’aime trop, que je ne peux pas faire pousser et que je ne suis pas prête à abandonner, comme le chocolat ou le café. Mais si je devais me passer de ces aliments, je pourrais vivre uniquement avec ce que je produis et ce que je récolte dans la nature.
Or, pour avoir de quoi manger en hiver et au printemps, avant que le jardin ne redevienne productif, j’ai besoin de faire des conserves.
Au mois de juillet, j’ai fait mes premiers bocaux de haricots verts, ma méthode préférée pour ces légumes. Je fais aussi des bocaux de tomates concassées, du coulis, de la ratatouille et des soupes, et même des ragoûts.
Je fais des cornichons au vinaigre et parfois même des betteraves rouges cuites que je conserve dans un vinaigre doux ; je peux aussi les faire crues en lactofermentation, accompagnées – ou non – de carottes. J’avoue ne pas être encore très bonne avec la lactofermentation, même si je sais que c’est la méthode la plus saine pour conserver tous les bienfaits des produits du potager. C’est aussi une méthode frugale de faire des conserves : c’est la moins coûteuse.
Si j’ai suffisamment de tomates cerise, j’en déshydrate pour, dans un deuxième temps, les conserver dans l’huile d’olive. Je récolte des haricots grains plus tard dans la saison que je fais sécher naturellement ainsi que des champignons, si le temps s’y prête et que je trouve de beaux petits bolets (qui ne poussent malheureusement pas dans le jardin !).
Je mets quelques produits au congélateur, comme les poivrons ou les petit-pois, pour avoir accès à une poignée de ces légumes pour des recettes spécifiques. Je congèle aussi certains fruits comme les framboises, les mûres ou les myrtilles pour faire des desserts plus tard. Bref, je fais des réserves, tout en faisant des échanges avec mes amis jardiniers.
Oser la conservation longue
Une grosse partie de mes connaissances sur la conservation provient de ma mère qui faisait beaucoup de conserves à l’époque où les fermiers paysans avaient tous un jardin. Le reste, je l’apprends à travers des discussions et des tutoriels vus sur Internet.
À chaque fois que j’écris au sujet de mes conserves, je fais quelques recherches sur un détail ou un autre. Je dois dire que ce qui me surprend le plus, concernant les sites qui parlent de conserves faites maison, ce sont les dates de conservation qu’ils donnent.
Pour des bocaux faits en pasteurisation stérilisante, on parle de quelques mois tout au plus. Des produits déshydratés ou mis dans de l’huile, on parle parfois de mois, mais plus souvent de semaines. J’ai même vu une semaine pour des herbes mises dans de l’huile !
Sans vouloir contredire le fait que des conserves faites plusieurs années avant d’être consommées ne soient peut-être pas aussi nutritives que des conserves plus récentes, je pense qu’il y a une exagération concernant des dates de conservation bien trop courtes.
Bannir le gaspillage
Faire des conserves permet de ne pas gaspiller une surabondance de nourriture et de profiter des produits stockés jusqu’à la prochaine récolte, mais aussi d’accéder à ces produits en cas de mauvaise année au jardin. Nos ancêtres ne courraient pas au supermarché pour acheter ce qui ne poussait pas dans leurs jardins. Ils devaient vivre avec leurs stocks et ils savaient parfaitement qu’une bonne année pouvait être suivie d’une mauvaise. Avoir des stocks pour deux ans n’était pas un luxe.
Ainsi donc, dire que des conserves telles que des bocaux passés en pasteurisation stérilisante doivent être consommées dans les mois qui suivent est une mauvaise information. De même pour toutes les autres méthodes de conservation. Je ne peux que parler par expérience, mais je n’ai jamais été malade avec ma cuisine ou mes conserves. En réalité, j’ai même consommé des bocaux de haricots verts qui avaient appartenu à ma mère, préparés plus de 10 ans avant. J’ai mangé des tomates séchées et mises dans l’huile d’olive qui avaient 5 ans d’âge. Le goût ne s’était même pas altéré.
Alors soyons un peu moins extrémistes avec nos visions court-termistes concernant la préservation des aliments. Premièrement, cela nous évitera du gaspillage et deuxièmement, cela nous rendra plus résilients face à des problèmes qui pourraient arriver.”
Découvrez le profil LinkedIn de Caroline Martin : https://www.linkedin.com/in/caroline-martin-905963/
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