À l’occasion de la septième soirée de la form’action Cap 360° ayant pour thème “créer et transmettre”, Anne Renon Barek, artiste et professeur d’art plastique au collège, expose sa vision de la création et de la transmission.
La base de la création : l’observation
La création est un mélange de nombreux éléments qui prennent de la place dans le temps. Cela peut être des enseignements. C’est surtout de l’observation ; observation de formes, de couleurs, de lumières, d’espaces, de matières… de petites choses totalement anodines telle une lumière sur un morceau de plastique. Ou des choses beaucoup plus somptueuses comme l’altération des ors d’un endroit ancien. Et tout cela fait que l’on va, par exemple, avoir une couleur en tête que l’on voudra utiliser dans notre prochain tableau. On approfondira alors comment tel ou tel artiste a travaillé cette couleur.
Si je prends l’exemple du jaune, on peut regarder ce qu’a fait Josef Albers, un grand théoricien de la couleur, qui a été professeur au Bauhaus puis qui a dû émigrer aux États-Unis dans les années 30, pour ensuite enseigner au Mountain College dans l’Est des États-Unis. Il a travaillé sur toutes les couleurs mais en particulier sur les jaunes, couleur fascinante dans la mesure où c’est la couleur de la lumière.
On va donc se retrouver devant sa toile, confronté à un sujet d’exposition, et l’on se dit que l’on va travailler le jaune comme Albers. Mais cela ne fonctionne jamais. Il faut trouver en soi-même sa propre écriture. C’est à la fois bien et à la fois très angoissant car il faut chercher à l’intérieur de soi comment résoudre cette question, comment tracer son propre chemin.
Enseigner l’art plastique : une mission stratégique
On a une une responsabilité par rapport à sa construction propre ; on ne saura créer, donner de ce que l’on est, que si sa construction personnelle est faite avec équilibre. Notre responsabilité d’humain est d’aller jusqu’au bout de la raison qui fait que l’on est sur Terre.
J’enseigne l’art plastique dans un collège. Un professeur d’art plastique a autant de classes que d’heures. J’ai 18 heures de cours, ce qui fait 635 élèves par an, renouvelables par 40% chaque année… Les professeurs d’art plastique ont une énorme responsabilité. Je ne considère pas que nous ayons sur ces élèves tellement d’impact maintenant mais sur les pères et mères de famille qu’ils vont devenir. On doit leur transmettre des fondamentaux, à rendre compréhensibles et surtout mémorisables. À travers cet enseignement, on confie aux élèves l’esthétique du monde de demain. À partir du moment où les enfants sont élevés à faire la différence entre ce qui est beau et ce qui ne l’est pas, cela va peut-être les conduire à faire une distinction similaire dans d’autres domaines de la vie : ce qui est beau et ce qui ne l’est pas…
Support, outil, geste, observation : les quatre éléments du dessin
Actuellement, on fait des dessins sur Ipad et l’on cherche quels sont les quatre éléments indispensables au dessin. Le premier élément est le support. Il faut ensuite un outil. Le troisième élément est un geste. On a beau avoir un support et un outil, si l’on a pas le geste, on n’a pas de trait. Mais même avec le geste, il n’y a pas encore de dessin. Ce qu’il faut est l’observation.
Ces quatre éléments sont indispensables au dessin : l’observation pour observer ce qu’on veut dessiner, pour observer à l’intérieur de soi-même ce que l’on veut exprimer et pour observer le geste fait, la trace laissée, qui nous permet de corriger, de gommer ou au contraire de continuer, d’amplifier, d’aller plus loin que ce premier geste.
Je leur donne l’exemple des traces de pas dans la neige. Y a-t-il un support ? Oui : la neige. Et un outil ? Oui, les pattes. Un geste ? Oui, le fait d’avancer. Mais il n’y a pas eu d’observation. L’animal n’a pas observé en marchant, il a simplement marché pour aller chercher de la nourriture, pour fuir, etc. Avant d’arriver au mot “observation”, les élèves disent qu’il faut de l’intelligence, de la pensée… On se rend compte que dans le domaine artistique, la pensée, l’intelligence, ce qui fait notre conscience humaine, se révèle par l’observation. L’observation est le creuset fondamental de ces matières artistiques et on peut l’étendre à l’écoute. Quelqu’un qui a appris à observer de manière pointue va peut-être mieux écouter les autres.
La créativité, une forme d’intelligence
Dans les arts plastiques, on identifie les élèves créatifs. La créativité n’est pas nécessairement une propension à être artiste. C’est souvent une preuve d’intelligence. C’est-à-dire que dans le système ultra scolaire, ultra normé, qu’est le collège, où l’on fait un travail de masse, certains arrivent à s’en échapper et à optimiser la consigne pour aller encore plus loin, jusqu’au bout de leur idée. Et cela est vraiment le symptôme d’une intelligence développée, à mon avis !