Gérard Langlois Meurinne, psychiatre, psychothérapeute et membre du CEH propose régulièrement la « chronique du Mycelium », réflexion axée sur l’écologie humaine. Ci-dessous, il propose une compilation des témoignages les plus forts, appelant à éveiller “notre humanité de tous les jours”, reçus suite à la publication de ses trois expériences humanisantes pour mieux « observer la vie ».
Rachel
Toutes nos actions influencent le monde dans lequel nous vivons. Combien devons-nous vivre et donner le meilleur de nous pour humaniser la société, la nôtre ! Et cela rebondira plus loin et plus largement, comme la pierre que l’on jette dans l’eau et dont l’impact a un rayonnement beaucoup plus grand.
Janine
"Tu es extraordinaire, Denise"
J’aimerais aussi raconter une expérience humanisante ou comment la bienveillance provoque la bienveillance. Cet été je vais visiter Jean-Guy, mon frère, gros agriculteur, immobilisé depuis cinq mois avec un cancer du poumon (dû sans doute aux pesticides) à l’hôpital et je dis à son épouse : « tu es extraordinaire Denise, de dévouement, de présence » et Jean-Guy d’ajouter : « tu es merveilleuse, Denise »… et une autre encore qui renchérit… Subitement visible, la chaîne d’amour s’est poursuivie…
Denis
"Le mystère ou paradoxe de Roseto"
Les habitants de ce village italien émigrèrent progressivement à partir des années 1880 en Pennsylvanie, aux États-Unis, pour travailler dans des mines où ils fondèrent une petite ville qu’ils appelèrent finalement Roseto. Un médecin découvrit dans les années 1950 que les habitants de ce Roseto américain étaient à cette époque bien moins sujets aux problèmes cardiaques que les habitants des autres communes, d’origine anglaise ou allemande. Il lança une étude approfondie qui confirma que le taux de mortalité cardiaque était inférieur de moitié au taux moyen américain. Les taux de suicide, d’alcoolisme et de drogues étaient également sensiblement plus bas. Pourtant, rien dans leur régime alimentaire, leurs activités sportives, leur taux de tabagisme ne distinguaient ses habitants des autres américains ou même des autres habitants de Roseto Italie ayant émigré ailleurs aux États-Unis, lesquels ne présentaient nullement ces éléments favorables. La seule et meilleure explication qui ait pu être trouvée par ceux qui ont effectué l’étude fut que c’était la vie communautaire intense dans le village qui, en diminuant le stress, en était la véritable cause : la manière dont les maisons étaient proches les unes des autres, ce qui favorisait les conversations de rue, les rencontres inopinées, les échanges, la vie associative y compris religieuse, la vie fréquente de trois générations sous le même toit et un certain sens de l’égalité.
Bernard
"Combien de fois, dans une seule journée, pouvons-nous nous prendre en flagrant délit de banaliser le Bien, au lieu de nous en émerveiller ?"
Il y a certainement de multiples manières d’interpréter cette invitation à profiter des vacances pour nous poser et nous ouvrir. La mienne sera en lien avec une conversation que j’ai eu hier avec une amie au cours de laquelle nous évoquions “la banalité du Mal” au travers des écrits d’Hanna Arendt et des propos tenus par Eichmann au cours de son procès. Je lui faisais remarquer que nous avons, tous, un niveau très variable de sensibilité au mal, celui qui s’étale partout dans le monde mais aussi du mal que nous pouvons nous-mêmes provoquer, sans toujours bien nous en rendre compte ou le vouloir. Mais j’ajoutais qu’il en était de même pour le bien, le beau, le vrai : combien de fois, dans une seule journée, pouvons-nous nous prendre en flagrant délit de banaliser le Bien, au lieu de nous en émerveiller ? Il me semble que les deux vont ensemble et que si nous élevons notre seuil général de compréhension et de sensibilité, nous devenons peut-être plus vulnérables à la souffrance des autres mais aussi plus touchés par la beauté des êtres et du monde. Nous nous humanisons et la vie entre nous devient plus légère et naturellement plus solidaire.
Reste à savoir comment élever ce seuil de sensibilité ? Certainement en remettant en cause nos préjugés productivistes, vindicatifs et victimaires, et les jugements radicaux et définitifs qui en résultent : nous sommes trop souvent dans un activisme de la pensée et de l’action !
Mais aussi apprendre à se poser, parfois au moyen de petits trucs très personnels, et se mettre à l’écoute silencieuse du monde et de soi-même : c’est une nouvelle musique que nous commençons à entendre, une musique qui réjouit nos sens et notre cœur.
Thérèse
"Vieillir, c’est cueillir les fruits de toute notre vie"
L’été 2018, une expérience de vie nouvelle. Après 42 années de vie dans une grande maison familiale, nous voici déménagés dans une Résidence pour personnes âgées autonomes et semi autonomes. Je n’avais pas d’appréhension. J’avais cependant une image bien différente de ce milieu de vie pour ce quatrième âge.
J’ai découvert un milieu communautaire. Le site est merveilleux, la rive du fleuve St Laurent, la nature qui vitalise, permet de s’émerveiller.
Les personnes croisées au quotidien ont un sourire, un bonjour, un accueil que je ne connaissais pas auparavant, au quotidien.
Une résidence n’est pas un mouroir, c’est un milieu de vie. On tient compte de tous nos besoins dans les divers secteurs humains. Vie physique, sociale, intellectuelle, créativité…
Je suis heureuse de vivre cette étape de ma vie. Je goûte les fruits de mon cheminement. Je peux être havre de paix autour de moi. Autonome, malgré certains deuils, sereine, accueillante, je me sens rayon de soleil pour les personnes que je croise. Il est faux de dire que vieillir est un chemin vers la mort. Vieillir, c’est cueillir les fruits de toute notre vie.
Une nouvelle aventure commence, je la sens pleine d’espérance.
Claude
"Réapprenons à être présent à ceux et ce qui nous entoure(nt)"
Mes exemples concrets d’humanisation, je les puise de préférence dans les rencontres désignées comme « triangulaires ». J’entends par là celles qui regroupent père, mère et enfants ou plus ouvertement hommes, femmes et enfants. En cette période de vacances, j’ai vécu plusieurs lieux de rencontre dont le stade et la plage.
Prenons la plage : voilà un espace de rencontre « triangulaire » qui m’a été familier en juillet et août. Il est facile d’observer au sein de ce microcosme moins les échanges de paroles mais plutôt les regards qui traduisent la joie et la détente qui nous unissent au gré de baignades, bains de soleil ou châteaux de sable. Réapprenons à être présent à ceux et ce qui nous entoure(nt) et à oser le retour à l’enfance !
********
Chers lecteurs-lectrices, vous êtes toujours cordialement invités à partager vos réactions dans la rubrique « Commentaires » qui suit cette chronique.
Dernières chroniques du Mycelium :