Fille de paysans solognots, Caroline Martin grandit avec le goût des légumes qui ont pris le temps de pousser au potager. Après 20 ans en Grande-Bretagne, l’envie de vivre différemment, près de la nature, la ramène dans sa région natale, où elle s’installe et se lance dans un jardin potager. Appréciant particulièrement la confrontation au réel, elle teste régulièrement de nouvelles techniques. Il s’agit ci-dessous de la culture sur butte.
“L’hiver, c’est le moment de préparer le jardin pour l’année suivante.”
Qu’est-ce que la culture sur butte ?
Caroline Martin : “L’hiver, c’est le moment de préparer le jardin pour l’année suivante. C’est pourquoi ces jours-ci, j’avais une grosse envie de me lancer dans l’hugelkultur – en français, de la culture sur butte autofertile.
Le terme hugelkultur est un mot allemand qui veut tout simplement dire culture en monticule ou en butte.
Cette technique aurait existé dans les pays de l’Est de l’Europe depuis des siècles, mais c’est un Autrichien, Sepp Holzer, spécialiste en agriculture naturelle et en permaculture qui, dans les années 1960, a développé la méthode. Paul Weathon, un Américain disciple de Holzer et auteur d’ouvrages en permaculture, a aidé à en développer la popularité dans de nombreux pays anglo-saxons.
Aujourd’hui l’hugelkultur est adoptée par de plus en plus de jardiniers, satisfaits de ses résultats. Il existe aussi une quantité indéniable de détracteurs qui jugent que la méthode n’est pas valable ; il est vrai que l’endroit où l’on vit et le type de sol avec lequel on travaille ont une influence importante dans la construction d’une butte auto fertile.
Généralement, ces buttes fonctionnent moins bien dans les régions les plus sèches comme le sud de la
France.
Les buttes autofertiles sont construites avec du bois mort, des branchages, de l’herbe, du fumier (si on en a), du compost, etc. recouverts de terre. On peut même y mettre des algues, pour ceux qui habitent près de la mer. Avec le temps, cela créera l’engrais nécessaire aux cultures qui se déploieront dessus.
Comment ça se passe chez Caroline
Le fait est que j’ai beaucoup d’espace dans mon jardin et qu’il y a tout un paquet de bois mort sur la propriété autour du jardin. Je me suis dit que la forêt ne m’en voudrait pas trop si je faisais un peu de ménage et que je lui piquais quelques petits troncs morts déjà un peu pourris pour construire ma butte !
Il faut dire que nous avons de jeunes bouleaux qui ont tendance à faire un grand jeu de mikados dès qu’il y du vent. Et puis, mon mari a dû découper un gros tremble tombé sur le chemin communal, déjà trop pourri pour faire du bois de chauffage.
On a donc amené les morceaux de tremble, j’ai récupéré des bouts de bouleau tout aussi endommagés et j’ai attaqué la construction de ma butte. Au fur et à mesure de ma construction, je me rends compte qu’il va me falloir plus de bois ; ce n’est pas un problème car j’ai encore des bouleaux qui ne demandent qu’à être récoltés et j’ai tout l’hiver pour monter la chose !
Les atouts de la culture sur butte
Pourquoi vouloir faire une butte vu le travail que ça demande ? Et pourquoi la faire en hiver ?
Parce que je vais utiliser les matériaux qui sont tout autour de mon jardin. Et parce que je sais également que la culture sur butte autofertile minimise l’arrosage : le bois dans la butte, agissant comme une éponge quand il pleut
suffisamment, garde l’humidité.
J’ai d’ailleurs déjà essayé de faire un type de hugelkultur en mettant du bois mort avec mon compost, dans de vieux barils où j’ai planté des fraisiers. Ils ont définitivement besoin de moins d’arrosage que ceux plantés directement dans le jardin. Vu que nous devrions avoir de plus en plus de sécheresse dans les années a venir, essayer la culture sur butte, rien que pour économiser de l’eau, me semble une bonne idée.
Par ailleurs, la butte devrait attirer plein d’insectes qui vont pouvoir se délecter des matériaux qu’elle va
contenir, augmentant ainsi la biodiversité du jardin.
L’hiver étant un moment plus calme pour les jardiniers, j’ai le temps de construire ma butte sans me presser. Je veux aussi profiter de cette période, plus humide (surtout en Sologne) pour que le bois de ma butte se gorge d’eau alors que je la construis.
Enfin, si j’arrive à faire une butte assez haute, je n’aurai pas à me baisser autant pour m’occuper de mes
plantations ! Une bonne chose pour mon dos…
Culture sur butte : quelques mises en garde
Attention : la culture sur butte autofertile est une méthode basée sur la décomposition des matières
à très long terme. Si vous voulez essayer cette méthode, ne pensez pas que vous aurez une butte
vraiment productive dès les premières années de son installation.
Avant de se lancer dans la construction d’une butte – surtout si elle est assez haute (on peut en faire
des grosses qui font jusqu’à 1m80 de haut) – il est impératif de comprendre que le paysage sera transformé
par son implantation. Elle risque de bloquer la vue et il est donc préférable de la mettre là où elle ne sera
pas gênante. Et puis il faut étudier son orientation…
Et si ça ne fonctionnait pas ? Et bien, j’aurai quand même profité de l’exercice physique au jardin à une période où on a souvent un gros besoin d’inspiration pour faire quelques chose en extérieur, en lien avec la nature !”
Découvrez la dernière chronique de Caroline Martin : Délicieux panais.