Dans le cadre du parcours de form’action Cap 360°, sur le thème « habiter », nous avons découvert grâce notre équipe norvégienne, le « dugnad ». Il nous a paru intéressant de partager avec vous cette pratique norvégienne, au service du bien commun.
Le dugnad : qu’est-ce que c’est ?
Le dugnad (prononcez « dug’ na ») est une tradition norvégienne de volontariat coopératif. C’est un moment de rassemblement durant lequel les membres d’une communauté se retrouvent pour remplir certaines tâches manuelles pour l’entretien ou l’embellissement d’un bien commun. Il peut s’agir de l’école de ses enfants, de son église, de son immeuble ou de son club de sport.
Chaque bien commun dispose de son dugnad une ou deux fois par an. Il fait partie de la routine annuelle de la communauté en question, et est prévu longtemps à l’avance. Le jour J, la communauté se retrouve pour une durée allant de quelques heures à une journée pour remplir un certain nombre de tâches manuelles établies à l’avance par l’équipe gérant le bien en question.
La communauté se répartit les taches en fonction des capacités manuelles de chacun. Dans le dugnad d’une crèche, on peut par exemple être amené à faire partie de l’équipe peinture du mur extérieur, de l’armée de parents pelleteurs chargée du retournage des bacs à sable, ou pour les mieux outillés de l’atelier construction d’un établi en bois pour ranger les jouets d’extérieur.
Le dugnad est un moment de rassemblement et d’échange entre membres de la communauté. L’ambiance est au travail mais aussi à la papote. On finit en général avec un déjeuner ou dîner sur le pouce.
Le dugnad : une tradition norvégienne
Certes le dugnad est traditionnellement lié à la nécessité de se regrouper au sein de petites communautés pour réaliser certaines tâches collectives. Mais le dugnad est aussi propre à la Norvège à plusieurs titres, notamment en ce qu’il reflète son organisation sociale.
La société norvégienne est d’abord très égalitaire. Pour certaines raisons historiques et topographiques, le pays n’a pas connu la stratification hiérarchique de ses voisins européens. Tout le monde se côtoie au quotidien et personne n’est au-dessus de certaines tâches.
Par ailleurs la Norvège, avant d’être une puissance pétrolière, est une nation d’artisans, de pécheurs et de bûcherons, où il se doit de savoir utiliser ses mains pour réparer ou construire (idéalement avec du bois). Le dugnad est donc le lieu idéal où faire étal de ses qualités de bricoleur.
Enfin, les interactions sociales des Norvégiens se concentrent autour des cercles communautaires dont ils font partie. Ils y consacrent donc d’autant plus de temps et d’effort et il est très important de participer (et d’être vu en train de participer) aux dugnads afin de démontrer que l’on tient au bien en question.
Le dugnad : droit et devoirs
Le dugnad est l’objet d’une forte pression morale. La communauté attend de chacun de ses membres qu’il ou elle fasse en sorte d’y participer. Cela fait partie des devoirs qui permettent d’assurer l’équilibre au sein de la communauté. De même que le système paternaliste de la démocratie sociale scandinave ne peut survivre que tant que chacun contribue à sa mesure et évite de devenir un « passager clandestin » (free rider) de l’effort des autres, le dugnad a pour but d’optimiser l’organisation communautaire afin que le bien commun dure et profite à chacun le plus longtemps possible.
Le dugnad fait évidemment face aux challenges de la Norvège moderne. Le recul du concept communautaire, la monté de l’individualisme et l’amplification des disparités économiques entre Norvégiens menacent ce symbole. Aujourd’hui on propose, par exemple, aux membres de la communauté de payer une certaine somme au lieu de participer au dugnad. Cela permet certes de sensibiliser les absents aux devoirs que le bien commun implique. Mais risque-t-on néanmoins de vider le dugnad de son principe fondamental d’échange et de partage ?
Le dugnad reste néanmoins un bel exemple. S’il est propre à la Norvège et à ses codes, il se repose sur la volonté de chacun de jouer un rôle dans la communauté et de s’approprier, collectivement, le bien commun dont on a la charge. Une recette à exporter dans les banlieues françaises ?