Un séjour en Bretagne sans passer par la case “dégustation galette de blé noir complète + crêpe “caramel beurre salé” + bolée de cidre”, n’est pas un véritable séjour en Bretagne. Là où l’on s’étonne un peu, c’est que les galettes bretonnes ne sont pas 100% locales : 70 % du sarrasin utilisé dans les crêperies de la péninsule est importé de Russie ou même de Chine ! Réinstaurer la culture du blé noir en Bretagne, voilà la mission que s’est donnée ViVaTerr, pour revitaliser l’économie bretonne.
PASSER DE L’ÉCONOMIE FINANCIÈRE…
La Bretagne consomme 3,5 fois plus de blé noir que la moyenne française : 11.000 tonnes par an. Pour autant, elle n’en produit que 3.000 tonnes : ce scoop est une nouvelle illustration des conséquences absurdes de l’économie financière. De 370.000 hectares de sarrasin dans les années 1900, la production bretonne est tombée à quelques centaines d’hectares en 1980, au profit de cultures à fort rendement comme le blé, l’orge et le maïs. Et pourtant ! Le sarrasin est une culture qui s’implante d’autant plus facilement sur les terres légères et acides de Bretagne qu’elle demande peu d’entretien – elle n’est atteinte par aucune des maladies affectant les céréales, et notamment le célèbre ergot du seigle – qu’elle est plutôt généreuse en termes de rendement à la semence et qu’elle est, enfin, souple d’emploi. Alors pourquoi 70 % du sarrasin consommé en France est-il importé de Chine, du Canada et des pays de l’Est qui n’offrent pas de réelle traçabilité ? Pour une question de marché globalisé : en 2017, le prix moyen payé aux agriculteurs par les entreprises habilitées à collecter du blé noir sous Indication Géographique contrôlée (IGP) était de 700 euros la tonne. Or un meunier moins sensible à ce type de question va être tenté d’acheter du blé noir d’importation autour de 450 – 550 euros la tonne…
…À L’ÉCONOMIE VIVANTE
« coopérer dans la diversité pour garantir la créativité et la capacité d’adaptation »
Mais les Bretons résistent encore et toujours ! En 1987, une filière s’est structurée en Bretagne, jusqu’à l’obtention, en 2010 de la fameuse IGP. Elle concerne 400 producteurs, pour environ 3.300 hectares (chiffres 2016).
Et en 2008, porté par le centre des jeunes dirigeants et la commune de Pleudihen-sur-Rance, ViVaTerr – pour Vie, Valeur et TERRitoire – voit le jour. Son objectif ? Cocréer de la valeur et la redistribuer, en conciliant économie locale, biodiversité et juste rétribution de chaque partie prenante, notamment les agriculteurs. ViVaTerr développe un circuit dit « efficace », intégrant au circuit court classique (producteur – consommateur) les transformateurs (meuniers, industriels…) et le territoire.
Les agriculteurs ayant rejoint le projet sont tous convaincus qu’il faut se passer des grands groupes et de la finance pour retrouver l’envie et la fierté de travailler. Philippe, agriculteur sur les bords de la Rance : “Quand on sème un blé ou du maïs, on ne sait pas quel prix on va toucher parce que c’est soumis aux marchés mondiaux et à un tas de choses que nous, agriculteurs, on ne maîtrise pas. Maintenant, avec le Sarrasin, le prix est fixé dès le départ et c’est fait avec tous les acteurs concernés.” On fait donc l’impasse sur les intermédiaires et la spéculation financière, on offre plus de transparence sur le produit et un prix de vente honnête tout en protégeant le territoire : le sarrasin, qui n’a pas besoin d’intrant chimique, fait de jolies fleurs entre juillet et août : parfait pour tous – des touristes aux pollinisateurs, en passant par les consommateurs, etc. !
“Nous avons un problème : nous ne pensons plus comme des êtres vivants au milieu d’un monde vivant.” explique Patrice Valantin, entrepreneur et co-initiateur du projet VivaTerr, “les systèmes vivants qui nous entourent sont basés depuis l’origine sur deux principes : la diversité et la relation. Penser à nouveau comme des êtres vivants modifiera nos comportements et nous permettra de retrouver une harmonie avec les systèmes vivants et le cosmos”.
ET MAINTENANT ?
« Révolution pacifique, positive et bienveillante », la réimplantation du blé noir en Bretagne, symbole de l’économie vivante, offre de l’espérance et l’énergie d’agir… La bataille n’est toutefois pas gagnée. Le projet s’est développé en autonomie les premières années et avait besoin de financements pour passer à une dimension supérieure. On aurait pu s’attendre à un soutien public en raison des résultats économiques, écologiques et sociaux, mais c’est étonnamment plutôt l’inverse qui s’est produit : les collectivités locales (Conseil Régional ou Communauté d’Agglomérations) ont refusé toute forme d’aide et ont eut plutôt tendance à s’opposer au projet, probablement en raison des pressions de certains acteurs du monde agricole.
Les prochaines étapes ? Continuer malgré tout à développer les surfaces de blé noir et étendre à d’autres cultures, et surtout former tous les acteurs – du producteur au consommateur – à une économie au service de l’Homme et de la Vie. Et si vous voulez nous aider, nous lançons une campagne de financement participatif pour diffuser l’économie vivante et libérer nos territoires de l’influence financière. C’est ici : http://www.oetopia.fr/valeurs-et-principes/dons/
Sources : (photo) https://www.miel-paris.com/portfolio/mes-ruches-sur-le-sarrasin/
https://www.franceinter.fr/emissions/grand-angle/grand-angle-20-juillet-2017
http://www.vivaterr.bzh/rance-emeraude/le-projet-ble-noir/leconomie-vivante/
https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=rOXfubV7_RA
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-enjeux
https://www.blenoir-bretagne.com/indication-geographique-protegee.html