Dans le cadre du parcours Cap 360°, nous avons approfondi le thème “Eduquer”. Maylis Gillier, membre fondateur de Femina Europa, apporte un regard tout féminin sur ce thème, qui prône une complémentarité enrichissante.
Eduquer passe par la transmission
Je suis femme, épouse et mère de 7 enfants : je m’exprime donc sur le thème « éduquer » à partir de mon expérience personnelle. Je suis également traductrice, ce qui est chez moi davantage qu’un métier. C’est une passion, passion de la transmission et du partage d’idées et de cultures différentes. Par ailleurs, je fais partie d’une association de femmes qui s’appelle Femina Europa. Cette association a été créée en 2005 à partir d’un petit groupe de femmes qui se sont retrouvées toutes les semaines pour réfléchir sur les textes de la conférence de Pékin sur la femme. Nous y avons vu l’émergence d’un nouveau concept autour de la notion de gender qui vient saboter l’identité de l’homme et de la femme. Cette déconstruction de l’identité homme/femme a des répercussions très profondes dans la société.
Cette déconstruction se répercute bien évidemment dans l’éducation. Qu’est-ce qu’éduquer si ce n’est transmettre ? Si l’on dit aux enfants : « tout se vaut ! Tu peux choisir d’être ce que tu veux, un homme, une femme voire même changer de sexe », « peu importe ton avenir, ce qui compte, c’est le moment présent, l’instant », « c’est toi qui invente qui tu es et qui tu veux être. » en réalité on ne transmet rien. Pire que ça : on ment aux enfants.
Car non, tout ne se vaut pas. Etre un homme ou être une femme, ce n’est pas la même chose et chacun a ses richesses en tant que personne unique, bien sûr, mais aussi en tant qu’homme, en tant que femme avec une intelligence, un cœur et un corps : les 3 sont liés. La complémentarité homme/femme prend en compte toute la dimension humaine et la place de l’être humain dans la société et dans la nature.
Les femmes sont-elles en train de prendre leur revanche sur les hommes aujourd’hui ?
Nous pensons que la complémentarité, l’altérité est beaucoup plus féconde que le rapport de forces. Les femmes ont une mission importante dans la reconstruction d’une culture bâtie sur la confiance, l’intelligence et le respect de la nature humaine, homme et femme. Nous ne voulons plus d’un féminisme revendicateur dans le sillage de Simone de Beauvoir. Elle-même nous a montré combien cette recherche d’une égalité basée sur le rapport de forces et est stérile. Prenons par exemple son dernier recueil de fiction qui s’intitule « la femme rompue » : c’est un recueil de 3 nouvelles qui racontent l’histoire de 3 femmes, 3 histoires de désenchantement et de solitude. Ce féminisme-là est marqué par une vision négative de la femme, de la famille et du mariage. La recherche de l’égalité h/f a été conçue comme si la femme devait se calquer sur le modèle de l’homme. Nous pensons que la femme vaut mieux que ça et doit prendre sa place en tant que femme, pour son épanouissement personnel comme pour celui de la société. La femme est souvent celle qui a une vision à long terme et qui voit avec son cœur ! Et cela se constate dans toutes les sociétés : voyez le succès des projets de micro-crédits qui sont souvent confiés aux femmes.
Y a-t-il aujourd’hui une crise de l’autorité paternelle ?
Réfléchissons un peu sur ce point : il est indéniable que l’autorité paternelle est en crise aujourd’hui mais cette crise s’adresse principalement au rejet d’une autorité de type patriarcale, une autorité imposée par le plus fort sur le plus faible sans tenir compte des besoins prioritaires du plus faible. Une autorité qui décide qu’elle sait ce qui est bon pour l’autre sans s’être mis à son écoute. Il n y a donc pas à regretter que cette autorité aille à vau l’eau…..
Il n’en reste pas moins vrai que l’autorité paternelle reste nécessaire et est à refonder. Pour cela, elle doit prendre en compte le bien commun, ce qui sert à faire grandir l’enfant pour devenir adulte et prendre sa place dans la société.
Il est peut-être temps, enfin, d’explorer une nouvelle voie, une voie qui est celle prônée assez naturellement par les femmes : celle de la complémentarité h/f, père/mère, enseignant/parents, complémentarité et non pas opposition, ni rivalité.
L’esprit de domination et de contrôle sur les autres est un modèle stérile en éducation. Faire grandir l’enfant (cf. étymologie du mot autorité) implique de l’aider, de l’accompagner pour qu’il développe ses potentialités.
L’autorité n’est pas d’abord de savoir dire non ! C’est d’abord montrer ce que l’enfant peut faire, l’encourager avant de le brimer. Cette perception est souvent intuitive chez les mères : c’est là que s’exprime la complémentarité : en écoutant les intuitions de sa femme, le père peut comprendre dans quelle direction encourager l’enfant, le pousser, le responsabiliser, l’autonomiser, poser des jalons plus que des bâtons.
On ne peut pas éduquer un enfant si l’on ne sait pas quel chemin lui montrer. Et s’il n’y a pas d’autorité, les enfants la prennent ailleurs, non plus de leur père et de leur mère, mais de leurs pairs, de leurs copains de classe.
Eduquer nécessite de choisir ses priorités
Eduquer un enfant implique aussi de passer du temps avec lui : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. » dit le renard au petit prince. Cela pose la question de la conciliation vie familiale/vie professionnelle. La majorité des parents vous diront que leurs enfants sont ce qu’il y a de plus importants pour eux. Mais au regard du temps passé avec eux, on peut se poser la question de ce que cela signifie pour eux. Il n’y a pas de réponse toute faite sur ce sujet : chacun doit se poser la question de ses priorités et du temps qu’il y consacre.
Ma génération a fait l’expérience de la liberté tous azimuts et a vu ses limites : beaucoup de jeunes aujourd’hui vieux ont fait des expériences qui les ont bien cabossés. Ils savent, dorénavant, que toutes les expériences ne sont pas bonnes à faire et qu’il y a un temps pour tout !
Eduquer, c’est ainsi montrer le chemin avec bienveillance et exigence, dans l’amour, pour faire grandir. Il est important que les parents se comportent en adultes vis-à-vis de leurs enfants, mais en adultes attentifs aux besoins de l’enfant, à ses besoins. La richesse de la complémentarité s’exerce aussi entre générations et également entre l’école et la famille. Quand André Gide écrivait « Familles, je vous hais », on oublie qu’il continue sa phrase en disant « Je vous hais, foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur »… On ne peut pas éduquer tout seul dans son coin, en autarcie, car nous sommes tous interdépendants et responsables les uns des autres, chacun différent, chacun à sa place mais en complémentarité les uns des autres et non en rivalité. C’est ça la révolution de la bienveillance !