À l’approche des élections régionales – prévues les 20 et 27 juin prochains – Antoine Cadi, expert biodiversité et économie, propose une liste de points d’attention pour voter en toute connaissance de cause.
Vous êtes nombreux à poser la question de la relation entre défis environnementaux et élections régionales. Que pouvons-nous attendre des élections régionales, sur ce sujet ? Plusieurs choses. Il est important de fouiller dans les propositions des différents candidats que vous aurez sur vos territoires pour regarder ce qui s’y niche.
Voici quelques idées de sujets qui devraient y figurer. Et si vous ne comprenez pas les informations apportées par le candidat ou si elles vous paraissent insuffisamment précises, non assorties d’un calendrier concret ou d’engagements formalisés, n’hésitez pas à éclaircir la question auprès de lui !
LUTTE CONTRE L’ARTIFICIALISATION
Nous sommes arrivés à un moment-clé : notre développement nous a fait surconsommer les espaces naturels, agricoles, forestiers, en les artificialisant… Il est important, aujourd’hui, de redonner des espaces à la nature ainsi qu’aux milieux agricoles et forestiers. Il faut inventer un modèle de société qui va optimiser les espaces déjà artificialisés (sobriété foncière), mais également doit être en capacité de désartificialiser pour restaurer une partie de ces espaces. Ce sujet est actuellement en débat au Sénat après être passé entre les mains des députés. Sujet concomitant, celui des trames vertes et bleues, la connexion entre les éléments de nature qui lui confèrent sa résilience. Que dit le programme des candidats sur ces sujets ?
PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ
La biodiversité, c’est la vie. Les animaux, les végétaux, les champignons, bactéries… les écosystèmes que ces espèces constituent, leurs interactions, leur patrimoine génétique. Une partie de ces espèces et écosystèmes est aujourd’hui menacée et doit donc faire l’objet d’une attention particulière. À l’échelle d’une région, souvent fière d’héberger telle ou telle espèce de mammifère, d’oiseau ou autre, il est important que les candidats aient une juste connaissance de ce patrimoine naturel et une stratégie pour répondre à cet enjeu majeur. Ce point devrait apparaître dans leur programme : à vérifier.
ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
J’habite en Rhône-Alpes, dans une région où le tourisme est important, notamment en montagne. Là, Covid et changement climatique ont eu cet hiver un fort impact, notamment sur les stations de moyenne montagne. D’autres régions françaises (sur la côte, notamment) souffrent des mêmes problématiques, avec de fortes tempêtes, l’augmentation du niveau des océans, etc.
Quelques soient les territoires concernés, chacune de nos régions, nichent de leurs paysages, de leur patrimoine naturel, doit faire l’objet d’une attention particulière dans le contexte du changement climatique: s’investir résolument dans les solutions fondées sur la nature, c’est favoriser la résilience de nos territoires. Nos candidats doivent porter une vision, une réflexion sur ce sujet primordial.
MOBILITÉ
Un autre sujet stratégique est celui de la mobilité, notamment pour la partie de ce sujet qui touche aux émissions de GES et à la fragmentation des paysages (il a de nombreuses autres dimensions bien sur !). Il s’agit d’inventer un autre modèle que le “tout voiture” – les voitures à énergie fossile, notamment, bien que l’on voit que la voiture électrique n’apporte pas que des solutions définitivement positive). Comment va-t-on pouvoir, ensemble – et notamment à l’échelle régionale – aborder la problématique des transports en commun ? Comment favoriser l’approche multimodale attendue par la population ?
ÉNERGIE
Il y a un sujet autour de l’énergie. En France, nous consommons beaucoup d’électricité. Parce que nous sommes capables de la produire peu chère, via nos centrales nucléaires, notamment. Peu chère, certes, mais attention : cela cache un vice inhérent à ce type de production énergétique que nous n’avons pas pris en considération jusqu’à présent. Il s’agit du coût de la déconstruction de ces centrales nucléaires et celui du traitement des déchets : ils ne sont pas aujourd’hui intégrés dans le prix du kW.
On a donc d’un côté une question autour de l’économie d’énergie et de l’autre, celle de la transition vers de nouveaux modèles énergétiques. Et cette transition ne se fera pas sans mener nombre de réflexions qui font débat : faut-il plus d’éoliennes ? De panneaux photovoltaïques ? Quid de nos paysages ? Comment favoriser de nouveaux emplois liés à ce sujet de transition énergétique ? Là encore, pour se faire une idée, il s’agit de questionner les candidats. Ca leur permettra d’ailleurs, eux-mêmes, d’avancer sur ces sujets.
SOLIDARITÉ TERRITORIALE
Avec l’émergence des grandes métropoles, on voit apparaître des inégalités territoriales.
Faut-il que certaines métropoles soit sur-artificialisées parce que dans des territoires voisins les espaces naturels, agricoles et forestiers sont davantage préservés ? Cela pose, entre autres, la question de l’équilibre économique, des taxes (sur les entreprises, le foncier, le bâti…) et donc des moyens que chaque territoire va pouvoir mobiliser pour ces habitants. Il est in-envisageable aujourd’hui d’avoir d’un côté, une économie très développée et de l’autre, des territoires abandonnés, où nous n’irions « que » pour nous ressourcer et passer quelques jours de vacances…
Il faut réfléchir à un pays dans son ensemble – ça, c’est le travail du gouvernement – mais à l’échelle d’une région, il est possible de travailler à inventer et renforcer des solidarités territoriales.
CRÉATION D’EMPLOIS
On le voit – les rapports fleurissent – l’engagement vers une transition environnementale assumée, tant à l’échelle nationale que régionale, peut être créatrice de nombreux emplois, et notamment d’emplois locaux (non délocalisables !). Quelle est la volonté des candidats sur ce sujet ? Et en termes de formations, des jeunes ou des moins jeunes qui souhaitent se réorienter sans pour autant perdre leur chance de poursuivre une activité à la fois valorisante et rémunératrice ? Quelles relations, partenariats avec les universités, les écoles ? Quels cycles de formation veulent-ils préparer, soutenir, pour pouvoir accompagner les jeunes et les adultes, vers ces métiers de demain ?
Il reste encore un peu de temps pour poser ces questions aux candidats, en obtenir les réponses et donc voter en toute connaissance de cause. Ce qui est important : ce que vous pourrez exprimer ne sera peut-être pas pris en compte dans ces élections mais participera surtout au travail à venir auprès des différents partis, en perspective des élections nationales dont les préparatifs ont déjà commencés !
La nature compte sur vous !