Emmanuel est un trentenaire sportif. Il rentre d’une course à pied à Millau et est tellement ébloui par cette expérience qu’il s’empresse de partager avec vous les réflexions que tout cela lui inspire.
“Le running… quel rapport avec l’écologie humaine, me demanderez-vous ? A première vue aucun.
Cette frénésie de la course à pied que vivent de nombreux urbains plus ou moins stressés par une existence sédentaire, enfermés qu’ils sont dans des bureaux plus ou moins paysagers, prend des formes variées, parfois amusantes, parfois inquiétantes.
Dans ses variantes les plus extrêmes, le coureur collectionne les gadgets au nom les plus barbares : montre garmin, manchons de compression Booster, Buff, … toute une panoplie sensée améliorer la performance du coureur à la recherche de précieuses minutes à grappiller sur un record précédent. Ce dernier compte aussi beaucoup sur la diététique qui promet monts et merveilles à qui privilégiera les sucres lents, les “boissons d’attente”, les “gâteaux d’effort”, sans négliger les apports en magnésium pour réduire les risques de crampes ou la spiruline, cette algue miraculeuse source de protéines végétales qui ravie – notamment – les végétariens.
Les courses en elles-mêmes, loin d’être des rassemblements de clubs locaux, deviennent de véritables événements ameutant une foule de “runners” du monde entier, le bitume d’à côté est toujours plus attirant… Et l’on parle maintenant de “compétitions de masse” pour parler de ces événements regroupant jusqu’à 40 ou 50 000 sportifs. Inutile de vous dire dans quel état se trouve une chaussée parisienne après le passage de 40 000 coureurs, suite à un point de ravitaillement, où l’organisation dégaine d’innombrables bouteilles en plastique..
Vous avez compris : la course à pied, au fond, peut ressembler à la poursuite de l’optimisation de la performance – le graal de la société de consommation – par d’autres moyens. Qui de l’Homme, dans tout cela ?
Et bien justement, parfois, la course à pied révèle des surprises. Pour certains source d’apaisement, voire de ressourcement personnel, la course à pied – même sous forme de compétition – peut être plus qu’un business comme un autre.
Je l’avais déjà constaté lors de courses très locales, loin de l’esbroufe des “grands événements” de la course à pied. Je l’ai redécouvert lors d’une course du festival des templiers, à Millau.
Le festival des templiers ? C’est une des mecques du trail en France, comme Chamonix, mais en Aveyron. Millau ? Capitale de la ganterie, environ 20 000 habitants, connue pour son viaduc. Mais pas seulement. Il y a aussi le trail qui y a pris ses quartiers et qui reçoit depuis 22 ans, le temps d’un week-end d’octobre, des milliers de coureurs.
Qu’est-ce qui rend cette course plus humaine ? De nombreux détails, que je vous livre simplement, comme autant de petites pépites :
– Une conversation très sympa lors des retraits de dossards, avec le patron de la Chaussette de France qui, depuis son usine de Troyes, fabrique 3 millions de paires de chaussettes par an et permet le maintien d’emplois industriels,
– Alors que des milliers de coureurs parcourent les environs, très peu de déchets ou de papiers sont jetés hors des zones de ravitaillement où de nombreuses poubelles permettent de laisser les sites intacts, peu de gobelets aux ravitaillement, les coureurs ont chacun l’obligation d’avoir une gourde ou une poche à eau qu’il est possible de remplir régulièrement, ce qui limite les déchets,
– Les tracés sont étudiés en concertation avec le Parc Naturel des Grands Causses et les éleveurs de brebis pour le célèbre Roquefort spécialité locale, afin de ne pas trop solliciter des pelouses parfois fragiles et un environnement à protéger.
– La place réservée aux personnes porteuses de handicaps : certaines participent aux courses (et ont parfois des épreuves dédiées) et d’autres, une quarantaine, sont également bénévoles pour l’organisation et la logistique.
– Lors de l’inscription, il est également possible de choisir un dossard humanitaire. Le dossard humanitaire proposé par l’organisation permet de collecter des fonds pour une association qui vient en aide aux orphelins du Tchad. Plusieurs couples originaires de Millau ont participé à cette aventure humanitaire, et les organisateurs leur marquent leur soutien de cette façon. Ici leur site internet.
– enfin, les courses s’inscrivent dans les paysages magnifiques des Causses, et loin des routes, nombreux sont les coureurs qui oublient le temps, profitent des vues magnifiques sur ces vallées brumeuses, s’arrêtent pour admirer le viaduc qui se découpe à l’horizon comme suspendu par ses haubans au dessus de la vallée, s’entraident dans les montées ou dans les coups durs quand d’autres fléchissent… la course à pied, un sport individuel, vraiment ?”