Nous avons laissé une tribune libre à une jeune femme, Pénélope, actuellement en recherche d’emploi. Pénélope vient de finir ses études. Elle appartient à ce qu’on appelle la génération Y. Elle a frappé à notre porte il y a peu de temps, avec le texte suivant dans le ventre. On lui a demandé si elle acceptait de l’accoucher en mots pour vous le partager. Voici le résultat… ça aurait été dommage de passer à côté !
« Un besoin de sens, de toute urgence !
Je m’appelle Pénélope et je viens de terminer mes études. Je cherche du travail et en regardant autour de moi, je trouve toujours des zones d’ombres dans chaque métier que j’envisage… Malheureusement, je suis très entière… !
Des compromis sont exigés par rapport à mes valeurs. Je sens un malaise à me lancer dans ce monde ; je suis loin d’être la seule à éprouver cela. On cherche tous notre chemin et un sens à cette vie. On est la génération Y – soit disant ultra connectée – et consumériste. Peut-être certains ont vendu leur âme pour un iPhone ou bradé leur amour sur Tinder (Je ne pense pas que cela soit l’apanage de ma génération qui sait peut-être juste mieux se servir des nouvelles technologies). Je sens surtout une génération qui a soif de vivre et qui a peut-être du mal à se projeter. Qui opte alors pour des bonheurs à court terme. Ma génération serait une génération de paresseux et d’effrontés. C’est ce que l’on peut lire dans les médias. Mais moi, je sens une génération qui veut travailler et qui est pleine d’énergie, prête à la donner sans compter, sans savoir toujours dans quoi l’investir. Certains partent en Australie ramasser des pommes, d’autres vagabondent en Inde ou encore donnent des cours à des enfants Boliviens. Je sens tellement de personnes en quête de plus de sens et qui ne se sentent pas en accord avec les valeurs prônées par la société occidentale. Le mouvement « Nuit debout », place de la République depuis quelques mois, montrent bien un mécontentement généralisé : la politique, l’économie, le social, la sécurité etc. Les sujets ne manquent pas. Ce mouvement n’est que la partie émergée de l’iceberg, tellement nombreux sont ceux qui ne sont pas en accord avec cette société et ne croient plus en grand-chose, ni même au militantisme (ceux-là ne se rendront jamais place de la République !). Cette quête de sens est profonde ; certains vont jusqu’à se lancer dans une soi-disant « guerre sainte » – selon l’AFP, en 2015, plus de 1.500 personnes, Français ou résidents en France, sont parties en Irak et en Syrie -. Manuel Valls estimait que c’était trois fois plus qu’en janvier 2014… Parce qu’on a collé une étiquette sur notre génération, comme on a collé des étiquettes à peu près sur tout. Parce que notre génération grandit dans un monde de l’avoir, dans un monde de la consommation et de l’apparence. Parce que ma génération souffre d’être l’avenir d’un monde dont elle ne veut pas. Pourtant notre génération recherche le sens, la vérité et, si la religion est bien souvent mise de côté, la spiritualité.
Un besoin de fermer les yeux
Dans cette génération, il y a aussi les autres, ceux qui ne laissent pas de place au doute. Ceux qui sont à fond, qui se répètent qu’on est dans un monde de requins, que si on ne mange pas l’autre, c’est l’autre qui nous mangera ! Ceux qui ont tellement soif de la reconnaissance des autres. Ceux qui ont tellement peur. Je vois des jeunes qui ont déjà tellement envie de réussite sociale, qui sont obsédés par le fait d’être bilingue en anglais et de ne pas trouver de travail. J’ai l’impression que la peur d’être « un raté » ou simplement d’être différent, les mène à la peur d’être eux-mêmes et ça me fait mal. Peut-être bien aussi ceux qui ne peuvent pas se permettre de laisser de place au doute pour des raisons matérielles. Leur besoin d’accomplissement est au sommet de la pyramide de Maslow et vient après leur besoin d’estime, d’appartenance, de sécurité et après leur besoins physiologiques, bien sûr. Oui, c’est beau la quête de sens, mais si on a du mal à manger ou à payer son loyer en fin de mois, je comprends que cela ne soit plus une priorité ! Pourtant, une fois dans la vie active, cette quête revient au galop. En effet, un jeune sur quatre aimerait changer d’employeur dans l’année qui vient, deux sur trois pensent qu’ils auront franchi le pas d’ici 2020, selon l’édition 2016 de l’enquête “Millennials” de Deloitte, qui a interrogé dans 29 pays 7 700 personnes (toutes nées après 1982, diplômées et employées à plein temps). La jeunesse de France n’a pas l’exclusivité en ce qui concerne la difficulté de trouver sa place. C’est un problème de société que la mondialisation prend soin d’exporter. Parce gagner beaucoup d’argent est ce qui compte vraiment, avec l’importance d’être admiré et suivi sur les réseaux sociaux, notamment. On l’a bien compris. Malheureusement, on a aussi pris conscience que tout cela sonne souvent faux et trop souvent creux, et qu’on a besoin de plus pour s’épanouir et se réaliser. On dit parfois que ma génération manque d’ambition, mais c’est faux. Ma génération est la plus ambitieuse, elle veut plus !
Une solution à ce dilemme cornélien
Pourquoi mettre tant d’énergie à tenter de se plier, se replier, pour intégrer une société que l’on juge insensée ? Ou pourquoi se marginaliser en refusant la société ? Rejeter la société ou être rejeté par elle créé forcément une souffrance. Cela dit, accepter une société insensée en créé également une. Déjà, dans l’Antiquité, Aristote nous traitait d’animal social. Il serait temps de reconnaître la force de notre individualité, tout comme notre interdépendance. Si l’on pouvait se sentir en accord avec la société, plutôt que d’osciller entre le fait de la rejeter ou et de s’y plier, ce serait sans aucun doute l’idéal. Dans ce dilemme cornélien je n’ai qu’une réponse à donner : l’écologie humaine. Si tous ceux qui trouvent que notre société manque de sens choisissent, à leur échelle, de redonner un sens et une conscience à leur manière de vivre, de consommer, de cultiver, de travailler, d’aimer, de respecter inconditionnellement son voisin, alors, un réel changement pourra s’opérer. Si être dans une société individualiste ne signifie pas vivre dans une société égoïste mais plutôt dans une société où l’on reconnait l’unicité et la force de chaque individu, alors, le milieu social et naturel, au sens écologique du terme, deviendra favorable à la vie. Simplement reconnaître qu’il y a une alternative et que les maux de ce monde ne sont pas tous inéluctables. Que la tolérance envers la différence, l’encouragement des alternatives et la bienveillance offrent à tous une place dans notre société, aussi imparfaite soit-elle. Les générations passées ont eu de belles luttes et de beaux acquis. Et le sacro-saint progrès a eu également pas mal d’effets pervers. Nous avons encore du chemin à faire ensemble et une belle marge de progrès : à nous de progresser mieux. La société, c’est vous, et c’est moi, c’est le tout que nous formons. Notre société ne demande peut-être qu’à être ré-appropriée !”