La plateforme Grinoloco cherche à favoriser les achats en circuit court. Sa grande idée ? Optimiser les millions de trajets effectués tous les jours, en France et en Belgique, pour faciliter la livraison de produits locaux. Kévin Peyrusaubes, Toulonnais de son état et fondateur de la plateforme, raconte l’origine de son projet.
Comment vous est venue l’idée de Grinoloco ?
Kévin Peyrusaubes : “Grinoloco est un projet que j’ai en tête depuis 3 ans et qui a déjà évolué deux fois durant cette période ! Au départ, notre volonté était de répondre à un besoin personnel : j’avais ce vide intersidéral, partagé par beaucoup au quotidien, au moment de la question fatidique : “Que vais-je cuisiner aujourd’hui ?”.
Partant de là, je me suis interrogé sur la possibilité de créer une base de recettes de cuisine à travers le profil des utilisateurs de l’application. L’idée était de créer un profil, renseigner différentes informations (ce que j’aime / je n’aime pas, mes allergies, etc.) et obtenir des recettes adaptées. Ces recettes de cuisine devaient être transformables en listes de courses et que le lien soit ensuite réalisé avec les producteurs locaux.
Le rapport entre ce besoin fondamental de se nourrir et le producteur local était ainsi créé. Or, c’était un peu compliqué en terme de développement car nous étions face à deux entonnoirs :
- Les recettes. Avouons-le : je n’aime pas particulièrement cuisiner ; créer des recettes n’est pas mon fort (et il y a une multitude de sites internet qui existent déjà et qui sont hyper ancrés), et cette façon de faire était compliquée à gérer avec les producteurs.Je me suis alors demandé où l’on créait vraiment de la valeur. On a commencé à concevoir un autre projet – la deuxième phase de développement de Grinoloco – qui tournait autour de la production sur des surfaces de particuliers : j’ai un jardin et je le met à disposition d’un voisin qui aime cultiver.
- Le Covid. Avec toutes les mesures de distanciation sociale, c’était compliqué à développer, d’autant que le modèle économique était assez instable.Mais finalement, au mois de juillet 2020, on a revu l’ensemble du projet en se disant que ce projet-là, on le développerait peut-être dans un deuxième temps.
Cette maturation nous a permis d’arriver à notre projet actuel, qui est né grâce aux échanges avec des producteurs intéressés par le deuxième projet de Grinoloco (ils avaient des surfaces de production et cherchaient des jardiniers pour les cultiver). Ainsi, j’ai rencontré une dame qui habitait au milieu de nulle part mais, grâce à l’axe autoroutier à proximité de chez elle, des personnes faisaient un crochet de dix à quinze kilomètres de voiture pour se procurer ses produits. Et si ce trajet était optimisé ? S’ils ne venaient plus seulement pour eux-mêmes mais aussi pour leurs voisins, leurs collègues de travail, leur famille proche… ? Voilà la grande idée qui a germé. Au départ, je le voyais comme un service additionnel, mais au fur et à mesure de ma réflexion, j’ai compris que c’était ça, le projet principal : la livraison participative. C’est là que résidait la création de valeur.
C’est comme ça que l’aventure actuelle de Grinoloco a commencé, début août 2020. L’objectif est donc de répondre aux besoins des consommateurs en se basant sur trois leviers essentiels : la livraison (l’accès physique jusqu’au produit), la qualité du produit (Nos producteurs sont soit labellisés soit en cours de certification bio ou en agriculture raisonnée) et son prix (Ils sont fixés par les producteurs en fonction de ce qu’ils ont besoin pour faire tourner leur exploitation).”
Tous vos services sont-ils déjà opérationnels ?
K. P. : “On a divisé notre développement en trois lots.
Le premier a été l’inscription de nos producteurs. Ils peuvent aller sur la plateforme et créer leur boutique en répertoriant leurs produits. Ils peuvent paramétrer des photos, raconter l’histoire de leur production et la faire labelliser. Cette partie-là est en place et est parfaitement opérationnelle.
Le deuxième lot est la partie commande, qui a été en phase de test jusqu’en juillet 2021. Sans la livraison participative, pour commencer, juste avec un click-and-collect, autrement dit, ce que tous les sites font déjà aujourd’hui.
Fin août 2021, on va mettre en place la livraison participative, une couche qui vient en supplément de tout le reste de l’interface.
Tout cela représente des heures et des heures de test et d’optimisation.
Nos producteurs ont un agenda hyper rempli. Au mieux, ils prennent quinze minutes dans la journée. Parfois moins : cela peut être un quart d’heure dans la semaine ou le mois, pour valoriser leurs produits sur la plateforme. Ainsi, quand ils se connectent sur Grinoloco, il faut que ça marche et qu’ils se sentent en confiance. Pour cela, on prend le temps de se mettre à leur place, de poser des questions, de tester, de modifier, d’échanger, pour leur offrir le meilleur service possible.”
Comment sélectionnez-vous vos producteurs ?
K. P. : “On a une charte de qualité avec une dimension éthique et un engagement de technique de production. Lorsqu’un producteur souhaite s’inscrire sur notre plateforme, on lui demande de s’engager sur une technique et de nous faire parvenir son certificat (diverses certifications existent dans le domaine). Notre engagement étant du local de qualité, un producteur ne peut pas mettre en ligne un produit sans avoir déposé un certificat vérifié par notre équipe. En plus de l’agriculture bio ou raisonnée, nous accueillons également des produits issus de la permaculture, par exemple : ces techniques naturelles qui ne sont pas encore encadrées par une certification.
Concernant notre catalogue produits, on est très large. À l’origine, on était centrés sur les fruits et les légumes. Et puis, en faisant un travail de recensement, je me suis rendu compte qu’il existait plein d’autres excellents produits : lait, confiture, œufs, viande, fromage, vin, soupe, cosmétique… On a alors décidé de prendre tout ce qui était local et engagé.”
Et les usagers de Grinoloco, qui sont-ils ?
K. P. : “Pendant six ans, j’ai été directeur de réseau dans la vente à domicile. Lors de cette expérience, j’ai notamment travaillé sur le développement d’une communauté de personnes à travers un cercle social de proximité. Je me suis dit que ça pourrait être intéressant de reproduire ce système avec nos producteurs. Ils peuvent eux-mêmes proposer à leurs clients de livrer les produits de leur entourage (voisins, proches…).
On a ainsi créé un kit de démarrage qui prend la forme d’un livret de quatorze pages reprenant toutes les informations pertinentes pour nos producteurs. Dedans, il y a deux affiches au format A3 que nos producteurs peuvent mettre dans leur surface de vente et il y a des cartes de visite proposant de devenir ambassadeur de son producteur. Les producteurs les laissent dans le sac de leurs clients. Le client qui se rend chez son producteur doit prendre conscience qu’il peut aider ses voisins, sa famille et ses proches.”
Concrètement, comment fonctionne la livraison participative ?
K. P. : “Le consommateur doit pouvoir identifier, à proximité, des trajets qui lui permettent de commander des produits locaux. Sur Grinoloco, vous pouvez passer directement commande auprès d’un producteur avec l’option “Je vais chercher sur place”. On vous propose aussi, étant donné que vous êtes prêt à aller sur place, de transformer votre trajet en trajet pour la communauté. Le prochain usager à proximité de votre lieu de vie va alors voir apparaître le trajet. En cliquant sur le trajet, il va découvrir le producteur chez qui vous vous rendez et passer commande auprès de lui. Le client livreur (Locodriver) a donc un départ, une arrivée, une heure d’arrivée et un producteur auquel il se rattache. Quand il se rend chez le producteur, il récupère l’ensemble des commandes passées par tous ses voisins. Ce modèle permet ainsi au producteur et au consommateur d’avoir une multitude de points relais potentiels et d’optimiser chaque trajet, tout en réduisant les émissions de co2.
L’objectif est vraiment de recréer du lien social : samedi matin, je vais chez mon producteur, voici son lien Grinoloco, n’hésitez pas à passer commande et récupérer vos produits à la maison vers 11h. Je veux créer une mise en relation d’hyper-proximité. Par cette initiative, les consommateurs soutiennent leurs producteurs et proposent une alternative à leur entourage. En contrepartie, le livreur récupère 5 % du prix des commandes qu’il aura acheminé. Par exemple, pour 100€ de commande, il récupère 5€ qui resteront dans l’écosystème Grinoloco : ces euros gagnés seront transférés sur son portefeuille virtuel et pourront ensuite être déduits de sa commande personnelle. L’idée à terme est qu’il n’ait plus à acheter de produits et que ce soit quasiment offert.”
Avez-vous différents types d’engagement pour les producteurs qui souhaitent vous rejoindre ?
K. P. : “Nous avons trois offres :
- l’offre gratuite qui permet aux producteurs de se connecter, de créer un catalogue et d’être visibles. En revanche, cette offre ne permet pas de vendre sur la plateforme et de bénéficier de la livraison participative.
- l’offre variable qui permet de vendre leurs produits et de percevoir 80 % du chiffre d’affaires qu’ils auront fait sur Grinoloco, transférés dans un deuxième temps vers leur compte en banque. S’il n’y a aucune vente, il n’y a aucun frais. Il n’y a donc aucune prise de risque.
- l’offre fixe qui est un abonnement à 120€ par mois (60€ par mois la première année), avec les trois premiers mois offerts. Les producteurs peuvent alors profiter du service à volonté. Elle permet de passer de 80 % de marge à 91 % de marge en fonction du chiffre d’affaires réalisé.
Sur l’ensemble des services payants proposés, on est partenaires des producteurs : on les aide à communiquer, via des outils et des valorisations auprès de notre communauté, toujours dans l’idée d’être un facilitateur de développement local.”
Pour en savoir plus : https://grinoloco.com