Aspirant, l’hippocampe à museau court

8 Sep, 2022 | NATURE & ENVIRONNEMENT

Aspirateur à plancton, l’hippocampe est un étrange petit poisson tranquille que les fantasmes entretenus par la médecine traditionnelle chinoise menacent dans le monde entier. Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine présente cet animal sympathique.

Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine : “Drôle d’animal marin, l’hippocampe a adopté la station debout. Ce petit poisson a aussi abandonné toute idée de nageoire caudale, en optant pour une queue préhensile comme celle des singes. Vertical, le « cheval de mer » s’accroche à la végétation sous-marine, par exemple aux herbiers de posidonies. Il n’a pas, non plus, de nageoire ventrale, mais une sorte d’éventail hérissé sur le dos, qui permet, en vibrant doucement, des déplacements lents, plutôt malhabiles. L’hippocampe guette ses proies à l’affut, avec ce port de tête et cette silhouette reconnaissables entre mille. Fascinées par sa ressemblance avec le cheval, les civilisations antiques lui ont attribué des pouvoirs magiques, et l’ont inclus dans leur iconographe : à la proue des navires, sur des bas-reliefs ou des fresques comme à Pompéi. Sa rareté a nourri sa légende.

Pour chasser, l’hippocampe, dont la lenteur trompe les proies, fait aussi dans l’originalité : sa très petite bouche s’ouvre au bout d’une excroissance tubulaire. Avec cette paille, il aspire de minuscules bestioles qui composent le plancton. Son système d’aspiration est déclenché, comme un coup de feu, par le déplacement d’un os dédié. L’animal a une vue perçante. Ses yeux mobiles et indépendants assurent une surveillance panoramique. On a même découvert que la forme hydrodynamique de sa tête limite les perturbations de l’eau devant sa bouche ! Chasseur « furtif », notre cheval marin est caparaçonné, couvert de plaques osseuses qui rendent son corps dur et rugueux au toucher. Modeste protection qui complète son camouflage, mais ne dissuade que les prédateurs les moins équipés.

Hélas, ce quasi-squelette externe permet aussi de conserver son allure après séchage. On le vend ainsi aux touristes comme souvenir. Mais surtout, la médecine chinoise attribue à la poudre d’hippocampe des vertus curatives et aphrodisiaques. Ils se vendraient là-bas jusqu’à mille euros le kilo. Sa valeur absurde allèche les pêcheurs partout où vit l’hippocampe et son commerce mondial a pris d’effarantes proportions.

En 2004, la totalité du genre (soit des dizaines d’espèces encore mal déterminées) a été protégée par la convention Washington sur le commerce international des espèces de faunes et de flores sauvages menacées d’extinction. Première fois qu’un poisson commercial était ainsi contrôlé. En principe, seuls les spécimens pêchés de façon durable et traçable – ou élevés – devraient se retrouver sur les marchés mondiaux.

source de l’image : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hippocampe_%C3%A0_museau_court.jpg

Dernière originalité, et non des moindres, c’est l’hippocampe mâle qui réceptionne les gamètes. La femelle pond ses œufs dans la poche ventrale de son compagnon qui les féconde au passage. En toute logique, le mâle assure donc la gestation pour accoucher, quelques semaines plus tard, de minuscules hippocampes. Sa poche ayant une fonction proche de celle de l’utérus des mammifères, les plus farouches tenants d’une inversion des rôles entre homme et femme tiennent leur héros ! D’autant qu’il est monogame.”

Il n’en est rien : nombre de gouvernements ont préféré interdire la pêche plutôt que de la réguler, puis ont fermé les yeux sur les trafics. On peut encore saisir, dans nos aéroports, des milliers d’hippocampes braconnés en Afrique, à destination de l’Asie ; l’Amérique latine n’est pas en reste : 20 millions d’hippocampes seraient encore vendus tous les ans en Chine !


Cet article est tiré de la Chronique Des Animaux et des Hommes (01/12/2021), produite et diffusée sur ktotv.

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