Et si le questionnement des choses à partir des territoires n’était pas une façon pour les médias de se transformer en accompagnant ce mouvement d’écologie humaine.
UN DEUXIÈME DÉLUGE
Un «deuxième déluge». C’est ainsi que l’essayiste américain Roy Ascott décrit cette avalanche de messages sous laquelle le citoyen se trouve quotidiennement englouti. Des messages qui mêlent l’important et l’accessoire, le vrai et le faux, la publicité et l’information. Avec cette manière nouvelle de consommer l’information, la prévalence progressive d’Internet et des gratuits et les fragilités financières qui en résultent, les médias se trouvent à la fois en péril et en pleine métamorphose.
Le lecteur-auditeur-internaute est emporté dans un monde immatériel, souvent bien au-delà du réel.
L’INFORMATION : RELATION A L’AUTRE ET RAPPORT A LA VERITE
L’information peut devenir l’un des chantiers prioritaires de nos « grandes » démocraties.
L’information peut devenir l’un des chantiers prioritaires de nos « grandes » démocraties. Les nouvelles technologies de l’information doivent les y aider à condition de repartir de cette proximité de chair et de sens qui humanise, et garde pied avec la réalité des choses. Combinant la vue de l’écran, le toucher du papier ou la vibration d’un mobile, le son d’une radio, l’odeur d’un magazine et refusant l’affligeante pauvreté des contenus formatés et simplificateurs, le journaliste repart à la recherche de cette dimension particulière qui fait – et fera toujours – de l’information un produit à part : la relation à l’autre et le rapport à la vérité. Lorsqu’il renoue ainsi avec cet impératif du sens à partir de la réalité, le journalisme réactive du même coup une passion fondatrice au service de tous les hommes, au service de tout l’homme.
L’ÉCOLOGIE HUMAINE EN JOURNALISME
Face aux logiques de la machinerie médiatique planétaire, numérique et audiovisuelle qui n’a plus grand-chose à voir avec l’enquête façon Albert Londres, les médias qui partent des territoires, ainsi refondés, peuvent bien incarner une certaine forme de dissidence vertueuse. Des territoires qui abritent un journalisme capable d’opposer sans relâche la raison laïque et raisonnable à la religiosité émotionnelle du «médiatique», de ramener sans cesse l’homme à ce dialogue intime avec sa terre, avec lui-même, en le protégeant des idéologies qui l’arrachent à sa véritable nature humaine.
C’est dans ce contexte que la question du sens retrouve toute son importance, y compris stratégique. Tout laisse à penser, en effet, que cette vertu-là peut devenir rentable. A long terme, les médias qui ont des chances de survivre face au «nouveau déluge» sont ceux qui feront obstinément du questionnement assumé sur le sens des choses un métier à part entière. Et en se référant sans cesse à cette matrice humaine lentement pétrie depuis des millénaires, ils ménageront du même coup ce que les économistes devront désormais appeler une nouvelle niche “d’écologie humaine”.