J’ai décidé de fleurir ma rue #Témoignage

26 Août, 2020 | SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN, TÉMOIGNAGES

Pauline, résidente de Boulogne-Billancourt, a décidé de réhabiliter les jardinières abandonnées de sa rue. Elle raconte son initiative et l’impact de sa démarche, tant pour elle que pour les habitants de son quartier.

La genèse du projet

Pauline, fonctionnaire d’une trentaine d’années, experte dans l’art d’agencer des fleurs en bouquets colorés, vit dans un coquet appartement de Boulogne-Billancourt. Son immeuble est situé dans une rue plutôt calme ; c’est dans cette rue que sont disposées plusieurs jardinières en béton, au design typique des années 1970…

Depuis que Pauline habite ce quartier – cela fait plusieurs années déjà – ces bacs sont à l’abandon. La nature ayant horreur du vide, Pauline note qu’ils ne cessent se remplir de mauvaises herbes et de détritus : mégots, tickets de caisse, canettes de bière… Si régulièrement Pauline se dit qu’il est regrettable de laisser ces jardinières dépérir, elle ne prend pas tout de suite le temps de s'”attaquer” au projet. La prise de conscience est là, pourtant, et la taraude à chaque fois qu’elle passe devant ces bacs…

Un journal, les premiers pas…

Un jour, alors qu’elle lit la revue mensuelle du département des Hauts-de-Seine avec une amie, elle tombe sur un article promouvant les permis de végétaliser. Elle pose alors un premier : elle adresse un mail à la structure départementale. En quelques clics, ses questions sur la démarche à suivre pour végétaliser les bacs bordant sa rue sont envoyées.

Plusieurs semaines passent sans apporter de réponse. Pauline ne se décourage pas. Elle décide d’investiguer auprès de la mairie de sa commune. Mais ses recherches ne sont pas plus concluantes : aucune information précise n’est disponible. Pauline envisage un temps de se rendre à l’une des permanences d’accueil. Jusqu’à ce qu’elle découvre les horaires d’ouverture… L’amplitude horaire étant des plus restreintes, une visite s’avère impossible à caler ! Elle laisse donc tomber cette idée de face-à-face.

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Une virée entre amies, un déclic !

Mais après tout, pourquoi attendre plus longtemps pour embellir son quartier ? En quoi a-t-elle besoin d’une autorisation expresse des plus hautes instances de l’État pour ce faire ? C’est un espace commun : à chacun la joie de s’y investir à la mesure de ses capacités et de ses envies ! Ainsi, accompagnée d’une voisine avec laquelle elle s’entend particulièrement bien, elle décide de se lancer. Ensemble, elles se rendent au magasin de jardinage le plus près de chez elles et, pour une soixantaine d’euros, acquièrent terreau, semences, ustensiles de jardinage – gants, binette, grattoir – etc. En quelques heures, nos trois compères – le fils de sa voisine les a rejoint pour l’occasion – nettoient, désherbent et ensemencent les quatre bacs de fleurs les plus proches de leur résidence. Le paysage local prend tout de suite un visage beaucoup plus aimable !

Ce qui surprend le plus Pauline pendant cette opération ? La bienveillance des passants ! 90 % d’entre eux s’arrêtent pour leur donner des conseils, les féliciter de leur démarche…

Elle apprend ainsi que ces bacs ont été le sujet de nombreuses discussions dans le quartier : des pétitions avaient été lancées auprès de la mairie pour demander à la commune de se charger de leur nettoyage, certains riverains avaient même pris contact avec les sociétés privées chargées du nettoyage et jardinage du quartier afin de demander que leur contrat d’entretien prenne désormais en compte ces quelques bacs… Mais aucune de ces initiatives n’a abouti… Au fond, il “suffisait juste” de prendre les choses en main.

Une fois le nettoyage et l’ensemensage finalisés, Pauline et sa voisine disposent des étiquettes plastifiées, mentionnant leur démarche : « Jardin en ville : graines en cours de pousse », pour inciter les passants à la contemplation et à la préservation de cette initiative.

Nettoyage terminé et après ?

Au cours des jours qui suivent Pauline ne doute jamais du bon devenir de ses jardinières. Elle est convaincue que les gens prêtent plus d’attention à un lieu propre et entretenu qu’à un lieu en friche.

Les faits lui donnent raison ! Et ce, malgré son éloigement de plusieurs semaines pendant le confinement. Les jardinières gardent leur splendeur… Si deux ou trois plantes ont pu être volées, il n’y a plus de détritus dans les bacs et les semences ont été arrosées en l’absence des initiatrices du projet.

Une action qui fait le buzz !

L’initiative peut paraître anodine à première vue. Mais Pauline s’est vite rendue compte qu’elle était remarquée et appréciée dans le quartier. Des voisins avec lesquels elle n’échangeait qu’un « bonjour » courtois et discret, s’enhardissent. Des relations plus profondes s’instaurent. Pauline hérite même du doux surnom de « Madame jardinières » grâce à sa coiffeuse !

Pauline s’est aussi émerveillée du retour de la nature – certes à petite échelle, mais il faut un début à tout – dans son quartier. De fait, les graines plantées ont fleuri ; jonquilles et autres fleurs mellifères ont attiré abeilles, insectes, oiseaux… un nouvel écosystème est en train d’émerger !

À ce sujet, Pauline a une jolie anecdote. Alors qu’elle prend le soleil sur son balcon, elle entend un petit garçon questionner sa mère. La curiosité de l’enfant porte sur un objet accroché à la jardinière. La mère regarde de plus près et explique qu’il s’agit d’une boule pour nourrir les oiseaux. Elle ajoute avec émotion : « comme à la campagne ». C’est là que Pauline réalise une chose : l’enjeu de sa démarche dépasse le simple intérêt esthétique qui la turlupinait. Il s’étend largement au bien-être des riverains et à la transmission aux jeunes générations !

Petit geste pour le quartier, grande satisfaction personnelle !

Quand on questionne Pauline sur les conséquences de son projet, elle rit en répliquant que le terme « projet » pour son initiative est un bien grand mot. elle n’a « fait qu’entretenir quelques bacs à l’abandon ».

Pour autant, elle ne cache pas sa satisfaction… Satisfaction d’avoir démontré que l’homme n’est pas foncièrement mauvais, contrairement à ce que pensaient certains (“Tu auras beau y mettre trois fleurs, dans tes bacs, en moins de deux ce sera saccagé à nouveau ! Inutile d’y investir de l’énergie, ma pauvre !”). Satisfaction d’avoir apporté un esprit de cohésion et de solidarité dans son quartier sans pour autant avoir eu à initier de lourdes et labyrinthiques démarches auprès d’associations, de collectivités, d’entreprises…

La suite au prochain épisode…

Encouragée par cette première initiative fructueuse, Pauline a encore plein d’idées en tête : disposer des affiches dans les bacs les plus éloignés de sa résidence pour que ses voisins ou les commerçants s’attellent à y faire pousser des fleurs, proposer aux résidents de son immeuble de se retrouver pour sélectionner les semences de l’automne…

N’est-ce pas ce que nous cherchons tous, cette cohésion de quartier, ce contact humain qui manque particulièrement en période de crise sanitaire ?

Nos modes de vie bien rodés – « Métro, Boulot, Dodo » – donnent l’impression de nous priver du temps nécessaire pour échanger avec ceux nous entourent. Heureusement qu’il y a des personnes comme Pauline qui osent porter des projets simples (mais efficaces !) ; nous sommes entourés de communs ; il ne tient qu’à nous de les investir pour un monde plus beau et bienveillant !

Alors si comme Pauline, vous avez une idée en tête depuis longtemps sans oser vous lancer à faire ce « petit projet sans prétention » dans votre commune, allez-y, franchissez le pas : l’aventure est visiblement enrichissante ! Tenez-nous au courant 🙂

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