Je te suivrai en Sibérie #LectureDeLété

20 Juil, 2024 | ART & CULTURE

À travers le roman Je te suivrai en Sibérie, paru en 2019 aux Éditions Paulsen, Irène Frain nous emmène sur les traces de la romantique et rebelle Pauline Geuble – devenue Prascovia Annenkova jeune française et icône du XIXe siècle. Laissez-vous envoûter par ce destin extraordinaire !

Pauline Geuble par Piotr Sokolov

Je te suivrai en Sibérie : l’histoire

Risque-tout, Pauline quitte sa Lorraine natale à la fin de l’épopée napoléonienne pour rejoindre Moscou où, simple vendeuse de mode, elle est courtisée par un richissime aristocrate. Ivan Annenkov est un fervent admirateur de la France des Lumières et un farouche adversaire du servage. Il appartient à une société secrète qui rêve de renverser le tsar. Le complot échoue, les Décembristes sont déportés en Sibérie.

Ivan aurait été promis à mourir dans l’oubli le plus total si Pauline, comme sept autres femmes de condamnés, n’avait décidé de le rejoindre. La petite bande, qui deviendra légendaire, soutient si bien les conjurés qu’ils relèvent la tête et fondent, derrière les murs de leur prison, une minirépublique à la française…

Qui était au juste cette Pauline qui croisa les hommes les plus célèbres de son temps, de Dumas à Dostoïevski, qu’elle fascina ? Irène Frain a suivi ses traces depuis la Lorraine jusqu’à la Transbaïkalie. Elle ressuscite son équipée et brosse avec feu et sensibilité le portrait d’une amoureuse endiablée.

L’avis de Mylène

Une belle façon de découvrir l’histoire des Décembristes, à travers l’épopée de ces huit femmes qui ont décidé de suivre leur mari. L’une d’elle était donc française : Pauline Geuble.

S’il s’agit effectivement d’un roman – Irène Frain intercale au cœur de la biographie de Pauline, basée pour l’essentiel sur le récit que cette dernière dicte à sa fille en 1861 – des notes personnelles sur son voyage à travers la Russie contemporaine.

La première partie de la vie de Pauline, jusqu’à son arrivée à Moscou, est marqué par bon nombre d’épreuves, principalement à cause de la personnalité de sa mère, envahissante et tyrannique. Pour lui échapper, elle va occuper un emploi de grisette à Paris qui lui ouvrira la voie vers une place de première vendeuse dans un magasin français de mode à Moscou.

C’est dans ce cadre qu’elle rencontre Ivan Annenkov, riche aristocrate russe. D’un romantisme achevé, cette rencontre s’avèrera le grand amour de la vie de nos deux protagonistes. Mais difficile d’imaginer amours plus contrariées, entre la différence sociale et la condamnation d’Annenkov au bagne et à l’exil à plus de 5000 km de Moscou ! C’est là que toute la personnalité de Pauline se révèle.

Irène Frain fait des hypothèses là où le récit de Pauline est un peu trop évasif et, pour les années après 1830, se réfère à d’autres sources. Sous une plume agréable, elle nous fait découvrir à la fois une vie et des pans importants de l’histoire russe : l’influence des guerres napoléoniennes sur l’insurrection décembriste, celle de ces femmes sur l’échec de la répression tsariste.

Une bien belle biographie, très enrichissante !

Je te suivrai en Sibérie : extrait

“Je finis par hasarder : “Pourquoi la Marseillaise sur la tombe de Nikita et pas votre hymne national ?” Elle se récrie dans la seconde : “c’était leur chant !

Leur chant, elle ne m’en dira pas plus. Avec sa Marseillaise, ce n’est pas seulement Nikita qu’elle a salué, mais Pauline, Ivan, et tous les héros de l’épopée qu’on lui a apprise petite, la légende des huit femmes et des cent vingt et un hommes qu’on avait enchaînés puis relégués ici pendant des années au motif qu’ils s’étaient emballés pour trois mots, liberté, égalité, fraternité.

Et ça la rend joyeuse d’avoir pu les saluer sous le ciel de ce village assoupi dans la pluie, elle est enthousiaste, d’un seul coup, comme la vieille de l’église, radieuse, confiante, illuminée par la foi en l’avenir”.

À propos de l’autrice

Irène Frain est une femme de lettres française, romancière et journaliste.

De 1975 à 1981, elle enseigne le latin et la littérature latine à l’Université Sorbonne Nouvelle à Paris. En 1979, parait son premier essai, “Quand les Bretons peuplaient les mers” (sous le nom d’Irène Frain le Pohon). Elle s’installe dans le Loir et Cher et ne cessera pas d’écrire.

En 2004, elle entreprend avec son mari un voyage sur les traces de l’explorateur américain Joseph Rock. Périple qui les entraîne aux quatre coins de l’Europe et au Tibet. Depuis, elle participe régulièrement à des actions favorables à la cause tibétaine. Elle est ambassadrice de l’association Aide à l’enfance tibétaine et de La Voix de l’enfant.

En 2018, elle est nommée membre du conseil de l’ordre national du Mérite.


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