Jusqu’au bout de la vie

14 Jan, 2014 | MÉDECINE, SCIENCES

Nursing homeQuand la médecine ne peut plus guérir, l’appel à s’engager auprès de la personne malade se fait d’autant plus pressant. Pour que le patient ne soit pas réduit à n’être plus que  « Celui qui va mourir », sa qualité de vie devient l’objectif prioritaire. Telle est la visée des soins palliatifs encore si méconnus.

LA LOI LEONETTI: SAUVEGARDER LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE

La loi Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie dans ces circonstances fait obligation à la médecine de sauvegarder la dignité de la personne en lui assurant la meilleure qualité de vie possible. Respecter cet engagement de soins suppose de résister à la triple tentation :

– de l’abandon,
– de l’acharnement thérapeutique, et
– de l’euthanasie.

Ces comportements ne sont opposés qu’en apparence car ils s’enracinent dans le même refus de laisser la mort advenir en son temps et dans le même mouvement de fuite. En s’obstinant au-delà du raisonnable, en délaissant le malade, en allant jusqu’à supprimer le souffrant, la médecine révèle un véritable enjeu de pouvoir de l’homme sur l’homme et risque d’ignorer à terme celui qu’elle est censée servir.

« Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour enfanter et un temps pour mourir ».[1]

UNE APPROCHE GLOBALE ET MULTIDISCIPLINAIRE

Reconnaître et admettre les situations où la maladie ne peut être guérie incite à porter une attention particulière au patient et faire de sa qualité de vie l’objectif prioritaire. Telle est la visée des soins palliatifs encore si méconnus. Une attention est alors portée dans une approche globale et multidisciplinaire aux différents besoins physiques, psychiques, relationnels, sociaux et spirituels de la personne, pour mettre en place un projet de soins personnalisé auquel le sujet et son entourage prennent une part la plus active possible.

Information sur sa situation médicale, nécessité de son consentement éclairé ou possibilité de refuser un ou plusieurs traitements, invitation à désigner une personne de confiance et à rédiger des directives anticipées, sont des droits désormais reconnus par la législation à la personne pour l’expression de ses choix. La démarche palliative, n’exclut aucun acte diagnostique ou thérapeutique a priori, mais elle entend évaluer avec soin la pertinence de tout acte au regard des bénéfices attendus pour le sujet concerné.

LE RÔLE DES SOIGNANTS

Poser les gestes d’un accompagnement vraiment humain et soignant ne relève pas de la responsabilité du seul médecin, selon une vision très hiérarchisée de l’organisation des soins. Mais il s’agit vraiment de l’affaire de toute une équipe qui fonctionne en interdisciplinarité, afin d’aborder au mieux la singularité et la complexité de chaque patient dans toutes ses composantes.

La personne en fin de vie attend des soignants qui l’entourent non seulement d’être soulagée mais aussi la confirmation de son indéniable dignité. Attester de sa dignité n’est pas que de mots mais de regards, de présence, de gestes, de pratiques, de décisions qui signent le respect effectif du patient. Il est ainsi appréhendé en tant que vivant jusqu’au bout de sa vie, être de chair et de sang mais aussi de sentiment, de parole, de volonté, de relation, de désir et d’esprit.

Plus que de techniques spécifiques, la démarche palliative nécessite donc fondamentalement un changement de perspective comme y invite Paul Ricœur : « Le regard qui voit l’agonisant comme encore vivant, comme en appelant aux ressources les plus profondes de la vie, comme porté par l’émergence de l’Essentiel dans son vécu de vivant-encore est un autre regard. C’est le regard de la compassion et non du spectateur devançant le déjà-mort.»

QUELLE VALEUR POUR LA VIE ? QUELLE FIN DE VIE ?

« Acquérir des compétences pour traiter la douleur, être inventif dans la recherche et l’amélioration des soins palliatifs, sont autant de réponses pertinentes aux souffrances physiques, psychiques, spirituelles, relationnelles et sociales des personnes handicapées, âgées ou en fin de vie. »

Dans nos sociétés où le « faire » est survalorisé, la limitation des capacités peut être assimilée à tort à une perte de valeur de l’être. La dignité, réduite à l’estime de soi, serait alors conditionnelle et dépendrait de certaines caractéristiques, ouvrant la porte à la détermination de seuils dans l’humanité. Sommes-nous prêts à déclarer certaines vies indignes d’être vécues ?

Acquérir des compétences pour traiter la douleur, être inventif dans la recherche et l’amélioration des soins palliatifs, sont autant de réponses pertinentes aux souffrances physiques, psychiques, spirituelles, relationnelles et sociales des personnes handicapées, âgées ou en fin de vie.

Tentées de se détourner du visage de l’autre, plus particulièrement du visage de l’homme souffrant, la médecine et la société toute entière gagneraient à se laisser interpeller par cette petite histoire rabbinique : « Comment savoir avec certitude lorsque la nuit se termine et que commence le jour ? C’est lorsque vous pouvez regarder le visage de votre voisin et reconnaître en lui ou en elle un frère ou une sœur en humanité. Tant que vous ne pouvez discerner cette réalité, quelle que soit l’heure du jour, il fait toujours nuit. »



[1]Qohélet  3, 1-2

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