Philippe Gagniard a fondé en 2017 la brasserie Saint Médard qu’il dirige à Compiègne. Il raconte la genèse de son projet et la façon dont ce dernier participe à la vitalisation de son territoire.
“J’ai créé il y a trois ans une brasserie solidaire avec un triple enjeu.
- Le premier enjeu est environnemental, “solidaire avec la planète”, puisque je suis parti avec un concept de bouteilles et des emballages consignés pour minimiser le niveau de déchets et l’impact carbone produits par mon activité.
- Le deuxième enjeu est social. L’objectif de l’entreprise est de créer de l’emploi d’insertion.
- Le troisième enjeu est le volet local. Comment contribuer à dynamiser le tissu local à travers l’approvisionnement et la commercialisation ?
Qu’est-ce qu’un territoire pour vous ?
Pour moi, un territoire est un lieu de vie. J’aime bien dire que, pour la Picardie, le premier territoire est composé par les personnes qui ont l’accent ! C’est le premier niveau !
Ensuite, un territoire est rendu vivant par les interactions qu’il y a entre les personnes : associations, clients de la brasserie, habitants d’une même ville ou d’une même région…
J’appartiens aujourd’hui à un territoire. Je pense que je permets de créer du lien. Le premier lien que j’ai voulu créé était de permettre à des personnes qui sont hors de la vie sociale d’y retourner. Et en fait, j’ai découvert à travers mon activité, qui est aussi une activité de commerce, que je favorisais également la re-création de liens de proximité entre les clients de la brasserie… on a tendance à perdre ce type de lien petit à petit dans notre société.
Comment concilier local et global ?
La brasserie est un mode de production mondial : dans le monde entier, on va trouver des personnes qui font des productions artisanales tout à fait équivalentes. Comment arriver à l’adapter au niveau local mais aussi interagir avec tous ces acteurs ? C’est extraordinaire de voir les échanges qui se font de façon tout à fait transparente, entre les brasseurs de différents pays ! Ça, c’est l’aspect du global vers le local.
Le lien du local vers le global est principalement environnemental, à mon échelle : l’action que je mène localement va être importante pour tout le monde ! Et particulièrement pour les personnes qui sont en situation de fragilité. L’action que je mène à Compiègne aujourd’hui, en limitant mon impact carbone et la production de déchets, fera un peu moins de mal aux personnes qui habitent au Bangladesh, par exemple, qu’une production de bière plus industrielle.
Nous sommes concernés par le monde entier. Comment, à ma hauteur, puis-je apporter quelque chose de positif autour de moi ? Parfois, cette contribution au bien commun touche des personnes qui sont bien plus loin que ce que l’on imagine !
Quel lien l’homme a-t-il avec la terre ?
J’aime bien cette double signification du mot supporter.
La terre, on a les deux pieds dessus. C’est elle qui nous rend les choses beaucoup plus concrètes dans notre vie. Je suis le premier à avoir tendance à trop travailler du chapeau… la terre est très belle pour ça : elle nous rappelle les choses essentielles.
Autre sens du mot supporter : quand la terre nous supporte, elle supporte aussi tous nos travers. Et de plus en plus, elle a du mal à nous supporter… elle en souffre beaucoup !
Un mot pour conclure ?
Une phrase m’a toujours beaucoup habité : “Être toujours à l’écoute de ses grands désirs et les suivre.”
Cette interview a été réalisée dans le cadre du forum Territoires Vivants 2020