La convention d’Aarhus : un outil puissant pour la société civile

26 Mar, 2024 | DROIT & JUSTICE, ENVIRONNEMENT

Julien Dewoghélaëre, chargé de projets au sein de Nuclear Transparency Watch (NTW), présente un outil puissant – et par trop méconnu – qui facilite l’accès à l’information de la société civile sur des problématiques environnementales : la convention d’Aarhus.

La Convention d’Aarhus est un traité international qui a été signé en juin 1998 – dont la France – parmi les 39 États signataires de l’époque (il y en a 49 aujourd’hui). Elle a pour objet la “démocratie environnementale” et facilite ainsi l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

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Les 3 piliers de la convention d’Aarhus

Julien Dewoghélaëre, chargé de projets, NTW : « Ce traité repose sur trois piliers essentiels :

  1. Assurer aux citoyens l’accès à l’information sur les questions environnementales ; les autorités publiques doivent permettre cet accès à ceux qui en font la demande.
  2. S’assurer – pour les autorités publiques – que le public participe à toute politique pouvant avoir un impact sur les questions environnementales. Là encore, participer veut dire mettre en place des processus de consultation, mais également faire en sorte que les avis récoltés soient dûment pris en compte. Si ça n’est pas le cas, les autorités doivent en expliquer les raisons.
  3. Si jamais les deux piliers précédents ne sont pas respecté dans un pays signataire, un accès à la justice est possible pour juger si l’un des deux piliers précédents n’a effectivement pas été respecté.
Logo Aarhus

Contexte d’émergence de la convention d’Aarhus

C’est la montée en puissance dans les agendas politiques des questions environnementales qui a permis l’émergence de la convention d’Aarhus. On peut notamment mentionner, au niveau international, les sommets de la Terre à Rio, et la convention de Rio qui en a émergé en 1992.

À partir de là, différentes actions ont été menées concernant notamment la démocratie participative. Cette dernière connait un vrai regain d’intérêt au début des années 2000 ; on pense à l’expérience exemplaire de Porto Alegre, par exemple.

Ainsi donc, au fond, la convention d’Aarhus est une mise en adéquation avec l’air du temps ; l’Union Européenne a suivi le pas !

Et ce n’est d’ailleurs pas sans difficulté… Dans le domaine du nucléaire, par exemple, la convention d’Aarhus va se confronter à d’autres blocs législatifs, tel qu’Euratom, qui n’a pas du tout la même vision concernant l’implication du public. La coexistence de ces deux blocs législatifs est d’ailleurs assez surprenante et n’est pas facilitante…

Dirigeants mondiaux 1992
Photo de groupe des dirigeants mondiaux, réunis pour le Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, Brésil, 13 juin 1992.
Photo ONU/Michos Tzovaras

Déployer la convention d’Aarhus, en l’utilisant

Quand émerge un traité international, les pays ont à charge de l’appliquer, le transposer, dans le droit national. Une fois cette étape réalisée, il y a l’application concrète… Et là, on peut se rendre compte que ce n’est pas parce que la loi existe qu’elle est systématiquement appliquée !

Voilà pourquoi en 2008, l’« ANCCLI » – l’Association nationale des comités et des commissions locales d’information en France – avec la Commission européenne, a initié un processus de tables rondes ayant pour objectif de faire se rencontrer et échanger ensemble les acteurs du nucléaire : producteurs de déchets, organismes en charge de les traiter, régulateurs, ONG et acteurs locaux. Ni plus ni moins que l’application concrète de la convention d’Aarhus pour faire appliquer plus largement cette même convention ! Était-elle effectivement appliquée selon eux, sur ce sujet spécifique ?

C’était assez original de mettre à ces tables rondes l’ensemble des parties prenantes, sur un même pied d’égalité : l’expression des points de vue était considérée comme légitime d’où qu’ils viennent.

Convention d’Aarhus : un nouveau pilier à faire émerger

Le réseau Nuclear Transparency Watch (NTW) a travaillé en partenariat avec la Commission européenne sur un rapport – le rapport Bepper, accessible en ligne – qui fait un état des lieux des questions de transparence dans une quinzaine de pays.

Ce rapport souligne l’importance d’un quatrième pilier fondamental pour permettre la mise en oeuvre des trois autres : l’accès aux ressources, humaines et financières, pour la société civile. Sans cet accès aux ressources, il n’y a pas de participation du public réellement effective car s’informer et participer aux processus de décision demande du temps et de l’argent. C’est un enjeu toujours bien prégnant.

ANCCLI LOGO

Convention d’Aarhus : applicable tout type de problématiques

La convention d’Aarhus ne s’applique pas qu’à des questions nucléaires mais bien à toute question environnementale, toute problématique ayant un impact tant sur la santé que sur l’environnement.

On pourrait donc la traduire sur les questions de nanotechnologies, de pesticides, d’impacts climatiques, par exemple. Sa pertinence reste valable.

Quels recours quand un pays signataire n’applique pas la convention ?

Quand un pays a signé la convention et qu’il y a un non-respect de cette dernière, citoyens et organisations peuvent faire appel aux instances de la convention d’Aarhus pour engager une procédure judiciaire. Cette dernière permettra de définir si effectivement, la convention n’a pas été respectée.

Un exemple : si vous voulez créer une nouvelle centrale nucléaire, il vous faut faire une étude d’impact environnemental. Si vous ne faites pas cette étude d’impact environnemental ou si vous la faites sans consulter la population, sans qu’elle ait accès à l’information ou qu’elle puisse participer aux échanges de manière satisfaisante, ces personnes peuvent recourir aux instances de la convention d’Aarhus pour faire appel. Une procédure sera alors engagée.

Cela a permis de faire en sorte que les pays soient obligés de s’y conformer, à partir du moment où ils ont signé le traité.

Découvrir et faire découvrir la convention d’Aarhus

Il est primordial de faire découvrir l’existence de cette convention par le plus grand nombre. Il faut savoir que l’on peut la mobiliser dans toutes les questions environnementales et qu’elle doit être respectée en France comme dans les 49 pays signataires !

Cet outil sera d’autant plus puissant qu’un nombre toujours plus croissant de personnes la connaîtront et l’utiliseront.

Garder la foi

Mon implication sur ces questions environnementales depuis plus de onze ans me fait dire que c’est que c’est un combat difficile – on fait trois pas en avant et on en fait quatre en arrière – c’est parfois décourageant ; j’ai d’ailleurs vu des personnes abandonner, par fatigue, leurs combats pourtant si vitaux pour le bien commun.

Mais le fait que des outils comme la convention d’Aarhus existent permet quand même aux personnes qui continuent à se battre sur ces questions de transparence, d’accès à l’information, de participation du public – questions démocratiques fondamentales à mon sens – puissent continuer leurs combats. »


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