L’Ami du Prince #CoupDeCoeurLecture

6 Sep, 2024 | ART & CULTURE

Cette histoire se passe à Rome, en 65 après JC. Elle met en scène de célèbres protagonistes : Agrippine, son fils, Néron et le conseiller de ce dernier, Sénèque. L’Ami du Prince, de Marianne Jaeglé, paru aux éditions L’arpenteur (Gallimard) en mars 2024 : encore une excellente recommandation de la maison des bouquins !

L’Ami du Prince : l’histoire

12 avril 65 après Jésus-Christ, dans les environs de Rome.

Des soldats en armes envahissent la villa de Sénèque, porteurs d’un ordre de l’empereur : le philosophe doit se donner la mort.

Sénèque écrit alors une ultime lettre à son ami Lucilius, dressant pour lui le bilan de sa vie. Durant quinze années, il a été le précepteur, puis le conseiller, puis l’ami de celui qui exige désormais sa mort : l’empereur Néron.
Parce qu’il vit ses dernières heures, Sénèque peut enfin tenir un discours de vérité sur son élève. Dans cet ultime moment d’introspection, le philosophe interroge la réalité du pouvoir, mais affronte aussi ses propres erreurs et sa compromission.

L’Ami du Prince raconte comment Sénèque s’est retrouvé prisonnier d’un idéal de l’Empire, de ses illusions et d’un jeune homme imprévisible dont la vraie nature s’est révélée peu à peu.

L’Ami du Prince : notre avis

Récit subjuguant ! Lucius Anneus Seneca, se sachant condamné par celui qu’il a formé et conseillé, l’Empereur Néron – Nero en latin – demande un délai au préfet Gavius Silvanus dont les soldats encerclent sa propriété, le 12 janvier 65 de notre ère. Il met ce temps à profit pour écrire une longue lettre à son ami Lucilius qui vit à Messine. Cette lettre, imaginée par Marianne Jeaglé qui a choisi de laisser parler Sénèque, permet d’appréhender au plus près la vie de ceux qui détenaient le pouvoir à Rome.

C’est après avoir passé huit années d’exil en Corse qu’à 53 ans, il est rappelé par Agrippine afin d’enseigner l’éloquence à son fils, Domitius. Ce retour en grâce a, en même temps, impressionné et inquiété Sénèque. Durant son exil corse, il avait écrit un traité, de la colère, à propos de l’éducation d’un enfant. Avec le fils d’Agrippine qui vient de contracter un quatrième mariage avec l’empereur Claude, il va pouvoir mettre en application ses préceptes.

Ce roman est captivant. Il bénéficie d’une dramaturgie passionnante et l’écriture est magnifique. Il permet de s’immerger dans un monde romain qui, par ses diverses périodes politiques, a beaucoup a nous apprendre. C’est aussi une précieuse approche philosophique du stoïcisme, un courant qui a une large place dans notre culture, notamment dans Les Essais de Montaigne.

Le Prix Orange du Livre 2024 est amplement mérité !

L’Ami du Prince : Extrait

“Toutes nos légendes sont pleines de héros qui triomphent de monstres effrayants. Hercule affronte le lion de Némée et l’Hydre de Lerne, Thésée a raison du Minotaure, Persée détourne le regard paralysant de Méduse et parvient ainsi à lui couper la tête… Pour ma part, j’ai la sensation d’avoir combattu une créature qui, au fil des ans, n’a cessé de grandir, tandis que mon pouvoir sur elle diminuait, un être qui se renforçait tandis que l’âge me rendait plus faible chaque jour.

Jai lutté et lutté encore, affronté et rusé, puis je me suis retiré, j’ai fui. Aujourd’hui, c’est dans la mort que je vais trouver refuge contre Nero.

Parfois, je crois avoir affronté à main nue la vie elle-même. Il me semble avoir récemment compris combien est amère cette bataille que nous sommes appelés à livrer tout en étant destinés à la perdre. Ducunt volentem fata, nolentem trahunt, t’ai-je écrit, Lucilius, il y a longtemps. Le destin conduit ceux qui l’acceptent et traîne ceux qui le refusent. Comme j’étais sûr de moi, en t’écrivant ces mots, mon ami ! Et pourtant, il me paraît aujourd’hui que j’ai accepté ce que les dieux mettaient sur ma route, et que je n’en ai pas moins été traîné tout au long du chemin. Évidemment, ma responsabilité est immense. Je me désole à la pensée de rester dans l’Histoire comme celui qui avait tout pour réussir et qui a failli.

Mais peu importe. Puissent mes écrits servir à d’autres êtres qui affronteront, dans des temps où je ne serai plus, la difficulté de vivre.

Philosopher, c’est apprendre à mourir. Je n’ai jamais rien fait d’autre, Lucilius.”

À propos de l’auteur : Marianne Jaeglé

Agrégée de lettres modernes, Marianne Jaeglé a publié plusieurs ouvrages parmi lesquels l’Histoire de Paris et des Parisiens, éditions Compagnie 12, ouvrage lauréat du prix Haussmann 2006 et Une poupée qui dit non, éditions Calmann-Levy, écrit avec Galina Valkova.

Marianne Jaeglé est également l’auteur de plusieurs films documentaires : Moravia, l’homme qui regarde (France 3, Un siècle d’écrivain) ; Sant’Egidio, les artisans de la paix (Arte, Rai, Ina) ; le sang noir de Médée (KTO, TSI).


Retrouvez notre dernière recommandation lecture – un premier roman ! – Au-delà du vieux mur d’Olivier Terlinden

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance