Felix est intelligent et indépendant. L’homme aime sa compagnie. Mais parlons-en aux petites bêtes des jardins, des champs, des toits et des rues. Elles ont un autre avis sur Raminagrobis. Chronique animalière proposée par Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine.
En abordant le sujet du chat domestique, je m’attaque à un gros morceau, objet de passions contradictoires. Le chat est l’animal de compagnie qui suscite en France le plus d’adulation. Et de rejet. Le préféré des Français, mais aussi le plus détesté. Apprécié pour son élégance et son caractère indépendant, on peut se demander qui du chat ou son maitre apprivoise l’autre.
Vous connaissez peut-être la plaisanterie qui pose qu’un chien pense que la main qui le nourrit doit être celle d’un dieu, tandis que le chat conclut que c’est lui qui doit être dieu pour qu’on le nourrisse ainsi gratuitement. Incarnation d’une divinité de l’Egypte antique, il protégeait les moissons contre les rongeurs et les maladies qu’ils transportent. Mais contrairement au chien, dont certaines races continuent de nous rendre service, le mystérieux félin ne sert plus qu’à nous charmer.
Mais attention, Raminagrobis a deux faces. Coté Dr. Jekyll, c’est la peluche douillette qui vient se caresser dans vos jambes en ronronnant avant de sommeiller sur son coussin ; coté Mr Hyde, c’est un prédateur, terreur nocturne d’une foule de petites bêtes.
Or, alors que le nombre de chiens recule en France, le nombre de chats y aurait presque doublé en 20 ans. Sur les 14 millions qui y vivent, 8 à 10 millions seraient errants. La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a tiré la sonnette d’alarme. Ce pullulement des chats domestiques dans les villes et les campagnes provoque une véritable hécatombe. La biodiversité est menacée. L’instinct de tuer, émoussé chez nombre de chiens, est intact chez le chat. Même s’il est nourri, la prédation est son passe-temps favori. Un chat errant chasse douze heures par jour. Doté d’une excellente vision nocturne et d’une agilité admirable, il peut sauter jusqu’à deux mètres de haut. Pour les défenseurs des oiseaux, c’est un invasif.
11 % des animaux soignés dans les centres de la LPO ont été blessés par des chats, surtout des oiseaux, mais aussi des mammifères et des reptiles. Un chat errant capturerait 273 proies par an, tandis qu’un chat haret (c’est-à-dire retourné à l’état sauvage) en tuerait plus de mille. Les spécialistes du Muséum d’histoire naturelle ont dressé la liste des deux cents espèces dont il est prédateur. Plus de la moitié sont des mammifères dont trois quart de rongeurs ; mais il y a aussi des taupes, musaraignes, hérissons, lapins et chauve-souris. Du coté des oiseaux, ceux qui cherchent leur nourriture au sol sont les plus chassés : rouges-gorges, merles et verdiers notamment. Le chat ne consommerait pas la moitié de ses victimes. Dans le monde, il aurait déjà contribué à 28 extinctions de mammifères. Son introduction par l’homme dans certaines îles a provoqué la disparition d’espèces endémiques incapables de se défendre.
Dans les campagnes françaises, où le nombre de passereaux s’est effondré, la LPO juge que les chats en sont responsables à 25 %.
Chasseurs et adversaires de la chasse font exceptionnellement cause commune contre le chat. Un député propose même qu’on le classe parmi les nuisibles. Pour les propriétaires de chat, des solutions existent : plus de jeux pour le distraire, le confiner la nuit, le stériliser, lui attacher une clochette d’alerte, poser des répulsifs anti-félins.
Le gouvernement australien a choisi une option plus radicale : il a décidé d’exterminer deux millions de chats errants.